L'affaire avait mis en émoi le Limousin et tout le pays pendant des mois. En 2004 un mystérieux groupe se faisant appelé AZF menaçait de faire sauter des lignes de chemin de fer si l'Etat ne leur versait pas une rançon. Une bombe artisanale avait été retrouvée près de la commune de Folles, en Haute-Vienne. Vingt ans après, le procès d'un homme et d'une femme vient de s'ouvrir devant le tribunal correctionnel de Paris.

Assis côte à côte sur le banc des prévenus, Michel D., 76 ans, chef d'entreprise à la retraite, et son ancienne employée Perrine R., 61 ans, formatrice en bâtiment, ressemblent à monsieur et madame tout le monde. Pull gris à col roulé pour lui, chandail blanc pour elle, tancée dès son entrée au tribunal par la présidente de la 14ᵉ chambre pour être arrivée en retard.

Michel D. et Perrine R. doivent répondre du délit d'association de malfaiteurs et de fabrication et détention sans autorisation d'engins explosifs. S'ils ont échappé à la qualification terroriste, un temps envisagée, ils encourent cependant dix ans de prison. 

C'était juste pour faire peur. Les bombes n'étaient pas conçues pour exploser.

Michel D.

membre du groupe AZF

Un peu tombées dans l'oubli aujourd'hui, leurs menaces contre le réseau ferré français avaient à l'époque semé l'inquiétude au sommet de l'État. "C'était juste pour faire peur, rendre crédible une demande de rançon (...) Les bombes n'étaient pas conçues pour exploser", assure à la barre Michel D. Alors que la présidente lit le contenu de ses lettres de menace, Michel D. se dit "catastrophé". "C'est pénible de les écouter", dit-il en s'excusant.

L'affaire avait éclaté fin 2003 quand un groupe inconnu dénommé "AZF" - du nom de l'usine dont l'explosion avait causé la mort de 31 personnes à Toulouse en 2001 - avait assuré avoir enfoui "une série de bombes" sous le ballast de voies ferrées et promettait de les faire exploser à défaut du versement par l'État d'une rançon de 4 à 8 millions d'euros. 

Les menaces avaient été prises très au sérieux à l'Élysée et au ministère de l'Intérieur, qui avaient reçu entre décembre 2003 et mars 2004 neuf lettres signées "AZF", un groupe se présentant comme "groupe de pression à caractère terroriste secrètement créé au sein d'une confrérie laïque à spécificité éthique et politique".

Une bombe retrouvée en Haute-Vienne

L'affaire avait été également marquée par la rocambolesque correspondance, via la rubrique "Messages personnels" du quotidien Libération, entre "Mon gros loup" (AZF) et "Suzy" (police) pour organiser comme un jeu de piste le largage de la rançon par un hélicoptère qui, selon les instructions d'AZF, devait décoller du haut de la tour Montparnasse.

Sur les indications du groupe, les autorités retrouvent le 21 février 2004 une première bombe - "sophistiquée" et en état de fonctionner - sur la ligne Paris-Toulouse à hauteur de Folles (Haute-Vienne).

Début mars, l'affaire est rendue publique et provoque une certaine inquiétude, au moment où le groupe Al-Qaïda vient de revendiquer plusieurs attentats à Madrid, dans des trains de banlieue espagnols.

Une seconde bombe avait été découverte fortuitement par un agent SNCF le 24 mars 2004 dans l'Aube, sur la voie Paris-Troyes-Bâle. Le lendemain, "AZF" annonçait par courrier aux autorités la suspension de son action, selon lui, "sans rancune et à bientôt".

Un coup de folie

Le dossier aurait pu complètement tomber aux oubliettes sans la dénonciation, en septembre 2017, de l'ex-compagnon de Perrine R. Interpellés en juin 2018, les deux "membres" du groupe avaient immédiatement reconnu les faits, mais démenti avoir cherché à instaurer "la terreur" dans le pays, arguant n'avoir jamais souhaité donner de publicité à leurs menaces.

Se définissant comme "un peu inventeur", l'ancien chef d'entreprise avait expliqué aux enquêteurs que la rançon devait servir à réaliser des "prototypes opérationnels pour la production et l'utilisation d'énergies nouvelles non polluantes et illimitées".

"Michel D. reconnaît avoir été pris d'un coup de folie qu'il regrette aujourd'hui", a confié, avant le procès, son avocate, Me Lucile Collot. "Vingt ans après les faits, l'absence totale de dangerosité de Michel D. est incontestable". Le procès est prévu jusqu'à vendredi.

Avec AFP.

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