Limoges : la difficile question des ossements humains découverts lors des fouilles archéologiques

Le chantier de fouilles archéologiques de la place Fournier à Limoges vient de s'achever. Il a mis au jour plus de 150 squelettes des XIIIe et XIVe siècle. Mais que vont devenir ces ossements humains ?  Vont-ils retrouver une sépulture ? 

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Trouver des squelettes humains sous la Place Fournier, dans le centre de Limoges, n'a pas vraiment étonné les archéologues de l'INRAP, chargés des fouilles préventives entre le 6 février et le 23 avril 2021. Ils connaissaient déjà l'existence de sépultures, non loin de là, près des vestiges de l'abbaye Saint-Martial. 

La découverte des squelettes

A seulement quatre mètres sous la place, des ossements de l'époque médiévale ont été découverts. Plus profondément, d'autres squelettes, plus anciens, datant du haut moyen-âge, entre le Vème et le VIIème siècle ont eux aussi été mis au jour. En tout, 150 individus.

 

Le chantier de fouilles est désormais terminé. Il laisse maintenant la place aux travaux d'aménagement engagés par la ville. 

L'étude des squelettes

Les squelettes, comme tous les objets, les matériaux découverts sur place vont donc rejoindre les locaux de l'INRAP pour y être étudiés. 

Les archéologues, les anthropologues vont déterminer le sexe, l'âge, la taille des défunts, les éventuelles pathologies ou carences alimentaires, les liens familiaux. Tout ce qu'ils apprendront grâce à ces ossements leur permettra d'en savoir plus sur l'histoire de la ville, sur son évolution, sur les populations qui y ont vécu...

Et après ?

"L'étude de ces squelettes est fondamentale, précise Michel Toulet, le président de l'association Renaissance du Vieux Limoges, féru du patrimoine de la ville. Mais après ? Que deviennent-ils? Ils sont entreposés dans des hangars," s'offusque-t-il. 

Michel Toulet a adressé un courrier en ce sens au maire de Limoges. 

Est-ce respectueux pour les restes de nos frères en humanité ?

Michel Toulet, président de Renaissance du Vieux Limoges


Il ajoute, choqué : "Ces ossements ne peuvent pas être mis au rang de poteries ou d'éléments lapidaires." Et demande une sépulture spécifique au cimetière de Louyat, pour "ces restes humains trouvés dans les fouilles récentes, actuelles ou futures".

La mairie de Limoges ne se dit pas opposée à cette proposition, mais se laisse le temps de la réflexion.

Les scientifiques

Et du temps, ce n'est pas ce qui va manquer. L'étude des 150 squelettes, un par un, va prendre plusieurs années. Les squelettes seront ainsi conservés durant au moins cinq ans, "conservés individuellement", précise la DRAC de Nouvelle-Aquitaine. Qui ajoute "La conservation et la manipulation des ossements font toujours l’objet d’un soin attentif".

Chaque archéologue sait qu’il a affaire non à un objet, mais à des restes humains

DRAC Nouvelle-Aqutaine

Les archéologues se laissent aussi la possibilité de reprendre leurs études sur les ossements en fonction de l'avancée des connaissances, mais également de la science, comme les analyses ADN.

C'est pour cette raison que le temps de conservation d'ossements humains n'a pas de limite, comme l'explique Hélène Mousset, la coservatrice adjointe régionale de l'archéologie à la DRAC de Nouvelle Aquitaine, au micro de Martial Codet-Boisse et Pascal Coussy : 

 

Cette notion de conservation s'oppose à l'article 16-1-1 du Code Civil sur le respect dû aux morts, s'indigne Michel Toulet, qui parle de dignité.

 

Un débat national et au-delà

Dans son essai "Les os de la discorde-l’émergence des sensibilités liées aux restes humains en archéologie", Béline Pasquini précise que l'intêret porté sur le devenir des ossements humains découverts par des archéologues a touché les pays anglo-saxons avant la France.

Dans les années 60, le corps d'Anne de Mowbray, décédée en 1481 à l’âge de huit ans, duchesse d’York, a été mis au jour et a suscité l'émoi de la population, avant de rejoindre l'abbaye de Westminster. 

Dans les années 70, les amérindiens protestent contre la fouille des sites concernant des restes humains, la question de l'éthique des recherches archéologiques entre alors dans le débat public. C'est le cas à la même époque en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande. 

En France, le débat est plus tardif. Il éclate en 2009, avec la découverte du charnier de la bataille du Mans

Quatre ans plus tard, la dépouille d'une noble de Bretagne est découverte dans un cercueil de plomb à Rennes. Louise de Quengo est inhumée pour la deuxième fois en 2015, en présence de ses descendants, dont l'acteur Guillaume de Tonquédec. 

"En France, selon les conseils émis par la commission scientifique nationale des collections, les réinhumations ne sont obligatoires que lorsqu’elles sont demandées par les descendants. Toutes les demandes exprimées par d’autres groupes doivent être examinées au cas par cas", précise Béline Pasquini. 

Le compromis

Certains pays cependant commencent à trouver des compromis entre les besoins de la science et le débat éthique. En Australie, après avoir été étudiés par les archéologues, des ossements humains ont été inhumés dans un cimetière paroissial. 

La structure qui accueille les 70 squelettes est équipée d'un réservoir d'eau pour leur conservation. Ils sont également accessibles, au cas où les chercheurs auraient besoin d'une nouvelle étude. Une solution qui semble satisfaire toutes les parties. 

 

 

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