L’exploitation au travail est une réalité exacerbée avec la crise sanitaire. Les premières victimes : les personnes sans-papiers qui cumulent les emplois sous payés, parfois non déclarés et sans couverture sociale.
Travail sous payé, non déclaré, sans couverture sociale, l’exploitation au travail s’est exacerbée avec la crise sanitaire. Elle touche particulièrement les personnes n’ayant aucun droit, comme les ressortissants extra-européens, sans-papiers. Pour dénoncer ce qu’ils appellent "l’esclavage moderne", un collectif s’est créé à Limoges en 2019. Une branche de la CGT nommée "Travailleurs sans-papiers". Aujourd’hui, ils sont déjà plus de 350 syndiqués.
"Ces réseaux, ils ont toujours existé", explique Angel, référente du collectif "Travailleurs sans-papiers".
L’exploitation au travail s’accentue avec la crise sanitaire. Les patrons en profitent. Ça touche principalement les secteurs en crise comme le bâtiment, les aides à domicile, l’hôtellerie-restauration, les ouvriers agricoles ou encore les livreurs à vélo.
C’est le cas d’un homme que nous appellerons Ousman. Arrivé en France en 2015, ce guinéen sans-papiers travaille souvent dans des conditions illégales comme lors d’une expérience chez un pomiculteur.
Quand vous êtes sur le chantier de la cueillette des pommes, vous travaillez 48h par semaine et 6 jours sur 7. Sachant que t’es payé 4 euros et demi de l’heure. Si tu ne le fais pas comment tu vas vivre ? Tu ne vas pas aller voler. Donc tu préfères accepter cette maltraitance. Au moins à la fin du mois, tu finis par avoir quelque-chose pour nourrir ta famille.
Des histoires comme celle-ci, Ousman les cumule. Comme en ce moment, il travaille pour un restaurateur.
"Là, j’ai un contrat pour une heure de travail par jour, pour faire la plonge. Mais, le patron me demande aussi de nettoyer les frigos, le sol, de changer l’huile, donc je dépasse facilement l’heure quotidienne. Quand je lui fais remarquer, il me dit qu’il ne peut pas me payer plus que ça. Donc je suis obligé d’accepter les 10 euros, en faisant 2h au lieu de 1h conclu dans le contrat. J’accepte les 70 euros à la semaine parce-que j’ai pas le choix. Lui, il le sait et il en profite" assène Ousman.
A cette exploitation s’ajoute, les réseaux de type mafieux. Avant d’obtenir un titre de séjour, ce qui peut prendre des mois, les personnes sans-papiers payent pour un "prête-nom" afin de pouvoir travailler. Par exemple, une personne prête son identité française à une personne sans-papiers qui va grâce à ce procédé pouvoir travailler. En échange, elle lui demande au moins 50% de son chiffre d’affaire.
Pour lutter contre toutes ces formes d’exploitation, Ousman s’est syndiqué comme près de 350 autres personnes de Limoges et des alentours.
Collectif "Travailleurs sans-papiers", une branche de la CGT
En août 2019, comme à Paris, Lyon, Nice et Toulouse, la CGT créé à Limoges un collectif, dédié aux travailleurs sans-papiers. Il organise des ateliers pour écrire des curriculum vitae, il fait de l’accompagnement juridique, il suit les dossiers administratifs avec le Collectif Chabatz d’entrar ! et il manifeste pour demander la régularisation des personnes sans-papiers.
C’est l’unique solution administrative et légale pour que tout rentre dans l’ordre. Ça évitera l’esclavage dans le travail et le fait que les gens se retrouvent à la rue.
Depuis sa naissance, le collectif s’est déjà rassemblé une quarantaine de fois devant la préfecture, l’Inspection du travail ou encore Pôle Emploi. Depuis plus d'un mois, il manifeste sans discontinuer en occupant le théâtre de l'Union.
L’obtention d’un titre de séjour se révèle de plus en plus difficile, confie Angel. Même dans les secteurs en tension qui ne trouvent pas de personnel. Depuis la création de cette branche du syndicat, la CGT reçoit beaucoup d’appels d’artisans à la recherche d’information pour pouvoir légalement embaucher un sans-papiers. Mais malgré cette demande et l’appui de certains employeurs pour régulariser une personne demandeur d’asile (en contrat avec eux grâce à une autorisation de travail délivrée par la préfecture ou les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS)), "plus ça va, plus ça bloque" témoigne Angel, même dans les secteurs en tension.
"Quand un titre de séjour est demandé, alors que la personne occupe un emploi dans un secteur en tension avec l’appui du patron, soit il n’y a pas de réponse du tout" explique Angel "soit c’est un refus direct de la demande".
Michel (prénom d’emprunt) gère une entreprise du bâtiment. Il emploie un jeune sans-papiers que nous appellerons Pascal. Ce demandeur d’asile possède pour l’instant une autorisation de travail. Seulement, il a besoin d’un titre de séjour pour lui permettre de travailler à long terme pour Michel. Ici, Pascal est payé comme les autres salariés. Préoccupé par la difficulté de trouver du personnel, le gérant de la structure ne veut pas s’en séparer.
Pascal a une formation de maçon et ensuite on l’a formé. Ce serait une perte si on le perdait. Il faudrait qu’on se mette à la recherche de quelqu’un qu’on ne trouvera pas. A moins que Pôle Emploi fasse des miracles mais ils n’en n’ont pas fait depuis 4 ans.
Comme beaucoup de patrons, Michel soutient son employé dans sa démarche. Tous les deux sont aujourd’hui suspendus à la décision de la préfecture.
Depuis sa création, il y a un an et demi, le collectif "Travailleurs sans-papiers" a déjà obtenu la régularisation d’une vingtaine de personnes. Mais le combat se poursuit. Il demande à la préfecture et à la Dreets d’autoriser d’office le travail pour les personnes sans-papiers en instaurant des contrôles tous les six mois.