Lire à Limoges 2021 - Charline Vanhoenacker : "La blague, c'est le geste-barrière par rapport au fait d'actualité"

Rencontre avec Charline Vanhoenacker et Guillaume Meurice venus présenter à Lire à Limoges 2021 leurs livres respectifs "Debout les damnés de l'Uber" (recueil de chroniques) et "Le roi n'avait pas ri" (l'histoire du bouffon Triboulet). L'occasion de causer humour, politique et premières fois.

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Elle se réjouissait de venir, lui connaissait déjà... En ce 8 mai 2021, Charline Vanhoenacker et Guillaume Meurice participent à Lire à Limoges. Au programme : captations vidéos et signatures en librairie mais avant cela, le duo qui fait les beaux après-midis de France Inter dans "Par Jupiter" répond aux journalistes parmi les plantes de la BFM de Limoges.

Elle est venue dédicacer son recueil de chroniques "Debout les damnés de l'Uber", lui son livre "Le roi n'avait pas ri", l'histoire de Triboulet, bouffon de Louis XII et de François Ier. L'occasion de causer humour, politique et premières fois.

Vous chroniquez l'actualité tous les jours sur France Inter depuis des années : le pouvoir reste-t-il une source d'inspiration intarissable ?

Guillaume Meurice : Evidemment, car le pouvoir est ridicule en soi, parce qu'il y a une espèce de mensonge initial qui est de dire "une personne peut avoir les solutions aux problèmes de 67 millions", donc déjà c'est une absurdité. Nous, comme on travaille sur l'absurdité, on aime bien tirer le fil comme ça, car on est assez taquins (rire de Charline). Ca me paraît une source intarissable et ça ne m'a pas l'air prêt de s'arrêter. Les élections présidentielles sont un peu la Ligue des Champions de l'absurdité parce qu'il ne va y avoir que des gens qui créent des faux problèmes pour pouvoir rassurer la population, on le voit avec l'islam en ce moment, si on veut citer un exemple. 

Pouvoir politique ou pouvoir économique ?

Charline Vanhoenacker  : Moi je trouve que c'est plus amusant et plus facile avec le politique parce que c'est un théâtre, une comédie avec des communiquants qui orchestrent tout ça, qui mettent une grosse couche de sucre pour que ça passe, ou de vaseline, et qu'il faut casser tout ça pour aller chercher en-dessous. Le pouvoir économique n'a pas besoin de se mettre en scène pour se vendre, lui, il est de toutes façons ultra-dominant. Dans l'humour vis-à-vis du pouvoir économique, il y a plus une manière de l'affronter. Finalement, en rire, c'est notre seule manière de ne pas se laisser dominer, c'est peut-être se donner l'illusion qu'on n'est pas dupes mais on le subit quand même. 

Est-ce que c'est difficile de se mettre à la bonne distance, d'être poil-à-gratter, sans tomber dans l'excès ?

Guillaume M. : L'idée, c'est d'être drôle avant tout, donc de faire des choses qui nous font rire, nous, ou qu'on aimerait bien voir, donc moi je dirais que ce n'est pas difficile. On fait un truc qui nous amuse, on le partage et basta, quoi.

Charline V. : L'humour, c'est justement mettre de la distance entre le fait et la personne qui reçoit le message ou la chronique. La blague, c'est le geste-barrière par rapport au fait. 

Elections régionales, départementales, présidentielle : comment vous abordez cette année politique ?

Guillaume M. : Ah, les départementales, ça me donne des frissons rien que d'en parler... (rires). Sinon, les régionales, c'est marrant parce qu'en ce moment, ils font des alliances, de la pure politique politicienne et après, ils se demandent pourquoi les gens ne vont pas voter. Ils prennent les gens pour des cons pendant 5 ans et puis ils se demandent "pourquoi les gens vont pas voter ?

Charline V. : Que ce soit pour les régionales ou la présidentielle, on va avoir un nouvel homme politique qui s'appelle l'abstention: là, c'est lui la star.

Trouvez-vous que la société est tendue, qu'il est difficile d'avoir un débat nuancé en ce moment ?

Charline V. : Ca dépend, il y a des gens qui ont des nuances. Si tu te bases sur les réseaux sociaux, tu vas penser que le pays est hyper tendax et que tout le monde va se foutre sur la gueule dès qu'ils vont se croiser. Si tu élargis ton champ au-delà, y'a plein de gens qui sont cools, qui ont de la nuance et certains qui ne savent même pas quoi penser donc je ne suis pas alarmiste. Par contre, c'est vrai qu'il y a des périodes dans l'année où tu sens la tension. Quand les gilets jaunes ont commencé à taguer l'Arc de Triomphe ou quand t'es dans l'entre-deux-tours entre Macron et Le Pen, là tu sens une tension qui pèse sur tout le monde et dont il faut s'affranchir et c'est pas facile. Guillaume y arrive plus que moi.

Guillaume M. : Ouais, c'est vrai, j'aime bien, moi, je nage dedans comme ça (mime et rires)

Charline V. : Lui il adore, c'est son élément. Il en joue et moi je le subis fort, je le vis mal. J'essaie de faire un travail sur moi. Heureusement que je fais de l'humour, sinon je serais en PLS. Après je dirais que tout ça, c'est cyclique, quoi. Les tensions, c'est le miroir que nous renvoient les réseaux sociaux mais avant, les gens s'invectivaient aussi dans les villages.

Guillaume M. : Il faut se méfier de l'effet de loupe. Avant, les gens envoyaient des sacs de courriers. Drucker, il raconte que quand Jean Yanne passait, y'avait des lettres, moins que des tweets aujourd'hui, mais y'en avait.

Charline V. : Les sacs de courriers que recevaient Drucker ou Jean Yanne, faut imaginer qu'aujourd'hui les lettres se répondent. C'est ça qui donne cet effet grossissant.

Charline, c'est la première fois que vous venez à Limoges, donc je vous propose de finir cette interview par un petit questionnaire spéciale "première fois"

Guillaume M. : Chouette !

La première fois que vous avez parlé dans un micro, c'était où et à propos de quoi ?

Guillaume M. : Mmmmm... ça devait être un France Bleu quelque chose, pour une mise en scène que j'avais faite à la sortie du Cours Florent et j'en n'ai pas un souvenir impérissable. Ah oui, je crois que c'était avec un mec qui s'appelle Eric Bastien que j'ai recroisé y'a pas longtemps d'ailleurs et je lui ai dit : tiens, c'est toi ma première fois, t'as été mon dépucelage !

Charline V. : Moi j'avais 14 ans et je rentrais d'une mission découverte avec la Fondation Nicolas Hulot. J'étais partie 15 jours sur un vieux voilier classé monument historique, vers Ouessant, Molène... On avait fini à Brest 92, un grand rassemblement de vieux gréements. La condition c'était que, quand je rentre, je raconte ce que j'avais vu. J'avais suivi un ornithologue à Molène, j'avais fouillé l'estran, c'est quand la mer se retire avec le champ d'algues. J'avais vu des espèces incroyables, je pouvais même pas imaginer qu'on puisse trouver ça en Bretagne, et donc j'avais fait la tournée des médias locaux et régionaux belges comme une sorte d'ambassadrice. C'est là que j'ai découvert ma vocation.

La première fois que vous vous êtes rencontrés tous les deux ?

Charline V. : C'était à France Inter, ou plus précisément à la brasserie en bas ! A l'époque, Guillaume, t'étais chez Frédéric Lopez à 11h, et moi soit j'étais chez Pascale Clarck, soit je co-présentais le 5-7. On était attablés aux Ondes, avec Alex (Vizorek), on buvait des bières et on s'est bien marrés, tout de suite.

Pour finir, le premier livre qui vous a vraiment marqué ?

Charline V. : Moi j'ai un premier souvenir de lecture, le moment où je me suis dit "whaou, la lecture c'est génial", c'est les Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet. Mes parents m'avaient mis en week-end chez mes grands-parents, avec un livre dans le sac et j'ai un souvenir ému parce que quand on va chez ses grands-parents, on se dit toujours qu'on va un peu s'ennuyer même si on les adore et là, les images ont jailli des pages et je me suis dit que c'était génial.

Guillaume M. : Moi je pense que c'est Oui-oui à la plage. Il faut le relire aujourd'hui parce que, comme toutes les grandes oeuvres, la première fois tu le découvres, t'as un choc esthétique et émotionnel et puis c'est un livre avec lequel tu voyages, tu grandis et qui résonne beaucoup avec l'actualité aujourd'hui (fou rire général)

Et première fois à Limoges ?

Guillaume M. : La gare ! Moi qui voyage beaucoup pour les spectacles -à l'époque où on en faisait, c'est l'une des plus belles gares de France et puis on découvre la ville, et là... c'est le contraste. Non je plaisante.

Charline V. : Moi c'est donc la première fois que je viens à Limoges et je dirais aussi la gare : whaou ! J'avais envie de tomber à genoux et prier. Là, je suis curieuse de découvrir la ville parce que moi je viens d'une ville réputée pour être très très moche. La Louvière en Belgique, une ville minière, industrielle...

Guillaume M. : Attention, parce que moi, je viens de Vesoul... en terme de villes moches, y'a battle. Pour nous Limoges, c'est Las Vegas !

Alors à quand un enregistrement de "Par Jupiter" à Limoges ?

Charline V. :  C'est justement ce que je suggérais à l'équipe de Lire à Limoges. On aimerait bien, nous, venir pendant le salon, on vient faire l'émission ici, avec des auteurs à disposition. On vient ambiancer Limoges, quoi ! On a repéré la place de la République qui est très jolie. On a juste peur de la salir, elle est tellement éblouissante, mais on mettra des paillassons à l'entrée de la place. On fera l'émission très proprement.

Guillaume M. : Avec des patins !

Charline V. : Rendez-vous est pris, ce sera avec joie.

 

 

 

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