Le procès pour double meurtre et triple tentative de meurtre de Nexon se poursuit aux Assises de Limoges. Ce quatrième jour, les enfants de Cécile Péroux doivent livrer un témoignage très attendu. Ils confient leur récit de la nuit du 15 au 16 juin 2021, au cours de laquelle leur mère et son voisin Pierrick Berthier, venu à son secours, ont été tués.
Devant les Assises de Limoges, le procès pour double meurtre est aussi celui d'une triple tentative de meurtre. Les victimes de cet acte ? Les trois enfants de Cécilia Péroux, tuée de trois coups de couteau.
Le soir du drame, ils étaient présents et se sont retrouvés piégés à l'étage de leur maison lorsqu'elle a été incendiée.
Maëlle, l'aînée, avait 13 ans au moment des faits. Elle s'est exprimée en fin d'après-midi.
Devant la cour, elle se montre forte et ne laisse rien transparaître. "Je me suis réveillée, j'ai été dans la cuisine", se souvient-elle. "J'ai vu le feu, j'ai vu Abdel, un couteau à la main, du sang sur son habit de travail tout blanc." Elle raconte avoir vu sa mère ainsi que Pierrick, assis et inconscient. Elle remonte ensuite dans sa chambre : "j'entends des cris, je ne bouge plus en attendant mon tour", souffle-t-elle.
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Cette nuit tragique du 15 au 16 juin 2021, elle a sauvé son frère et sa sœur. Elle les a réveillés, a tenté de jeter de l'eau sur le feu qui prenait dans l'escalier les empêchant de sortir, et hurlé pour appeler à l'aide.
La jeune fille qui a désormais 16 ans vit aujourd'hui dans la peur. Elle est suivie par un psychiatre et son stress quotidien la force à prendre des médicaments. Au mois de juin dernier, Maëlle a tenté de se suicider.
"Aujourd'hui je me sens vide sans ma maman", déclare-t-elle. "J'en veux beaucoup à ces deux personnes qui lui ont enlevé la vie. On n'a pas tellement d'émotions, on n'est plus conscients, on fait avec, c'est tout."
Le passage devant le tribunal ce jeudi 10 octobre était toutefois incontournable. "Pour moi, c'était important de venir témoigner pour ma maman, pour la représenter, et pour dire qu'on est toujours là", ajoute-t-elle. "Il faut montrer qu'on ne lâche rien, même s'il y a des moments de larmes, on sera toujours là à la défendre."
On n'a pas tellement d'émotions, on n'est plus conscients, on fait avec, c'est tout.
MaëlleFille aînée de Cécilia Péroux
Le témoignage de Maëlle était très attendu, mais également redouté par le principal accusé, Abdelkader Belarbia, au point que celui-ci ne s'est pas présenté à l'audience ce jeudi matin. Il a rédigé une lettre dans laquelle il écrit : "Je n'assume pas ce que j'ai fait, je regrette avoir enlevé la vie de Monsieur Berthier."
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Face à cette absence, la colère grandit parmi les parties civiles. "C'est trop facile", "C'est du mépris pour les victimes", entend-on dans la salle. La cour n'entend pas laisser l'accusé se soustraire à l'audience, une procédure a été enclenchée. Il s'agit d'une sommation de comparaître, selon l'article 319 du Code de procédure pénale : "Si un accusé refuse de comparaître, sommation lui est faite au nom de la loi, par un huissier commis à cet effet par le président, et assisté de la force publique. L'huissier dresse procès-verbal de la sommation et de la réponse de l'accusé."
Un traumatisme permanent
Plus tôt dans la journée, son frère Saïmon, huit ans, et sa sœur Maïlanne, dix ans, ont également été entendus en visioconférence. Ils étaient installés dans une salle à part, avec un chien d'assistance juridique, pour apaiser leur peur d'affronter ce moment.
S'adressant au plus jeune de la fratrie, la présidente du tribunal demande si Abdelkader Belarbia, l'ancien conjoint de Cécilia Péroux, dont elle s'était séparée deux jours avant sa mort, était gentil avec eux et avec leur mère. Il répond que non, qu'il "était méchant", qu'il leur "donnait parfois des fessées", et qu'à sa mère "il disait plein de gros mots", qu'il "la tapait."
Ils ont parfaitement compris que leur mère avait été assassinée, et qu'on avait mis le feu dans la maison et voulu les tuer.
Maître Nathalie PreguimbeauAvocate des deux plus jeunes enfants de Cécilia Péroux
"Tu te souviens quand elle a brûlé la maison ?" l'interroge ensuite la présidente. "Oui, très bien, on était dans la chambre et on criait pour que les voisins nous entendent, la chienne a crié pour que tous les voisins nous entendent", affirme-t-il. Ce soir-là, sa grande sœur l'a réveillé et il a vu le feu prendre dans les escaliers, sans voir sa mère. "Est-ce qu'elle a parlé, maman ?" a enfin demandé la présidente. "Elle a dit "Au revoir les enfants", c'est Maëlle qui me l'a répété", conclut le jeune garçon.
De temps à autre, ils se cachaient sous la table, aux côtés du chien d'assistance : "Le simple fait de parler leur faisait revivre cette nuit et c'est insoutenable pour eux", alerte leur avocate, Maître Nathalie Preguimbeau. "S'il n'y avait pas eu ce chien d'assistance, il aurait été impossible pour eux de venir et malgré tout, je pense que leur souffrance est telle que ce n'est pas possible de s'exprimer normalement."
Malgré la difficulté d'un tel moment au tribunal, pour l'avocate des deux plus jeunes enfants, leur parole était capitale dans ce procès. Tout comme leurs mots, leurs gestes témoignent de leur traumatisme toujours vif. Saïmon exprime le besoin de voir les détecteurs d'incendie régulièrement contrôlés. Le stress de Maïlanne se manifeste physiquement. "Malheureusement, ils se rappellent de tout", déplore Maître Preguimbeau. "Ils ont parfaitement compris que leur mère avait été assassinée, et qu'on avait mis le feu dans la maison et voulu les tuer."