Condamnés en première instance en juin 2016 à de la prison avec sursis pour des fais de violence sur des pensionnaires mineurs du centre éducatif de Moissannes, l'ancien directeur et l'un de ses salariés ont fait appel.
Au cours de cette première journée d'audience, un point aura mis tout le monde d'accord. Les jeunes délinquants placés au centre éducatif fermé de Moissannes ne sont pas des enfants de coeur. Mais à 14,15 ou 16 ans, ils restent des enfants et les professionnels chargés de leur protection doivent avant tout garder leur sang froid. Hors en 2015, le quotidien au centre se partage en provocation et confrontation et les mesures de contention et d'entrave se multiplient.
"La contention est utilisée comme un moyen de maîtriser l'individu, d'éviter qu'il ne s'échappe, qu'il ne s'enfuie à nouveau c'est un usage totalement dévoyé" indique Frédéric Olivé, avocat d'une partie civile.
Pression financière et épuisement
Pendant 4 heures, le directeur poursuivi a expliqué les tensions avec les jeunes leur agressivité, mais aussi la pression financière qui pesait sur lui. Il évoque aussi le manque de moyens humains, les heures qui se cumulent, l'épuisement. "Il faut regarder mon client comme un directeur qui a pris des fonctions au pied levé, à la suite du départ du précédent directeur et dans des conditions budgétaires et des conditions de fonctionnement qui étaient extrêmement difficiles." explique Emmanuel Raynal l'avocat du directeur du centre de Moissannes en 2015.
Le directeur et l'éducateur sont poursuivis pour violences aggravées. Leurs avocats ont plaider la relaxe. L'avocat général a requis la confirmation des peines pronconcées en première instance : 3 et 6 mois de prison avec sursis mais sans interdiction d'exercer auprès de mineurs pendant 3 ans. La cour rendra sa décision le 19 mai 2017.
Consternation à la Cour d'Appel de Limoges
Le procès a bien failli ne pas avoir lieu. En début d'audience coup de théâtre, l'Avocat Général a demandé à être remplacé. Le motif : suspicion de partialité.Ce dernier a expliqué à la Cour avoir reçu un appel téléphonique la veille d'une personne lui expliquant son manque de partialité dans cette affaire. A l'époque des faits, l'Avocat Général était le substitut du Parquet Général en charge de la protection des mineurs et il était donc en constante relation avec l'équipe directrice du centre éducatif. L'Avocat Général aurait donc pu faire preuve de partialité dans cette affaire.
La Cour et les avocats sont alors sous le choc car personne n'a été prévenu en amont.
A 9h15, la Cour a délibéré. Le procès a finalement été maintenu avec le même Avocat Général, Jean-Michel Desset, qui a pourtant demandé à être retiré de cette affaire.
Rappel des faits
Poursuivis pour violence physique et psychologique sur des jeunes du centre éducatif de Moissannes entre mai et juillet 2015, le directeur de la structure et trois éducateurs ont été condamnés le 14 juin 2016 en première instance par le tribunal correctionnel de Limoges à des peines de prison avec sursis et une relaxe pour une éducatrice.Le centre ouvert depuis 2004 accueillait à l'époque 12 adolescents. En première instance, le directeur avait reconnu certaines gifles et une entrave mais il avait nié les autres faits et contesté toute forme de ritualisation des violences. Il avait été condamné à la plus lourde peine : 6 mois de prison avec sursis avec interdiction d'exercer auprès de mineurs pendant 3 ans.
L'éducateur considéré comme le plus violent avait, lui, été condamné à 3 mois de prison avec sursis et deux ans d'interdiction d'exercer auprès de mineurs.
Tous deux disent faire appel pour avoir bénéficié de peines trop sévères en première instance.
À l'époque, les faits de violence avaient été dénoncés par des stagiaires de la protection judiciaire de la jeunesse.
À la suite de cette affaire, le centre éducatif avait fait l'objet d'une fermeture administrative en juillet 2015 jusqu'à novembre 2016 où la nouvelle équipe en place avait organisé une journée portes ouvertes au public pour tenter de rassurer sur les nouvelles pratiques mises en place à l'égard des nouveaux pensionnaires.