Municipales : vers la fin des étiquettes politiques dans les petites communes ?

L'attribution d'une couleur politique par les préfets pour les candidats des petites communes devrait prendre fin lors des élections municipales de mars 2020. "Arnaque démocratique" ou "Principe de réalité" ? Décryptage…

 

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Plus d’étiquette politique pour les candidats aux municipales dans les communes de moins de 9000 habitants… C’est ce qu’on pourrait déduire d'une polémique qui enfle à moins de 6 mois des élections.

Plusieurs partis politiques s’insurgent, et une motion dénonçant cette annonce vient d'être adoptée par le conseil départemental de la Haute-Vienne.

Sur 731 communes limousines, 723 sont concernées…

 

Question pour un ministre


L’origine de cette information se trouve dans un échange entre le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner et le sénateur du Nord Denis Wattebled, lors d’une séance de questions d’actualité au gouvernement.

Le parlementaire interroge :
"Lors du dépôt de candidature, le candidat déclare s'il se présente avec une étiquette politique ; il peut aussi se déclarer "sans étiquette" ou "indépendant". Ce sont alors les préfets (…) qui attribuent la nuance (…). Pouvez-vous nous dire, monsieur le Ministre, si vous souhaitez intégrer dans la grille des nuances politiques les classifications "sans étiquette", "indépendant" ou "non-inscrit", en dehors du "divers droite" et du "divers gauche" que nous connaissons ?" 

Réponse du ministre :
"Nous savons tous (…) que ce système n'est pas forcément adapté pour les plus petites communes (…). Nous pourrions parfaitement envisager de fixer un seuil, 3 500 ou 9 000 habitants, en deçà duquel l'appartenance politique aux grands courants que nous connaissons n'est pas indispensable. Je suis, sur ce sujet, totalement à votre écoute."

 

Qu’est ce qui changerait ?


Concrètement, il ne s’agit donc pas d’empêcher une liste ou un candidat de revendiquer une appartenance politique. On peut encore la mettre en avant ou l’inscrire sur une affiche.

Ce qui change, c’est la prise en compte de cette appartenance par les préfets dans leurs chiffres officiels.

Un peu d’histoire, racontée par Christophe Castaner lui-même : "C'est une fonction ancienne qui remonte à la IIIe République. Depuis cette époque, l'État a voulu assurer un suivi non pas de l'identification de tel ou tel maire, mais des mouvements politiques que notre pays connaissait. Ainsi, nous pouvons disposer d'un système d'information concernant les élections qui nous permet d'identifier les appartenances politiques."

D’où la nécessité pour les préfets d’attribuer à chaque liste une couleur, même quand elle n’en revendique pas.

Le sénateur Denis Wattebled précise les critères utilisés jusqu’ici par les représentants de l’Etat : "Connaissance historique des candidats, programme du candidat, investiture ou soutien reçu".

Désormais, une nouvelle mention moins politique, encore à définir, pourrait donc être utilisée.

 

Est-ce un besoin ?


Selon la députée LREM Marie-Ange Magne, ce serait une question de logique :
"Pour les listes sans étiquettes, le préfet devait apporter une nuance, avec forcément un risque d’erreur. Les élus que je rencontre me disent "On a fait du Macron avant Macron" ; de la politique pragmatique, avec des gens de gauche et de droite qui sont simplement engagés pour leur commune."

Pour la députée LREM Sophie Beaudouin-Hubiere, la mesure répondrait à un besoin réel :
"C’est un scrutin très personnel, qui se base sur un projet très local, qui relève peu des étiquettes. C’est un principe de réalité."

En effet, la mesure a bien été demandée par des maires de petites communes, rassemblés dans l’association des maires ruraux de France.

Son directeur, Cédric SZABO, dit porter cette revendication depuis déjà plusieurs scrutins municipaux.
Il met en avant ce risque d’erreur des préfets : "C’est une demande très ancienne, car les préfets se permettent d’affecter une couleur parfois différente de celle que la liste assumait."

 

Que disent les opposants ?


L’annonce de cette mesure fait tout de même beaucoup de remous, notamment du côté du Parti Socialiste.

Dans la région, l’élu le plus virulent est sans doute le président du Conseil Départemental de Haute-Vienne, Jean-Claude Leblois.
Il a voté avec son assemblée une motion dénonçant ce qu’il considère comme la fin des étiquettes politiques : "La démocratie n’avance jamais masquée. Elle nécessite une identité des acteurs, une reconnaissance des valeurs qui sont en eux".

Jean-Claude Leblois explique vouloir réagir avant que cette annonce ne devienne une loi. Il y voit d’autres aspects négatifs : "Il peut y avoir des conséquences sur le financement des partis politiques."

Pour lui, il s’agit d’une "manipulation électorale" du gouvernement avant des élections risquées, d’une "arnaque démocratique".

 

Et maintenant ?


Pour l’heure, aucune décision n’est prise, mais l’association des maires de communes rurales espère bien que la mesure s’appliquera pour les élections de mars.

La question devrait être à nouveau abordée lors de l’examen du projet de loi "engagement et proximité" le 6 novembre en commission des lois à l'Assemblée Nationale

On peut préciser que déjà en 2014, plusieurs listes dans plusieurs communes n’affichaient pas d’étiquette particulière sur leurs documents de campagne.
C’était le cas pour celle du maire sortant de Limoges Alain Rodet.

Edit, le 17 octobre : le service de presse du Sénat nous précise qu'un "amendement sur le sujet a été adopté par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi Engagement et proximité. Il s'agit de l'amendement 677 rect. ter qui prévoit que pour les élections municipales dans les communes de moins de 3500 habitants, une nuance politique ne peut être attribuée par l’administration que lorsque la liste de candidats ou les candidats ont choisi une étiquette politique, afin de permettre aux candidats d’être "sans étiquette"."
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