Surfacturations, mensonges, comportements dégradants : depuis ce lundi 13 novembre une vaste affaire d'escroquerie aux travaux de rénovation et d'isolation est jugée devant le tribunal correctionnel de Limoges. Un procès qui met au jour des pratiques plus que douteuses, une sorte de "méthode BDPA" pour arnaquer des personnes vulnérables.
"Votre patrimoine, notre priorité" La devise de l’entreprise BDPA Rénovation sonne aujourd’hui comme une amère plaisanterie, tant l’activité de celle-ci semble avoir été tout entière dirigée vers l’aspiration du patrimoine financier de leur clientèle âgée.
Les travaux ? "Ça n’était pas le but recherché" avoue Pascal B., le directeur commercial et véritable gérant de la SAS. "Quel était le but, alors ?", demande la présidente de l’audience. "Faire de l’argent", répond l’homme à la carrure imposante, déjà condamné pour des faits similaires en 2017.
Une méthode bien ficelée
Pendant quatre heures ce lundi, le couple qu’il forme avec Angeline D. est auditionné sur les pratiques frauduleuses de l’entreprise qu’ils ont créé en octobre 2018.
Cela commence par le démarchage que le couple périgourdin ne dément pas : depuis un centre d’appels basé au Maroc, l’entreprise se fait passer pour un organisme de contrôle mandaté par des compagnies d’assurances ou directement par l’État. Des mensonges visant à mettre en confiance la personne à l’autre bout du téléphone.
Une fois le rendez-vous pris, les commerciaux se rendent sur place en se présentant comme « "contrôleurs", munis d’une carte "pro BTP" flanquée du logo tricolore pour réaliser un état des lieux : insectes xylophages dans la charpente, toiture abîmée… Ce sont toujours les mêmes arguments commerciaux qui sont avancés.
Selon les dossiers présentés dès le premier jour, les commerciaux proposent alors des travaux et la salle découvre des pratiques parfois agressives face aux plus vulnérables.
« 2000 euros de prime casse-couille »
La technique employée est celle-ci du « one-shot », consistant à obtenir la signature du client dès la première visite sans aucune mention du délai de rétractation. Les prix pratiqués ? "À la tête du client" : "2000 euros de prime casse-couille", peut-on lire ainsi sur un bon de commande.
Et quand un "bon client" se présente, "vous ne lâchez plus jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’argent", décrit la présidente, prenant en exemple : un retraité qui cumule à lui seul douze bons de commande, pour un montant total dépassant les 200 000 euros. Moyenne d’âge des victimes présumées : 80 ans.
Autre procédé mentionné pendant l'enquête et rapporté par la présidente : des dégradations commises par les artisans pour facturer des travaux supplémentaires, jusqu’à uriner dans les combles pour faire croire à une fuite d’eau…
Des vidéos insoutenables
Pascal B. répond calmement à toutes les questions de la présidente, reconnaissant la plupart des faits qui lui sont reprochés. Une attitude qui tranche avec celle qu’il adopte dans plusieurs vidéos et photos partagées sur le groupe WhatsApp de l’entreprise et interceptées par les enquêteurs. Filmé par ses collègues, on le voit humilier certains de ses clients, allant jusqu’à mettre en scène le fils handicapé d’un couple de séniors dans des photomontages obscènes. Dans une autre vidéo, il exhibe deux doigts d’honneur à la caméra tout en préconisant des travaux au client qui est derrière lui, sous les rires goguenards du salarié en train de filmer…
Tour à tour, les seize prévenus sont interrogés par la présidente sur ces mêmes méthodes : ils étaient commerciaux ou directeurs d’agences BDPA, réparties sur sept départements (Allier, Dordogne, Eure-et-Loir, Gironde, Loir-et-Cher, Lot, Haute-Vienne).
Tous disent avoir été motivés par l’appât du gain, encouragés par un système qui les poussait à "faire du chiffre" : en dessous de 20 000 euros de chiffre d’affaires par mois, les commerciaux gagnaient le SMIC… De quoi les inciter à utiliser la "méthode BDPA" pour signer le plus de contrats possibles. Leur rémunération pouvait alors s'envoler jusqu’à 8 000 euros. Sur l'aspect moral de l'affaire, beaucoup répondent qu'ils n'étaient pas en accord avec les pratiques de leur hiérarchie...
Depuis la liquidation judiciaire de la société en janvier 2023, certains ont repris une activité commerciale, dans l'installation de pompes à chaleurs ou de systèmes de climatisation. Pour "escroquerie en bande organisée, pratiques commerciales trompeuses et pratiques commerciales agressives", ils encourent jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.