Manque d’énergie, lassitude, épuisement… de quoi la fatigue est-elle le symptôme ? Qu’elle soit physique ou psychologique, elle s’inscrit dans un contexte où s’enchaînent crises sanitaire, climatique, sociale et géopolitique. «Pourquoi sommes-nous si fatigués ? », c’est la question posée dans Dimanche en Politique en Limousin avec les réponses croisées d'un philosophe et d'un psychiatre.
Selon une étude de la Fondation Jean Jaurès de l'automne 2022, 4 Français sur 10 se disent plus fatigués qu’avant la pandémie de Covid : 45% des personnes interrogées disent avoir régulièrement la flemme de sortir de chez eux et 37% ont le sentiment d’être moins motivées dans leur travail.
Qu’elle soit physique ou psychologique, cette fatigue s’inscrit dans un contexte où s’enchaînent crises sanitaires, climatique, sociale et géopolitique, provoquant manque d’énergie, lassitude ou épuisement.
« Pourquoi sommes-nous si fatigués ? », c’est la question posée dans Dimanche en Politique. Pour tenter d'y répondre, Annaïck Demars reçoit :
- Eric Fiat, professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Est Gustave-Eiffel, originaire de Corrèze. Il est l’auteur de plusieurs livres consacrés à la fragilité humaine, le dernier paru en 2022 s’intitule « Ode à la fatigue » ;
- Eric Charles, psychiatre au Centre Hospitalier Esquirol à Limoges.
Tous deux sont revenus sur l'immense fatigue vécue par les soignants, mais aussi sur l'écoanxiété qui se généralise, le manque de sommeil ou le désarroi de beaucoup de citoyens qui ont l'impression d’être ballottés dans un monde qu’ils ne comprennent plus parce que tout s’accélère et que tout est confus. Ces deux professionnels s'accordent également pour dire que la joie procurée par le sport ou la musique ou le partage de moments avec des proches ont de vraies vertus "défatigantes".
Morceaux choisis
On est dans une époque tellement obsédée par la performance qu'avouer sa fatigue, c'est forcément avouer sa fragilité et sa finitude.
Eric Fiat, philosophe, auteur de "Ode à la fatigue"
Eric Fiat : « On est dans une époque tellement obsédée par la performance qu'avouer sa fatigue, c'est forcément avouer sa fragilité et sa finitude. Or, la fatigue fait partie de la condition humaine. Jouer la comédie de l'infatigabilité, c'est jouer la comédie d'une sur-humanité. Assumer sa fatigue, c'est avouer qu'on est un être humain et non pas une machine, un dieu grec, un lutin... Une machine s'use, mais ne se fatigue pas. Une fatigue assumée, ça nous apprend l'humilité : n'oublions pas qu'humilité, humus, homme, c'est la même racine et un peu d’humilité, ça ne peut pas faire de mal »
Il y a un vrai déficit de sommeil dans notre société, c'est une réelle problématique.
Eric Charles, psychiatre au CH Esquirol (Limoges)
Eric Charles : "La fatigue va entraîner des phénomènes neurobiologiques et psychologiques qui font qu'on va être plus dans ses pensées, qu'on va commencer à ruminer et on sait que les ruminations, l'agitation psychique sont très perturbantes pour le sommeil. Si on met en parallèle à ça l'effondrement du temps de sommeil dans notre civilisation : on a vu qu'en une vingtaine d'années, les enfants dormaient une heure de moins par nuit et ça ne va pas en s'arrangeant : il y a un vrai déficit de sommeil dans notre société, c'est une réelle problématique".