Rencontre. "Je me sens un peu comme apatride, tiraillée entre deux mondes". L'émancipation sociale au coeur du dernier livre d'Aurélie Valognes

Aurélie Valognes est une des autrices préférées des Français. Ses huit premiers livres se sont vendus à des millions d'exemplaires. Le tout dernier, "L'Envol", dédié à sa maman, traite des questionnements autour de l'ascension sociale et des classes. Interview.

Et de neuf. "L'Envol", le tout nouveau roman d'Aurélie Valognes, que l'autrice dédie à sa maman Corinne. Elle la représente sous le personnage de Gabrielle, une mère célibataire qui s'occupe de sa fille Lili, à qui elle donne tout... Une relation fusionnelle qui va se distendre au fur et à mesure de l'ascension sociale de Lili...

Lili réalise qu'elle est ce qu'on appelle un "transfuge de classe". Le terme "transfuge" peut être d'une grande violence puisqu'il signifie "traître qui renie son milieu". Peut-on évoluer sans trahir son milieu ?

"Transfuge de classe, c'est le fait de quitter sa classe sociale d'origine. Par exemple, ma mère était employée de mairie, mon père ouvrier qualifié. Par les études, on s'échappe de ce milieu-là pour se retrouver dans une classe sociale différente de ses parents, ce qui n'est pas forcément mieux d'ailleurs. C'est ce que j'appelle un "exil de classe".

N'appartenant plus à la classe dans laquelle j'ai grandi ni au milieu que je côtoie aujourd'hui, je me sens un peu comme apatride, parfois tiraillée entre deux mondes. Mes enfants auront presque une double culture, entre la mienne et celle de mon mari. Je me pose des questions tous les jours, ne serait-ce que pour l'argent de poche par exemple. Pour moi, tout travail mérite salaire et je ne donnerai pas d'argent de poche, car je n'en ai jamais eu, sauf s'ils le méritent en ayant fait quelque chose pour la communauté ou la famille... Mais mon mari est en désaccord, car il avait de l'argent de poche étant enfant. J'aimerais que mes enfants aient conscience que rien n'est acquis. Je vois les petites différences qui font les grandes différences. L'ascenseur social monte lentement, mais il peut redescendre très vite."

Pourquoi avoir utilisé des personnages fictifs ? Était-ce une façon de prendre de la distance, de vous protéger ?

"Au début, ça m'a vraiment aidée de me dire "il ne s'agit pas de moi" et d'écrire 400 pages à la troisième personne. Mais à la énième relecture, je me suis rendue compte que je ne pouvais pas faire l'économie de dire qu'en fait, cette Lili, c'est moi, plus tous les autres.

Car ce livre est dédié à ma mère, mais aussi à tous ceux qui ont eu ce parcours-là et qui l'ont vécu seul. J'ai découvert le terme de "transfuge de classe" il y a trois, quatre ans, c'est très récent. Je me suis dit que je ne devais pas être la seule, et que tout ce que j'ai vécu existe vraiment. C'est un roman qui me touche particulièrement, car c'est celui qui se rapproche le plus de mon histoire. C'est le plus personnel et universel à la fois : on a tous été obligés de se construire avec ou contre ses parents. C'est le récit d'une émancipation.

Comment a réagi votre maman à la lecture du roman ?

Ce livre, c'était d'abord une histoire d'amour filial, d'une relation parent - enfant. Avec l'injustice de la déchirure et la violence de classes sociales qui finit par les séparer, bien malgré elles, alors qu'elles s'aiment. Ma maman l'a lu, elle a été très émue, touchée. Elle m'a dit "je ne savais pas que tu avais tant souffert". Elle l'a pris comme une belle déclaration d'amour, mais c'était également déstabilisant, car c'est plus que de la fiction. C'est un hommage, et je suis contente que notre parcours existe dans un livre qui restera après nous.

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Interview de la romancière Aurélie Valognes, au JT de 12H de France 3 Limousin, le mercredi 5 avril 2023, en compagnie d'Annaick Demars. ©France Télévisions

Aurélie Valognes est en session dédicace et rencontre ce mercredi 5, jusqu'à 18h30, à la BFM de Limoges, en partenariat avec la librairie Anecdotes.

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