Le principal éditeur et diffuseur breton Coop Breizh est en cessation de paiement, et a demandé son placement en redressement judiciaire. Les maisons d'édition s'inquiètent pour le paiement de certaines factures, et se demandent comment leurs livres seront demain accessibles au public, sans un tel réseau.
Coop Breizh, principal diffuseur de produits culturels bretons, s’est déclarée le 11 septembre en cessation de paiements auprès du Tribunal de commerce de Brest. Et ce coup de tonnerre ébranle aussi les maisons d’édition de la région.
L’entreprise, basée à Spézet dans le Finistère, fait face depuis plusieurs années à des résultats "catastrophiques" avait expliqué la semaine dernière l’un de ses responsables à France Bleu Breizh Izel. Avec une baisse des ventes "de l’ordre de 15 à 20%" dans ses quelques 2000 points de vente partenaires, "soit des pertes de dizaines de milliers d‘euros d’euros sur 3 mois".
L’édition bretonne espère tourner rapidement la page du Covid-19 (francetvinfo.fr)
Lourds déficits
La crise n’est pas nouvelle. Sont passés par là le contexte politique et économique difficile, avec des baisses de consommation. Mais aussi la crise du disque, et celle du Covid. Avec à la clé depuis 4 ans des déficits pouvant aller de 95.000 euros en 2023 à plus de 200.000 euros en 2020, avait de son côté précisé l'hebdomadaire Le Poher
L’entreprise, née en 1957, avait procédé à de premiers licenciements et à la fermeture de commerces en 2022, avant de stopper la production musicale et de vendre son catalogue d'artistes en 2023.
Elle ne compte plus que 17 salariés, et attend désormais un nouveau rendez-vous au tribunal de commerce pour être fixée sur une éventuelle mise en redressement judiciaire. Une mauvaise passe qui inquiète les acteurs culturels de la région, et en tout premier lieu les maisons d’édition.
Retards de paiements pour les maisons d'édition
En Bretagne, les maisons d'éditions sont une soixantaine à travailler exclusivement ou en partie avec l'entreprise de Spezet.
"Ce que traverse Coop Breizh entraîne d'abord des difficultés économiques, explique Jean-Marie Goater, porte-parole de l’AMEB, l’association des Maisons d’édition de Bretagne. Avec depuis des mois des retards sur le paiement de factures".
"Des maisons d’édition n'ont pas touché ce qui leur revient dans le produit des ventes de livres, et cet argent permet de payer les auteurs, les imprimeurs, les maquettistes, les correcteurs, les illustrateurs, etc, tous les maillons de la chaîne. Donc on risque à la fois de se retrouver en grande difficulté, et de mettre à notre tour nos autres partenaires en difficulté. Il y a un effet domino".
"Une forte menace sur la création en Bretagne"
Et Jean-Marie Goater de s'inquiéter aussi pour l’avenir de la culture en Bretagne.
"Avec ses 2000 points de vente, Coop Breizh est un réseau indispensable pour la diffusion et la distribution, qui permet d’avoir des ancrages un peu partout. En librairies bien sûr, mais aussi dans des musées, des supermarchés, des maisons de la presse etc. Dans tout un tas de structures qui permettent de toucher des publics très différents, parfois très populaires. Avec une offre notamment de livres en breton ou en gallo, ce qui est essentiel pour notre culture, nos langues".
Sans distribution et diffusion, on n'existe pas. Pour le livre, pour le disque, on est déjà excentré en termes de médiatisation, puisque tout ou presque se fait à Paris.
Jean-Marie GoaterPorte-parole de l'Association des MAisons d'édition en Bretagne
"On se demande aujourd'hui d'où viennent les légumes, rarement d'où viennent nos livres... "
Pour le porte-parole de l'AMEB, il faut que la Bretagne réussisse à travailler "en circuit court".
"Aujourd’hui, et c’est très bien, on se demande d'où vient son plan de tomate, ou ses carottes, mais il faut se demander aussi d'où viennent les livres et les disques qu'on aime lire ou écouter. Il y a des choses formidables qui sont faites ici, il faut que cela se sache, et que cela soit accessible aux gens.
"C’est une période difficile, il faut soutenir les salariés de "Coop Breizh". Et trouver une solution pour en sortir, une solution durable. Un livre ne se fait pas en 15 jours. Il faut des mois, des années. Il nous faut donc une perspective".