Livre : "Nuits" de Pierre Deram, une vie d'errance et de perdition à la recherche d'un amour perdu

"Nuits", de Pierre Deram (Editions Grasset), c'est l'histoire d'un homme qui s'enfonce dans la nuit. La nuit avec ce qu'elle comporte de solitude, de mélancolie, d'errance, de perdition, de petites rues obscures, de petits bars. De Nice à un pays imaginaire en passant par Toulouse.

"Quelque part entre mes 15 et mes 25 ans, ma vie a déraillé, et je médite chaque jour sur ces minuscules pas d’écart qui, additionnés les uns aux autres, vous éloignent peu à peu de la route du plus grand nombre." (Extrait)

"Nuits", de Pierre Deram (Editions Grasset), c'est l'histoire d'un homme qui s'enfonce dans la nuit. La nuit avec ce qu'elle comporte de solitude, de mélancolie, d'errance, de perdition, de petites rues obscures, de petits bars...

Une vie de rôdeur

"De ma majorité jusqu’à mes 24 ans, l’alcool a été le seul remède capable de me faire sortir de ma timidité. Je jouissais d’une réputation de pochtron qui me précédait partout. Je n’avais plus qu’à jouer le rôle convenu de l’homme en couple avec ma bouteille."

Une vie de rôdeur dans le royaume des ombres, faites de fausses rencontres sans lendemain de Nice à un pays imaginaire en passant par Toulouse : "ma soif était fouettée par la chaleur épouvantable qui régnait dans la Ville rose et avait fini par s’y confondre." Ces zincs favoris : l'Esquile, rue du Taur et le Café des Thermes, boulevard Carnot. "J'aimais ces vieux rafiots, toutes lumières allumées, échoués au rivage des rues sales, et qui brillaient comme des phares dans la nuit."

Il est trois heures du matin, l'heure où les ivrognes ont froid, l'heure où les ivrognes sont seuls.

Pierre Deram

Il boit plus que de raison, se dégoûte : "entre mon verre et moi, la confiance était rompue." Mais la nuit se poursuit, les petites rues obscures... "Il est trois heures du matin, l'heure où les ivrognes ont froid, l'heure où les ivrognes sont seuls."

Le narrateur cherche du réconfort. Il va le trouver auprès des prostituées. "Est-ce un hasard si ces créatures de la nuit avaient choisi de s’embusquer, précisément, sur le chemin qui menait du bar à mon lit ?"

Une fuite en avant

Une fuite en avant, un pas de plus vers la perdition. Honteux de cette mauvaise vie. Le narrateur tente de comprendre comment il a pu en arriver là. Par des allers-retours entre le passé et le présent, sa vie s'éclaire... un peu. 

Pourquoi n'est-il pas capable d’accéder à cette vie simple à laquelle pourtant il aspire ? "Combien de prétendantes ai-je ainsi découragées à force de les fuir ?"

Sa grande histoire d'amour avec Nathalie, "la première femme qui s’était donnée à moi sans que je ne la paye," la trame de ce roman, est un échec. Il n'arrive pas à l'aimer.

Le narrateur s'enfonce dans la nuit...

Pierre Deram, né en 1989 dans le Pas-de-Calais, est l’auteur d’un premier roman remarqué, Djibouti (Buchet Chastel, 2015). Nuits est son deuxième roman.

Cinq questions à Pierre Deram

La nuit, l'alcool, la prostitution, le narrateur est en pleine dérive. Et pourtant, pour lui, la nuit n'est-elle pas surtout une délivrance ?

J’ai décidé en creux ce dégoût qu’il a pour le jour. On ne connaît pas explicitement les raisons de sa marginalisation. Il y a là un côté la nuit vue comme un refuge, une sorte de fuite, d’univers parallèle vis-à-vis d’une société dans laquelle il se sentirait inadapté.

Et la nuit offre effectivement cette occasion de solitude qui est dure à trouver et de rencontres irrégulières, de conversation inédites vis-à-vis de ce que l’on peut échanger au quotidien avec les collègues, la famille, les gens de tous les jours. Cet espace de liberté que représente la nuit lui permet une espèce de délivrance et de refuge. Et en même temps, c’est un endroit, en se cherchant, où il va finir par se perdre.

Il le dit lui-même, il se dégoûte : « c’est un combat de moi contre moi-même »

On ne peut pas dire que le narrateur s’aime réellement. Il éprouve effectivement du dégoût pour ce qu’il fait parfois et en même temps c’est une attraction irrésistible. Mais ce thème du dégoût est effectivement très important dans le livre.

 

Ce roman, c’est aussi une grande histoire d’amour avec Nathalie, mais une histoire d’amour ratée. Pourquoi ?

Tout le livre est un peu sur le thème du ratage. Déjà, une histoire d’amour, c’est compliqué comme elle fonctionne, on n’a pas grand-chose à se dire. Et j’ai devant moi le point de vue de pouvoir idéaliser cette histoire d’amour soit avant qu’elle existe, soit une fois qu’elle est terminée.

Pour moi, c’est important de placer cette dérive après cette histoire d’amour, c’est un peu l’ultime désillusion sachant qu’il surinvestit, idéalise cette femme Nathalie. C’était pour lui une façon de se sauver de cet univers sombre qu’il avait connu précédemment.

Cette rupture, cet amour raté est l’élément déclencheur de la narration. Le fait de ne pas l’avoir décrit mais d’avoir créé cette histoire d’amour comme une sorte de soleil autour duquel tournent les chapitres sans qu’on puisse vraiment le regarder en face, cela me permettait de garder cet idéal amoureux puisque le personnage dans le fond est un idéaliste raté qui choisit afin de s’élever, de descendre. 

C’est un déçu de la vie de tous les jours. Il se marginalise seul et certains lecteurs pourront se reconnaître dans cette envie de tout quitter qui est un peu une pulsion que l’on a chacun de nous à certains moments.

Avec Nathalie, il est pourtant dans la fuite

Il a une attirance pour le ratage. Même quand je raconte des scènes où ils sont déjà en couple, il sait qu’un jour ou l’autre ça va mal finir. C’était un effort pour lui d’accéder à ce bonheur qu’il pensait de ne pas réellement mériter ou du moins le brimait dans une partie de lui-même, une partie un peu sombre qu’il explore ensuite. Effectivement, cette rupture lui paraît une sorte de fatalité, de soulagement mais en même temps de grand déchirement car tout à coup il réalise qu’il a gâché la chance de sa vie.

Dans le fond, c’est un déçu de la vie de tous les jours. Il se marginalise seul et certains lecteurs pourront se reconnaître dans ce désir de fuite, d’abandon, de désillusion. Cette envie un peu de tout quitter qui est un peu une pulsion que l’on a chacun de nous à certains moments. Chez lui, il y a un désir d’abandon qui viendrait d’une désillusion.

Le narrateur est fasciné par la nuit. Et vous ?

J’ai toujours eu cette fascination pour la nuit depuis longtemps. La fin de journée, la nuit qui tombe, ce sont des moments que j’adore. Cela correspond à une sorte de liberté, libéré de toutes les obligations du jour et on a quelques heures devant nous où personne ne viendra nous déranger où on fait vraiment ce que l’on veut. Je suis plutôt un couche-tard et même dans mes routines d’écriture, je suis plutôt un écrivain du soir.

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