Rentrée littéraire : "L'hôtel du Rayon Vert", de Franck Pavloff, l'écrivain des frontières

Un hôtel en forme de paquebot, une gare de triage, des migrants d'hier et d'aujourd'hui et des personnages à la recherche d'une vérité. Franck Pavloff pose son dernier roman à Cerbère, dans les Pyrénées-orientales. L'écrivain cévenol sera en rencontre, suivie d’une dédicace, le samedi 7 septembre à 18h au fameux Hôtel Le Belvédère du Rayon Vert de Cerbère.

Il a l’allure d’un paquebot que certains n’hésiteraient pas à comparer au Titanic, échoué sur la côte rocheuse des Albères. L’hôtel du rayon vert n’est pas un fantôme, il existe bel et bien. À Cerbère, dans les Pyrénées-orientales, à une heure de route de Perpignan, proche de la frontière espagnole.

L’hôtel du Belvédère, c’est son nom, fut inauguré en 1932. Cette réalisation de l’architecte Léon Baille, est classée monument historique en 2002. Première construction en béton armé au Monde, son architecture unique s’est inspirée des paquebots de l’époque. Aujourd’hui, son activité se destine à l’accueil d’événements culturels et ses chambres sont transformées en appartements.

Une âme

À n’en pas douter, cet hôtel a une âme et Franck Pavloff a décidé d’en faire un des éléments essentiels de son dernier roman (Editions Albin Michel) avec la gare de triage, toute proche. L’hôtel a la mémoire des années 30-40 pendant lesquelles les Espagnols républicains fuyaient l’avancée de Franco (la Retirada) et parmi ces Républicains qui fuyaient dans la boue, en plein hiver, il y avait un poète, Antonio Machado qui va passer sa 1ère nuit, fatigué, dans un wagon de la gare de Cerbère, sous l’œil de cet hôtel. Dans les premières semaines de l’hiver 1939, plus de 35 000 réfugiés espagnols ont emprunté ce passage.

À la recherche d'une vérité

On y croise des personnages d’aujourd’hui : une photographe globe-trotteuse, un violoniste revendiquant l’héritage d’Antonio Machado, une jeune femme à peine libérée de prison, le fantôme du philosophe Walter Benjamin, un libraire de Collioure, le responsable du poste d’aiguillage et sa fille trapéziste. Ils sont tous à la recherche d’une vérité en eux.

 

Le réel n’est jamais certain, ceux qui gravitent autour de l’hôtel de la gare de Cerbère le savent bien, porteurs de rêves, imposteurs du vrai, traqueurs de l’impossible, orphelins d’utopie, idéalistes, bohémiens romantiques, visionnaires aveugles, chevaucheurs de chimères, évadés des évidences, ils guettent face à la mer l’évanescent rayon vert lancé par l’astre de jour s’abîmant dans les flots.

Franck Pavloff, L'hôtel du rayon Vert

 

Ces personnages ne se connaissent pas, ils vont se rencontrer. Et finalement, ils vont avoir besoin les uns les autres soulignant un désir de paix et d’espérance.

De la Retirada aux migrants d'aujourd'hui

80 ans après la Retirada, ça recommence. Le tunnel SNCF sert toujours de passage aux migrants d’aujourd’hui qui essaient de fuir une terre qui n’est plus la leur. Le tunnel ferroviaire est bien la porte de l’enfer gardé par Cerbère, le chien polycéphale de la mythologie grecque (extrait du roman).

Le roman de Franck Pavloff appelle à la paix et la fraternité.

Franck Pavloff est l’auteur de Matin brun, nouvelle devenue culte (2 millions d’exemplaires et 25 traductions) qui décrivait l’impasse totalitaire alors que les mairies de Vitrolles, Orange, Toulon et Marignane tombaient aux mains du Front national en 1998. Il a aussi été récompensé par le Prix France Télévisions en 2005 pour Le pont de Ran-Mositar.

Cinq questions à Franck Pavloff

Comment vous est venue l'idée de ce roman ? 

En allant un jour à Barcelone, en passant par la côte, je vois à Cerbère cet hôtel incroyable, un vrai décor de roman, un paquebot de béton fiché dans la gare comme un navire qui se serait échoué là, c’est magnifique. Puis j’apprends quel est son passé, de la Belle Epoque. Les voyageurs qui allaient en Espagne s’arrêtaient à la frontière, à Cerbère car il fallait changer les bougies, l’écartement des voies était différent en France et en Espagne.

Cet hôtel était pour les gens aisés un symbole de repos pendant 2-3 jours. J’y suis allé, j’ai loué un appartement : une magie. Il y avait une ambiance tout à fait spéciale avec l’emprise de la gare et la frontière. Je suis un écrivain des frontières et ça m’intéresse de voir comment les mondes peuvent basculer. Il suffit de passer d’un endroit à un autre.

Je suis un écrivain des frontières

Puis j’apprends que le poète Antonio Machado est passé par là épuisé dans un wagon de la gare et avait fini par rendre l’âme à Collioure. Et de l’autre côté, le philosophe allemand juif fuyait les Nazis qui et faisait le même trajet à travers les montagnes et épuisé, termine sa vie à Port Bou juste à côté.

Dans ce triangle, il y avait vraiment une ambiance, j’étais fasciné par cette ambiance-là ? Je me suis dit: les gens qui cherchent leur destin comme Machado ou comme Benjamin, ils peuvent trouver là un endroit qui va les réunir sans que pour cela ils se connaissent au départ et je vais mettre tous ces personnages à la recherche d’un destin, à la recherche de leur passé, pour comprendre ce qui leur arrive. Ils vont trouver là peut-être le moyen de se retrouver.

 

Tous sont à la recherche d’une vérité

Oui, une vérité qui va les aider à comprendre qui ils sont, qui peut rappeler leur propre histoire. Ils ne connaissent pas et puis petit à petit ils vont se voir au gré des rencontres, au bar ou sur la place et ils s’aperçoivent qu’ils ne sont pas seuls à chercher cette espérance.

Et c’est en regardant les autres qu’ils comprennent qui ils sont. Pour chercher sa propre identité, il faut aller vers les autres, les écouter et ce sont peut-être les autres qui vont nous donner les clés pour qu’on se rende compte qui on est.

D’ailleurs vous faites dire à la photographe : « l’œil n’est pas fait pour voir mais pour recevoir »

Aujourd’hui on capte tout, on avale mais qu’est-ce qu’on reçoit ?

Vous évoquez la Retirada, migrants des années 30-40 et les migrants d'aujourd'hui avec un appel à la fraternité ? 

 

Oui tout à fait et j’ai voulu montrer que l’histoire revient. Il ne faut pas dire : c’est fini. L’histoire de la Retirada, tous les Espagnols qui ont fui l’Espagne de Franco pour rejoindre une terre qu’il croyait liberté, c’est le même propos des migrants qui croient toujours que le pays où ils vont, la France, va être aussi une terre de liberté. C’est une vision du monde qui est cyclique. L’espérance, c’est qu’il y a des gens qui vont leur tendre la main.

Vous êtes connu pour vos combats humanistes, contre les extrêmes. Il y a eu Matin brun puis un texte publié dans Libération juste avant les élections législatives en juin dernier où vous écrivez : "Il n'y a pas de pensées généreuses ni de discours justes s'ils ne s'accompagnent d'un engagement sur le terrain". Pourquoi faut-il s'engager sur le terrain ? 

 

Les "plus jamais ça", les choses restent dans l’air des mots. La terre a besoin de nos pieds. Qu’on tende la main, ce n’est pas une image. C’est main qui touche quelqu’un d’autre. Il faut s’engager physiquement

Un roman qui appelle à la paix et à la fraternité ?

Oui je trouve. Les personnages vont s’apaiser. Ils ne sont pas seuls à chercher cette espérance. Toute leur énergie ils ne la mettent pas pour crier vengeance. 

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