Les restaurateurs haut-viennois sans assurance, dans tous les sens du terme !

Comme tous leurs collègues français, les restaurateurs de Haute-Vienne sont très inquiets pour leur avenir. Et pour la période passée, si certains ont cru pouvoir se tourner vers leur assurance, cet espoir s'annonce plus que mince...

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C'est chaud, c'est très très chaud ! Et cela va l'être encore plus ! [Gilles Dudognon, chef étoilé, hôtel-restaurant la Chapelle Saint-Martin à Nieul (87)]

Il en est de l'actualité liée au Coronavirus comme celle du « monde d'avant » : fluctuante et changeante. Depuis le début du confinement, le 17 mars dernier, un sujet chasse l'autre, et les préoccupations, primordiales un jour, sont abandonnées le lendemain...

Pourtant, au fil de l'évolution de l'épidémie, certaines reviennent parfois sur le devant de la scène. Ainsi, les questions liées au sort des cafés et restaurants qui, il faut s'en souvenir, avaient du fermer subitement, en moins de quatre heures, entre le samedi et le dimanche précédant le confinement.

Au départ, il fut beaucoup question de leur survie, et de celle de leurs emplois. Désormais, c'est plus l'horizon de leur réouverture, et des conditions afférentes qui passionne...

Tous logés à l'enseigne de l'incertitude 

Mais, des grandes stars étoilées aux simples restos ouvriers, tous les restaurateurs français, à fortiori haut-viennois, ont vécu au jour le jour dans l'inquiétude, celle du présent et plus encore celle de l'avenir.

Et un buzz lié à une affaire judiciaire en cours à Paris a fait ressurgir de manière plus prégnante, s'il en était besoin, leurs inquiétudes et leurs difficultés.
Un grand restaurateur a en effet assigné son assureur, le groupe AXA, en justice, au motif que celui-ci refusait d'indemniser sa perte d'exploitation, alors qu'il l'estimait garantie par le contrat d'assurance qu'il avait souscrit auprès d'un courtier du groupe.

Cette indemnisation de perte d'exploitation via son assurance, certains y avaient pensé dès le début, d'autres non.

Quand on souscrit son assurance, on nous dit bien que c'est hors pandémie ou guerre. Sur le moment, on n'y pense pas, ou alors cela fait sourire, parce qu'on n'y a jamais été confronté, et on ne pense pas l'être... [Stéphanie Cuq, restaurant Les Petits Ventres à Limoges]

J'y ai pensé, j'ai appelé mon assureur, il m'a dit que cela ne marchait pas. Sur le moment, je n'ai pas poussé plus loin. Maintenant, il faut voir ! [Florent Samblat, bar-restaurant Le Paris à Limoges]

À priori, cela ne marche pas. Mais d'un autre côté, certains semblent avoir été indemnisés. C'est du cas par cas. Il est grand temps de s'unir, et de tenter, pourquoi pas, une action de masse. [Gilles Dudognon, chef étoilé, hôtel-restaurant la Chapelle Saint-Martin à Nieul (87)]

La non-indemnisation de la perte d'exploitation à cause du Coronavirus c'est, de manière générale et depuis le départ, effectivement la position du monde de l'assurance.

Il y aurait bien eu quelques indemnisations, mais à la marge, qualifiées par Pierre Jandeaux, assureur limougeaud et représentant du C.D.I.A (Centre de Documentation et d’Information de l’Assurance), « d’indemnisations par omission, à la suite de contrats mal rédigés. ».

D'autres ont tout de même voulu pousser plus loin...

Vu ce que j'avais à faire par ailleurs, j'ai épluché à fond les quatre-vingt-seize pages de mon contrat, et les petites lignes, les petits renvois.
Et j'ai bien trouvé cette clause prévoyant l'indemnisation de ma perte d'exploitation. Mais mon assureur me la refuse, au motif de l'épidémie.
Mais je ne suis pas d'accord avec lui. Au mieux, c'est une différence d'interprétation de la clause, au pire... Alors je ne lâche pas l'affaire et je vais me battre.
Après, si l'on m'explique, preuves à l'appui, que j'ai tort, d'accord. Mais si j'ai raison, mon assureur doit payer, point ! [Yannis Pledel, restaurant Les Bar'Jo, à Limoges]

Qu'en est-il de ces clauses ?

Ces clauses d'assurances, il en avait donc été question dès le début du mois d'avril dernier. À ce moment, les assureurs étaient unanimes, elles n'étaient pas applicables.
Mais depuis, les choses ont quelque peu évolué, sous l'impulsion notamment du Crédit Mutuel-CIC.

En caricaturant largement, il y aurait d'un côté une « ligne souple », sous la houlette donc du Crédit Mutuel-CIC, et du Crédit Agricole, de la Société Générale, de la BCPE et de MMA, et de l'autre une « ligne stricte », prônée par AXA, Allianz, Générali ou encore Groupama ; AXA qui, par ailleurs, appelle à « éviter la confusion des genres et la démagogie ».

Attention : il ne faut pas comprendre « ligne souple » comme le camp de ceux qui remboursent et « ligne stricte » comme celui de ceux qui refusent, les choses sont beaucoup plus complexes que cela ! Le Crédit Mutuel, par exemple, ne rembourse pas, mais a décidé d'allouer 200 millions d'euros à titre de prime de relance.

Pour ne rien arranger, la position du gouvernement n'a jamais été perçue comme claire à ce sujet, ce que déplorent jusqu'aux assureurs. Ni dans les débuts, ni dans le compte-rendu de la réunion interministérielle du 14 mai, au sujet du tourisme et qui évoque brièvement ce pointDans un premier temps, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, insistait par exemple largement sur les efforts consentis par les assureurs, notamment sur les fonds de solidarité et d'investissements que ces derniers abondaient, à hauteur de 400 millions d'euros pour le premier, et de plus d'un milliard pour le second.

Mais depuis, le ministre a évoqué la possibilité d'application de la clause, uniquement si elle était bien prévue dans le contrat.

Pourquoi les assurances les réfutent ?

Pour Pierre Jandeaux, cité plus haut, que nous avons contacté par téléphone ce lundi 18 mai, le principe est simple :

Le risque pandémique étant systémique, c'est à dire qu'il touche tout le monde, il ne peut donc être assurable. Il ne correspond ni à un aléa, ni à une mutualisation du risque, qui sont les fondements même de l'assurance.

Et de rappeler des arguments, principalement défendus par les partisans de la "ligne stricte" :

Les pertes d’exploitation subies par les entrepreneurs, y compris les restaurateurs, durant cette période de confinement sont estimées à plus de 60 milliards d’euros. Leurs indemnisations entraînerait inévitablement qu’il n’y aurait plus d’assureurs-dommages. Ce montant représentant l’équivalent des fonds propres de l’ensemble des assureurs-dommages de ce pays ! Car dire que nos liquidités disponibles sont de l'ordre de 1 7000 milliards d'euros, via les encours de l'assurance-vie, est faux, une erreur grossière, puisque cet argent appartient aux épargnants et non aux assureurs.


Ce chiffre de 60 milliards, Yannis Pledel, par exemple, le conteste.

Je ne suis pas spécialiste, mais d'où le sortent-ils ? Très éventuellement, sur les chiffres d'affaires ? Mais on n'est pas bête à ce point, ce sont sur les pertes d'exploitations que l'on demande à être indemnisé, pas sur celles du chiffre d'affaires. Je ne vais pas compter les commandes que je ne passe plus, ou les salaires de mes employés, sur lesquels l'État m'aide ! [Yannis Pledel, restaurant Les Bar'Jo, à Limoges]

Un avenir commun menacé ?

Pierre Jeandaux rappelle également que de nombreuses compagnies, y compris les tenantes de la ligne qualifiée de stricte ci-dessus, ont, en plus du reste, pris des mesures commerciales ponctuelles (comme des mois gratuits, des primes exceptionnelles, etc...). Et qu'aller au-delà mettrait en péril non seulement les assurances, mais également les assurés, « du fait des faramineuses surprimes que cela engendrerait ».

Mais là encore, les restaurateurs ne l'entendent pas.

Moi, je ne demande pas l’aumône, je ne demande pas la charité. Mon assureur, je le paye, pas pour une pièce. S'il me doit quelque chose, il me le doit. Le reste, je me débrouille. [Yannis Pledel, restaurant Les Bar'Jo, à Limoges]

Les surprimes, cela me fait marrer, quand on voit déjà ce qu'on leur verse... Après, et c'est vrai que tout le monde ne pourrait pas les payer, mais si l'on devait verser des surprimes, pourquoi pas ? Mais à conditions que les remboursements soient à hauteur ! Parce que comme dit mon collègue, si c'est une surprime pour avoir de la charité... [Gilles Dudognon, chef étoilé, hôtel-restaurant la Chapelle Saint-Martin à Nieul (87)]


Dans l'affaire qui a relancé le buzz, le délibéré du Tribunal de Paris est attendu pour le 22 mai prochain. Et chacun bien sûr de l'attendre impatiemment, pour voir où pourrait pencher une éventuelle jurisprudence.

Mais pour les restaurateurs, c'est surtout la suite qui est attendue

Oui, je vais regarder, et comme j'ai dit, s'il y a matière à, on verra. Mais franchement, plus que ces deux mois passés, c'est l'avenir qui inquiète. Et je préfère me consacrer à quand et surtout, à comment rouvrir. Philippe Etchebest, Michel Sarran ont raison. S'ils nous pondent des mesures le 28 mai pour le 2 juin, ça va être impossible. S'adapter, on sait faire. Mais pour prévoir, et vraisemblablement sur du long terme, on ne peut pas faire n'importe comment. Sinon, ce sera n'importe quoi ! [Florent Samblat, bar-restaurant Le Paris à Limoges]

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