Fin mai 2022 l’ONG PAN Europe, publiait une étude édifiante. Le taux de pesticides sur les fruits et légumes produits en Europe aurait doublé entre 2011 et 2019. Des substances classées parmi les plus dangereuses. Et ce malgré les différentes politiques mises en place en Europe et en France pour diminuer l’usage des pesticides. On en parle avec nos invités.
Plusieurs études publiées récemment, dont celle de l’ONG Pesticide Action Network Europe. Mais également une autre pilotée par la prestigieuse université d’Harvard. Mettent en évidence une recrudescence de résidus de pesticides sur les fruits et légumes que nous consommons. D’autres études émanant de l’INSERM, Institut national de la santé et de la recherche médicale, pointe la dangerosité de pesticides pourtant toujours autorisés en France...
Pour en parler :
- Le docteur Pierre-michel Périnaud, médecin généraliste à Limoges, président fondateur de l’association Alerte des Médecins sur les Pesticides.
- Philippe Babaudou, agriculteur, il produit des pommes, et élève des vaches et des moutons en Haute-Vienne, il est membre de la Confédération Paysanne 87.
- Claire Bourasseau, responsable des victimes pour l’association Phyto-victimes, dont le rôle est d’accompagner les professionnels, en majorité des agriculteurs, malades suite à l’usage de pesticides.
- Christophe Gatineau, agronome, auteur de différents ouvrages, articles et tribunes, dont deux parues cette semaine dans des journaux parisiens, Marianne et Le Journal Minimal.
Si l'usage des pesticides et engrais chimiques se poursuit au rythme actuel, demain, le système agricole ne pourra plus nourrir la population correctement. Les sols deviendront tellement pauvres que la production de maïs aura diminué de 30% en 2050 par exemple.
Problème, le système agricole est entré dans un cercle vicieux explique Christophe Gatineau : "À chaque fois qu’on parle de réduction, il y a augmentation. Les pesticides n’ont jamais cessé d’augmenter, il y a une véritable addiction de l’agriculture. On est allés beaucoup trop loin. On a des sols lessivés aujourd’hui. On a des variétés créées pour fonctionner avec des engrais chimiques et des pesticides. Il y a tout un système qu’il faut changer. Le leitmotiv c’est les hauts rendements. Et ce sont les hauts rendements qui ont poussé à l’usage des pesticides."
Pour Philippe Babaudou il faut changer le modèle agricole, et pour cela, il faut une volonté des agriculteurs, une volonté politique qui encourage et récompense réellement ces changements, et il faut que les consommateurs jouent le jeu : "On peut sortir des pesticides, mais à condition de sortir de ce schéma de la compétitivité, de la compétition mondiale sur les produits agricoles. Et qu’on imagine une autre façon de produire avec des agriculteurs qui pourront mieux utiliser leurs plantes, mieux utiliser les sols, en se passant des pesticides. Mais les agriculteurs ne sont pas les seuls à avoir la clé. Le problème aujourd’hui c’est qu’on constate une baisse de la consommation des produits issus de l’agriculture biologique."
Des méfaits connus et reconnus
L'Etat est pourtant bien conscient du problème, puisqu'il reconnait lui-même l'existence de maladies professionnelles liées à l'usage et à la manipulation des pesticides. Depuis 2011 l'association Phyto-Victimes se bat pour cette reconnaissance.
-En 2012 la maladie de Parkinson a été reconnue maladie professionnel pour les usagers des pesticides.
-En 2015 ce sont les les hémopathies malignes, telles que les lymphomes, myelomes, leucémies lymphoîdes, qui l'ont été.
-Fin 2021, les cancers de la prostate.
"On s’appuie sur des éléments scientifiques, en France on a la chance d’avoir l’INSERM qui a fait une revue bibliographique complète de ce lien entre pesticides et santé. Qui déjà en 2013 faisait le lien entre ces maladies et les pesticides. Cela s’est traduit par la reconnaissance officielle via les tableaux des maladies professionnelles, puis par la création du fond d’indemnisation des victimes des pesticides par le gouvernement lui-même," précise Claire Bourasseau.
Et pourtant les substances incriminées restent autorisées.
"La clé de voûte du système de protection des professionnels et de la population générale, c’est le système d’homologation des pesticides. Et ce système d’homologation il est basé sur des règles qui ne s’appuient pas du tout sur les données universitaires, et qui ne les reconnaissent pas. Ce système autorise des substances dites actives, c’est le fabriquant qui va dire, « c’est cette substance qui est active dans mon bidon », l’Europe va évaluer cette substance uniquement d’après les données de l’industriel," déplore Pierre-Michel Périnaud.
Pour en savoir plus sur nos invités
-Association Alerte des Médecins sur les Pesticides
-Site internet de Christophe Gatineau : Le Jardin Vivant
-Vente directe de produits de la ferme : Saveurs Fermières