Le laboratoire Sanofi vient d'être mis en examen pour "homicides involontaires" dans le cadre du scandale de la Dépakine, un antiépileptique prescrit à des femmes enceintes, qui a laissé de graves séquelles aux fœtus. Une étape importante pour les familles qui réclament justice.
Pour les milliers de familles qui se battent contre le groupe pharmaceutique Sanofi, ce n'est pas encore la fin de la lutte, mais c'est en tout cas un motif d'espoir. "On y arrivera, ça mettra le temps mais on y arrivera, on est solidaires. On est forts et on restera forts", déclare ainsi Florence Rouveloux, une habitante de Limoges.
Déjà poursuivi depuis février pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires", le groupe pharmaceutique Sanofi a été une nouvelle fois mis en examen dans le cadre du scandale de la Dépakine, a-t-on appris lundi 3 août. Il s'agit cette fois d'une mise en examen pour "homicides involontaires".
"Des vies détruites"
Florence mène son combat contre Sanofi par le biais de l'action collective lancée en 2016 par l'Apesac, l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant, à l'origine de l'enquête ouverte auprès du tribunal judiciaire de Paris il y a quatre ans. Les trois fils de cette Limougeaude ont été diagnostiqués autistes. Le lien entre leurs troubles et la prise de Dépakine pendant la grossesse de Florence n'a été établi qu'en 2014. Ils avaient alors 16, 13, et 5 ans.
Jamais auparavant cette mère de famille n'avait été informée des dangers pour les fœtus de ce médicament, un antiépileptique commercialisé depuis 1967. On sait pourtant aujourd'hui qu'il provoque des malformations et des troubles neurodéveloppementaux, dont l'autisme.
"C'est des vies détruites, qui ne peuvent pas se reconstruire, témoigne Florence, émue. Une fois qu'elles sont détruites, c'est fini. On ne peut qu'améliorer le quotidien, mais on ne peut pas guérir."
L'un de ses fils, Nicolas, dit ressentir "de la peine" plutôt que de la colère.
De la peine de voir cette faute humaine qui a été commise par Sanofi. Quand on fait une erreur, il est important de la réparer et d'en tirer des leçons.
Toxique, mais commercialisé
Selon le quotidien Le Monde, qui a révélé la nouvelle mise en examen de Sanofi, "l'information judiciaire vise désormais à déterminer si le laboratoire peut être tenu responsable de la mort en 1990, 1996, 2011 et 2014, de quatre bébés âgés de quelques semaines ou quelques mois. Quatre bébés dont les mères, au cours de leur grossesse, avaient pris de la Dépakine".
Alors que la toxicité de la Dépakine était documentée depuis les années 1980, Sanofi est accusé d'avoir poursuivi la commercialisation de son médicament, et d'avoir mal informé (trop tard et trop approximativement) les consommateurs sur les risques.
Aujourd'hui le juge demande également au laboratoire un cautionnement de 80 millions d'euros, dans l'optique d'une indemnisation des familles.
"Cette indemnisation ce n'est pas pour s'acheter une maison, une nouvelle voiture ou quoi que ce soit, c'est fait pour mettre nos enfants à l'abri. Tout l'or du monde ne rachètera pas leur handicap ", insiste Angèle Podetti, membre de l'Apesac. Cette maman s'inquiète du moment où les parents comme elle ne seront plus là pour prendre soin de leurs enfants victimes de la Dépakine : "Il faut qu'on puisse embaucher des personnes compétentes pour s'en occuper", dit-elle.
Le chemin à faire pour obtenir une indemnisation est encore long : Sanofi a annoncé contester le bien-fondé des poursuites judiciaires, assurant dans un communiqué avoir "respecté ses obligations d'information", et indiquant avoir "saisi la chambre de l'instruction afin de contester sa mise en examen".