Elles sont un abri pour les animaux sauvages, retiennent le carbone, réduisent le ruissellement de l'eau et l'érosion des sols. Pourtant, 70% de leur surface aurait disparu en France depuis 1950. Le Gouvernement souhaite planter 50 000 km de haies d'ici à 2030 avec le " Pacte en faveur de la haie". Est-ce suffisant pour inverser la tendance ? État des lieux en Limousin.
Quelque part en Haute-Vienne, des arbres très anciens jonchent sur le sol sur près d'une cinquantaine de mètres. Ils ont été abattus. C'est une vue qui crève le cœur de Daniel Jarrige, président de l'association Saint-Junien Environnement.
"Le riverain a coupé tous les arbres qui constituaient la haie. Le problème, c'est qu'il n'en a pas laissé quelques-unes en intermédiaire, il a tout coupé. Éventuellement, s'il replantait, avant qu'on retrouve une haie de la même importance, il va falloir plusieurs dizaines d'années, plus d'un demi-siècle", se désole le militant.
Éventuellement, s'il replantait, avant qu'on retrouve une haie de la même importance, il va falloir plusieurs dizaines d'années, plus d'un demi-siècle.
Daniel JarrigePrésident de l'association Saint-Junien Environnement.
Il observe un autre cas de figure à quelques centaines de mètres. Cette fois, la haie n'a pas entièrement disparu. Mais, Daniel Jarrige déplore un autre gâchis : "On a broyé la tête des arbres, on les a blessés, donc ça va faire un accès aux maladies. On a réduit la haie à une portion congrue, elle n'a plus qu'un rôle séparatif par rapport à la route. Elle ne remplit plus son rôle réel de haie, d'abri de la biodiversité, comme on peut le voir sur d'autre parcelle", explique-t-il en désignant une portion d'arbres en face de lui.
"La haie devient, malheureusement, souvent un obstacle"
Il est difficile d'obtenir les chiffres pour connaître le nombre de haies en partie ou complètement détruites en Limousin, de même pour les autres régions. Le ministère de l'Agriculture estime officiellement que 23 500 km de haies disparaissent chaque année, en France.
"Il n'y a pas de raisons qui laisseraient penser que dans le Limousin, on a un linéaire de haies qui augmente. D’autant plus qu'au niveau local, il y a un contexte, celui de la déprise de l'élevage, détaille Jules Boisseau, juriste à France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine, chargé de mission Sentinelles de la Nature. Quand on passe à des systèmes de culture, ce qui est le cas actuellement, mécaniquement, on va avoir des linéaires de haies importants qui vont disparaître, pour rassembler les parcelles, pour faire passer les engins qui sont de plus en plus gros. La haie devient, malheureusement, souvent un obstacle, alors qu'elle est souvent plus une solution."
Valoriser les haies, une solution ?
Yoann Toquet, un apiculteur, a opté pour les haies. Il y a deux ans et demi, il a planté différentes espèces d'arbre sur deux rangées, une double haie tout autour de sa parcelle. Il espère bientôt en voir les avantages.
"Elle est utile pour moi, en tant qu'exploitant agricole, pour les abeilles, pour arrêter l'eau, pour faire de l'ombrage. Elle est aussi utile pour les pollinisateurs sauvages, les différents insectes, constate Yoann Toquet. On peut avoir des lapins qui viennent s'y cacher, des chevreuils qui viendront faire leur petit dedans. Ils ne seront pas forcément dérangés par les cultures qui peuvent être ici. L'idée, c'est qu'il y a un bout de ma parcelle agricole, qui ne me sert pas à moi, en revenu direct, mais qui sert au reste de ce qui nous entoure."
Elle est aussi utile pour les pollinisateurs sauvages, les différents insectes.
Yoann Toquetapiculteur en Haute-Vienne
Un label pour les haies
Pour inciter la plantation des haies, des aides financières sont accordées. L'une des actions envisagées, face à un problème qualifié d'inquiétant, est un "pacte en faveur de la haie". Ce dernier est en cours de la réalisation à l'échelle nationale.
"L'idée, c'est de valoriser les haies, de la pépinière au bois de chauffage. En ce qui concerne les pépinières, le fait d'avoir des essences locales est une des fortes mesures en matière de protection du réseau de haies ; c'est de valoriser l'existant, souligne le juriste. Il y a différentes actions qui sont menées, notamment pour valoriser le bois issu de la taille des haies avec des plaquettes forestières, des plaquettes boisées qu'on va pouvoir mettre dans le bois de chauffage et qui vont être labellisées "label haie", donc issu d'une gestion vertueuse de la haie."
Tous les acteurs doivent désormais agir de concert pour inverser la tendance et répondre à cette question cruciale : Comment empêcher la disparition des haies dans les campagnes ?