Trafic de chardonnerets en Haute-Vienne : il détenait 60 oiseaux sauvages, dans des conditions d'insalubrité extrême

Ce jeudi 23 février 2023, un homme comparaitra au tribunal correctionnel de Limoges, il est accusé de détention, utilisation et destruction d'espèces protégées. 60 oiseaux sauvages, pour la majorité des chardonnerets, ont été retrouvés chez lui dans des conditions sanitaires déplorables. Il risque 3 ans de prison et 150 000 euros d'amende.

Cet habitant de Nantiat en Haute-Vienne détenait dans son garage 60 oiseaux sauvages, pour l'immense majorité des chardonnerets. Les oiseaux étaient dans des cages totalement insalubres, jonchées d'excréments. En outre, les animaux étaient malades, parfois mutilés ou blessés à cause, notamment, des techniques de piégeage barbares employées pour les prélever dans leur environnement naturel.

Des oiseaux dans un état de "grande souffrance"

Sur les 60 oiseaux dénombrés par l'Office Français de la Biodiversité au moment de la saisie (réalisée conjointement avec la gendarmerie de la Haute-Vienne), plusieurs étaient morts au fond des cages.

"J'ai pu observer des oiseaux en grande souffrance, voire en phase terminale à cause des traitements reçus lors de la capture et des conditions de détention," raconte Philippe Goursaud, chef du service départemental de la Haute-Vienne pour l'Office Français de la Biodiversité.

Seuls 53 ont pu être transportés vers le centre de soins SOS Faune Sauvage à Verneuil-sur-Vienne, afin de tenter de les sauver. Malheureusement, et malgré tous les soins prodigués par l'association et les vétérinaires, très peu d'entre eux ont survécu.

"Comme ils vivaient dans des cages jonchées d'excréments, que les graines qu'ils mangeaient étaient mélangées à ces excréments, ils étaient, pour l'immense majorité, atteints d'une maladie parasitaire mortelle et contagieuse. D'autre part, beaucoup d'entre eux avaient des pattes luxées, des ailes cassées à cause du piégeage et certains avaient de la gale aux pattes," explique Aurélie Gontier responsable de l'association SOS Faune Sauvage.

"Ils ont été soignés, des examens ont été faits, des analyses... en tout l'opération nous a coûté plus de 4000 euros, pour au final ne sauver que 15 oiseaux qui ont été relâchés, après 4 mois de soins, dans un environnement propice," poursuit Aurélie Gontier.

Malheureusement, le centre de sauvegarde de la faune sauvage gère, depuis une dizaine d'années, un ou deux cas de braconnage de chardonnerets par an.

Le chardonneret élégant  (Carduelis carduelis) 

14 cm, 15 grammes. Masque rouge, ailes barrées de jaune. Un chant mélodieux. Une espèce protégée, passée de "préoccupation mineure" à "espèce vulnérable" en septembre 2016.

"C'est une espèce dont les individus ont tendance à se rassembler en hiver, pour trouver plus facilement leur nourriture et se protéger des prédateurs. Au printemps, les couples se forment et partent chacun de leur côté," explique Franck Taboury de la LPO du Limousin.

Auparavant, il était très présent dans nos campagnes. "Il est très lié aux milieux variés. Haies, bosquets, il aime les plantes à graines, comme le plantain et tout particulièrement la cardère qui lui a donné son nom. Malheureusement, avec l'intensification des pratiques agricoles, ces plantes se raréfient, ce qui impacte le renouvellement des populations. En Limousin, les populations d'oiseaux attachés au milieu agricole ont baissé de 40% en 20 ans," déplore l'ornithologue.

Sauf que, pour le chardonneret, le chiffre est encore plus inquiétant.

"La population de chardonnerets a baissé de 60% entre 2002 et 2019," déplore Antoine Gatet, vice-président de France Nature Environnement et juriste, c'est lui qui représentera SOS Faune Sauvage lors du procès.

"Sur l'ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, le déclin de l'espèce est de 35%, 60% en Limousin," confirme Franck Taboury.

Il y a donc fort à parier que le braconnage et le trafic soient pour beaucoup dans l'effondrement de la population en Limousin. 

Dans les pays du Maghreb ou le petit oiseau chanteur est considéré comme un porte-bonheur, l'espèce est également protégée, mais le braconnage qu'elle a suscité durant de longues années l'a quasiment faite disparaître d'Algérie par exemple. 

"Le trafic a longtemps concerné le pourtour méditerranéen, mais aujourd'hui les braconniers viennent se servir à l'intérieur des terres. Le trafic concerne également le reste de l'Europe," complète Antoine Gatet.

Pourquoi le chardonneret ?

Parce qu'il est beau et qu'il chante bien. Les oiseaux sont revendus sous le manteau pour faire des "combats" de chants dans les caves, ou pour servir d'oiseaux domestiques. Ou encore, pour être hybridés avec des canaris afin d'obtenir une pluralité de couleurs sur des oiseaux dits "mulets" également détenus et revendus de manière illégale.

Malheureusement, le chardonneret n'est pas le seul oiseau sauvage à faire l'objet d'un trafic.

"Mésanges, verdiers, bouvreuils, font également l'objet de braconnage et de trafic chez nous," précise Philippe Goursaud." Mais dans le département, cela fait partie de nos affaires prioritaires dans le cadre de la police judiciaire de l'environnement, et nous serons intraitables," poursuit le chef de l'OFB de la Haute-Vienne.

Les risques encourus ?

3 ans de prison. 150 000 euros d'amende. Ce sont les peines maximales.

Le 30 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a condamné un homme à 18 mois de prison ferme avec mandat de dépôt immédiat. Il a également dû verser 2000 de dommages et intérêts à France Nature Environnement et 2500 pour la Ligue pour la Protection des Oiseaux.

Le procès de ce braconnier Haut-Viennois se tiendra ce jeudi 23 février au tribunal correctionnel de Limoges.

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