À Limoges, le centre hospitalier Esquirol propose des prises en charge pour celles et ceux qui subissent les traumatismes induits par les violences conjugales, souvent lourds et handicapants. Il s'agit aussi pour ces personnes de libérer la parole.
"Au premier viol conjugal, je me suis dit : "Je ne suis vraiment rien, pour qu’il puisse arriver à me faire ça", témoigne Julie. Son ancien mari a d’abord voulu la couper de ses proches. S’en est suivi les insultes, les menaces de mort et la violence physique. Mais Julie a mis du temps à réaliser la gravité de sa situation prise dans un phénomène de dissociation face à l’insupportable : "Ça vient des viols. À ce moment-là, on verrouille tout. On voit la scène de l’extérieur ou alors on se focalise sur des détails. Comme par exemple le poil de chat qui est resté sur le canapé, on le voit très bien à ce moment-là. C’est comme si on cherchait à sortir de soi. C’est pas volontaire, on sort de soi pour pas le vivre."
Julie est aujourd’hui suivie dans l’unité de victimologie de l’hôpital Esquirol. Quand elle a retrouvé la sécurité dans un nouvel appartement, des troubles sont apparus : angoisses, flashs des agressions, repli sur soi… Aujourd’hui, de longs échanges et des soins ciblés l’ont aidé à revivre.
On retrouve son corps, on arrive à se sentir. Ça donne un déclic pour reprendre soin de soi : juste s’habiller, se coiffer un peu, mettre une belle paire de chaussures, se trouver bien dedans.
Julie
Mais toutes les victimes de violences ne viennent pas encore chercher de l’aide. "Il y en a parce qu’elles ne sont pas prêtes. Parce qu’elles pensent que c’est du "blabla." La difficulté c’est de savoir parler de ses émotions. Ça ne s’oublie pas comme ça. Ça doit se travailler, ça doit se ranger proprement quelque part", explique Guylaine Fabre-Bardou, infirmière unité de victimologie au CH Esquirol.
69 nouvelles prises en charge en 2021
Avec une équipe spécialisée, l’unité de victimologie utilise de nombreuses thérapies comportementales et cognitives. Plus la prise en charge est précoce plus elle est efficace, mais il est toujours possible de progresser, explique Muriel Arthus, psychiatre au CH Esquirol.
On peut reprendre une vie, on peut reprendre un cours de vie, on peut revoir des amis, refaire des activités mais il y a une acceptation de : "Il m’est arrivé quelque chose, il y a une effraction dans ma vie, ma vie continue mais elle continue comme ça.
Muriel ArthusPsychiatre au CH d'Esquirol
Aujourd’hui, Julie reconstruit sa vie professionnelle et personnelle. Dans cette unité, il y a eu 69 nouvelles prises en charge en 2021 : 65 femmes et 4 hommes.
Violences conjugales : l'unité de victimologie du CH d'Esquirol prend en charge les victimes. Un reportage de François Clapeau et Mathieu Degremont
Ce lundi 22 novembre 2021, les chiffres du ministère de l’intérieur sur les violences conjugales ont été dévoilés. En 2020, il y a eu 10% de violences conjugales en plus en France.