Le centre hospitalier Esquirol à Limoges a mis en place un dispositif expérimental : les appartements de coordination thérapeutique (ACT). Ils permettent à des personnes atteintes de troubles psychiques d'évaluer leur capacité à vivre en autonomie, tout en bénéficiant d'un accompagnement.
Vivre seul en appartement ne va pas de soi pour tout le monde. Notamment pour les personnes atteintes de troubles psychiques, quelle que soit la maladie (schizophrénie, bipolarité, névroses, état dépressif...).
Les appartements de coordination thérapeutiques (ACT) existaient déjà en addictologie au sein du centre hospitalier Esquirol.
Depuis février 2019, l'établissement teste ce dispositif au sein du département réhabilitation, dans le pôle de psychiatrie adulte dirigé par le Dr Verger.
En partenariat avec Limoges Habitat et l'Agence immobilière sociale, l'hôpital loue dix appartements dans Limoges, destinés à accueillir, pour une durée d'un an maximum, les bénéficiaires du dispositif. Pour l'instant, une vingtaine de personnes sont passées par les ACT.
Evaluer la capacité à "savoir habiter"
C'est le cas de Vincent, qui vit dans l'un de ces appartements depuis deux mois. Victime de dépression, de troubles obsessionnels du comportement et d'anxiété depuis l'adolescence, il a du mal à vivre en autonomie : "Ce qui est dur pour moi, c'est d'initier toutes les actions du quotidien, les tâches ménagères, la vaisselle, les courses, prendre soin de son hygiène corporelle... Ces actions sont lourdes à réaliser pour moi".
Depuis qu'il est installé en ACT, Vincent reçoit tous les jours la visite d'un membre de l'équipe dédiée au dispositif. Une équipe pluridisciplinaire : psychiatre, psychologue, assistant social, infirmiers, moniteurs éducateurs...
"Ce dispositif permet à des patients en situation de handicap psychique d'évaluer leur compétence en terme de "savoir habiter", explique de Dr Delphine Walocha, psychiatre responsable de l'unité. "Au départ, nous déterminons avec les résidents leur objectif, souvent un projet dd'appartement autonome, et nous les accompagnons tout au long de cette année."
Les visites sont très régulières au départ, plusieurs fois par jour, et s'espacent en fonction des progrès et des objectifs atteints. La prise en charge est globale : médicale, psychologique et sociale.
Apprendre l'autonomie... en groupe
En parallèle, deux fois par semaine, des ateliers de groupe sont organisés. En utilisant des supports ludiques, comme des photos ou des jeux de société, il s’agit d’aborder des thématiques liées à l’autonomie : la gestion d’un budget, du temps libre, des trajets etc…
Pour les résidents, c’est aussi l’occasion d’échanger sur les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. "J'ai pu constater que je ne suis pas le seul à avoir des angoisses, des difficultés à engager certaines actions. Cela me permet de me sentir moins isolé", explique Clément qui vit en ACT depuis 3 mois.
Depuis la mise en place du dispositif, la plupart des résidents ont réussi à atteindre le projet qu'ils s'étaient fixés : vivre en autonomie malgré leur handicap.
Parfois, les parcours ont été compliqués, comme pour cet ancien bénéficiaire du dispositif qui préfère garder l'anonymat. Victime d'un burn-out, diagnostiqué bipolaire, hospitalisé à plusieurs reprises pendant de longs mois, il a tout perdu - épouse, maison, travail... - avant d'intégrer le dispositif des ACT. Aujourd'hui, depuis presque un an maintenant, il vit dans un logement autonome au sein d'une résidence accueil et a retrouvé un travail. Il va même pouvoir accueillir ses enfants le week-end dans son appartement. Une vraie réussite pour cet homme qui a dû totalement réapprendre à vivre en autonomie.
Reportage de Gwenola Bériou, Matthieu Dégremont et Chantal Cogne.