L’épuisement professionnel a un nom désormais connu de tous : le burn-out. Pourtant, malgré le repérage des symptômes, les solutions de prise en charge et les pistes de guérison, ce syndrome n’est pas officiellement reconnu. En Nouvelle-Aquitaine, des spécialistes de la santé, du droit du travail ou des ressources humaines sont mobilisés depuis quelques années au travers de structures dédiées.
Le burn-out pourrait bien devenir le mal de notre siècle. En anglais, les mots « burn » pour « brûler » et « out » pour extérieur, expriment l’idée d’un feu interne qui empêche de mener une action externe. En français, on peut le traduire par « syndrome d’épuisement professionnel » qui entraîne une incapacité à retourner au travail et mener une activité sociale. Diffusée depuis les années 70, « l’approche de cette notion a beaucoup évolué au cours des décennies », explique le psychiatre limougeaud Eric Charles.
Si l’épuisement professionnel semble avoir ses causes précises -le surengagement professionnel, la perte de sens, le sentiment de déshumanisation, une perte d’efficacité au travail- il n’en existe pas de définition juridique. « Le droit, pour le burn-out, et contrairement au harcèlement moral, n’apporte pas de définition dans le code du travail », déplore maître Audrey Pascal, avocate au barreau de Limoges.
Une maladie du travail
Le burn-out se manifeste sous trois formes. La première est l’épuisement physique extrême qui va jusqu’à empêcher le sujet de sortir de son lit, de se faire à manger ou de lire ; la seconde est l’épuisement émotionnel qui rend tour à tour irritable ou sur-réactif ; la troisième est l’épuisement mental qui se traduit par l’impossibilité de réfléchir et penser normalement. Autant de dimensions communes aux femmes qui rejoignent l’association bordelaise L’Burn.
"Je me suis retrouvée devant ma valise, incapable de bouger !"
Claire Plaza
Salariée de cette structure et coach, Claire Plaza s’est donnée pour mission d’accompagner les femmes victimes de burn-out, elle qui, un jour de 2019, s’est effondrée. « Avant un déplacement professionnel, je me suis retrouvée devant ma valise, incapable de bouger et de remplir cette valise alors que l’avais faite des milliers de fois. Ce moment est resté un souvenir traumatique très activant. Aujourd’hui, devant une valise, me revient à chaque fois la pensée de ce jour précis. », se souvient Claire Plaza, à l’époque directrice régionale des ressources humaines dans un grand groupe de prêt-à-porter.
S’écouter davantage
Le témoignage de Claire Plaza montre aussi ce syndrome diffère de la dépression. Il la précède, même. D’abord par sa soudaineté et ensuite par une série de symptômes physiques qui n’alertent pas forcément sur le risque. « J’avais des migraines, un peu d’eczéma, des cystites. J’attribuais ça à de la fatigue générale ; c’est une fois arrêtée que j’ai refait le film et qu’il m’est paru évident que quelque chose n’allait pas bien. », explique Claire Plaza.
Comme beaucoup de personnes victimes de Burn-out, Claire Plaza se définit comme « perfectionniste, aidante, investie ». Une personnalité qui, dans son entreprise d’alors, dépense son énergie sans compter alors qu’elle est alors maman depuis deux ans. Sa charge mentale monte en flèche, les symptômes s’accumulent et c’est l’effondrement soudain.
Il semble donc bien exister une combinaison de facteurs déstabilisants, à la fois personnels et professionnels ; une frontière floue et imbriquée. Mais pour Sabine Bataille, présidente du réseau Reconstruction Post Burn Out (RPBO) « Le burn out est d’abord une maladie de l’entreprise. Ce sont les conditions de travail qui peuvent rendre malades les gens (...) et les gens le vivent comme une honte alors qu’ils ont tout fait pour réussir. Ils ont l’impression qu’ils ont failli à la tâche et le vivent comme un échec sauf que, précisément, c’est parce qu’ils étaient les plus forts et hyper compétents qu’ils n’ont rien vu arriver »,
Guérir
Après l’effondrement, quand les patients consultent, le médecin généraliste ou spécialité peut prescrire un arrêt de travail, même si le mot « burn-out », faute de reconnaissance officielle comme maladie du travail, ne peut pas être inscrit sur la feuille de soin. « Et ce n’est pas toujours facile d’arrêter les patients, car on se retrouve avec des gens qui ont un fort sentiment de responsabilité envers autrui, qui culpabilisent de s’arrêter », précise le docteur Eric Charles.
Une fois mis au repos, le patient peut être dirigé vers des lieux de soins comme Les Thermes de Saujon en Charente-Maritime dirigés par le psychiatre Olivier Dubois. Avec 160 ans d’expérience en médecine thermale, cette cure contribue au mieux-être des personnes fragilisées sur le plan nerveux et psychologique. Il existe aussi des espaces spécialisés pour prendre du recul et se reposer après un burn-out comme Au temps pour toi, situé au cœur de la Haute-Vienne, près de Limoges.
Quel retour au travail ?
Après l’aspect médical, après le volet juridique, il y a la question du retour au travail. Ayant constaté qu’il constituait un angle mort pour les victimes de burn-out, Sabine Bataille a créé un réseau de spécialistes de la reconstruction post burn-out. Un chemin qui s’initie par une médiation avec l’entreprise ou les acteurs de l’emploi afin de réinscrire la personne dans son projet professionnel et son identité : « Dans la méthode RPBO, on utilise des dispositifs de l’assurance maladie qui préviennent la désinsertion professionnelle. On va travailler le plus possible en amont. À partir d’un mois d’arrêt, on sait que la personne va avoir des difficultés à retourner au travail. On l’accompagne alors sur les dispositifs auxquels elle a droit comme de la formation pendant son arrêt-maladie ou une démarche de reconversion. Des dispositifs peu connus », déplore Sabine Bataille.
Dans un intérêt commun et partagé et pour prévenir le Burn-out, à charge pour les entreprises de solliciter ces spécialistes pour se former à la question du stress au travail, apprendre à détecter les situations difficiles et les risques psychosociaux. Quant aux salariés, à charge pour eux de rester vigilants sur la question de la charge mentale et des symptômes qui se manifestent dans leur situation professionnelle, mais aussi personnelle.
Disputandum sur le burn-out, une émission-débat animée par Liane Courté.
Les invités :
- Maître Audrey Pascal
- Claire, coache et salaréié de l’association L’Burn
- Eric Charles, psychiatre
- Sabine bataille, présidente du Réseau RPBO
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