À l’occasion des 80es commémorations du massacre d’Oradour-sur-Glane, retour sur les faits tragiques survenus le 10 juin 1944 dans cette petite commune de Haute-Vienne. France 3 Limousin vous propose une émission spéciale. Au programme, des témoignages, des analyses et le récit de l'action brutale, méthodique et délibérée de la division Waffen SS Das Reich.
Oradour-sur-Glane, en cette fin de printemps 1944, est un village de Haute-Vienne avec des commerces florissants, quatre écoles où résonnent les rires des enfants. Il y a même ici deux écoles de musiques, une équipe de foot. Le tramway qui traverse le village, conduit ici les habitants de Limoges pour un après-midi à la campagne.
Le 10 juin, Oradour entre dans l’histoire. Dans l’histoire de France, dans l’histoire de l’humanité également, tant ce qu’il s’y est passé est inimaginable. En une journée, tout est détruit, anéanti, par la folie des SS. 643 morts, 192 hommes, 244 femmes et 207 enfants, le plus jeune était âgé d’à peine une semaine. C’est cette histoire que nous allons vous raconter dans cette émission spéciale de France 3 Nouvelle-Aquitaine et dans le texte ci-dessous.
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Pourquoi le 10 juin, et pourquoi Oradour ?
Si le sort d’Oradour-sur-Glane a vraisemblablement été scellé entre le soir du 9 juin 1944 à Limoges et le matin du 10 juin à Saint-Junien, sa « logique », si tant est que l’on puisse employer un tel mot, remonte à bien plus loin.
En ne tenant compte que de la seule division blindée SS Das Reich, responsable d’Oradour, ses premières exactions, à minima et hors combats, datent de 1941, en ex-Yougoslavie. Déployée plus à l’est dès le début de l’opération Barbarossa, l’invasion de l’Union Soviétique, elle sévira notamment en Ukraine, au cours de l’année 1943.
Ayant subi de lourdes pertes, elle est mise au repos, pour être reconstituée, en avril 1944, dans la région de Montauban. Et c’est là, suivant alors les consignes du haut commandement d’intensifier la lutte contre les partisans, quelles qu’en soient les conséquences pour la population, que le général Lammerding (qui dirige la division), fait approuver par sa hiérarchie, le 5 juin, un plan d’application d’autant plus sinistre.
Le 7 juin, au lendemain du Débarquement, ordre lui est donné de rejoindre la Normandie au plus vite, tout en intervenant, sur son chemin, contre la Résistance. Le lendemain et le surlendemain, deux ordres viennent donner priorité au ralliement du front… Mais la barbarie de la division est en marche.
Au soir du massacre de Tulle, le 9, plusieurs unités arrivent aux environ de Limoges. L’état-major de la division s’établit dans la capitale limousine, l’un de ses bataillons, commandé par Adolph Diekmann, est cantonné lui à Saint-Junien.
Ce soir-là, des réunions se trament à Limoges, notamment avec la milice.
Le 10 juin 1944, heure par heure
Le 10 juin, au matin, nouvelles réunions, à Limoges et à Saint-Junien. Et c’est cette dernière, tenue, dit-on à l’hôtel de la gare, sur une table du café, que se décide le sort d’Oradour.
À 13 h 00, deux colonnes, environ 200 hommes, quittent la ville pour le village. Elles stoppent à moins d’un kilomètre d’Oradour, pour la distribution des ordres.
Un premier groupe va alors pénétrer dans Oradour par l’est, le pont de la Glane, quand un second, le plus gros des troupes, encercle le village.
Les habitants des hameaux alentours, Les Brandes, Bellevue, Puy Gaillard et les Brégères, sont systématiquement refoulés vers le centre d’Oradour, comme les premiers habitants du village rencontrés.
Ordre est alors donné à tous les habitants de se rassembler sur le champ de foire, soi-disant pour vérification d’identité. La fouille des maisons, elle aussi systématique, débute.
À 15 h 30, alors que tous, hommes, femmes, enfants, sont rassemblés, les SS séparent la population. Les hommes, divisés en six groupes, sont emmenés vers des lieux clos préalablement repérés, les femmes et les enfants, d’abord emmenés vers le bas du bourg, puis enfermés dans l’église.
16 h 00. Une explosion retentit, un signal, c’est le début du massacre. Dans tous les lieux, simultanément, le feu est ouvert, et les hommes sont abattus ; on chasse dans les rues ceux qui tentent de s’enfuir. Puis les cadavres sont recouverts de paille, de foin, de bois, et les SS les font brûler, même ceux qui n’étaient pas encore morts.
Il n’y aura que cinq survivants aux massacres des granges. Dans l’église, femmes et enfants ont tout entendu.
Peu avant 17 h 00, les Allemands entrent, installent un dispositif explosif et l’allument. La fumée est suffocante et la panique totale. Pourtant l’explosion n’a pas effondré l’église. Les portes sont rouvertes, les SS mitraillent à l’aveugle, quand d’autres jettent des grenades. Puis un dispositif incendiaire est installé, dans et autour de l’église, et le brasier est allumé.
Une femme, une seule, parviendra à s’échapper de l’église.
Les troupes pillent alors le village et y mettent le feu.
Vers 19 h 00, un tramway arrive de Limoges. Il est intercepté avant le pont de la Glane. Pour les passagers n’habitant pas Oradour, ordre leur est donné de partir. Les autres vont, durant trois heures, être tenus en joue, avant d’être libérés, eux aussi, avec interdiction de rentrer dans le village.
Vers 21 h 00, le gros des Waffen SS quitte Oradour, pour rejoindre son cantonnement établi à Nieul, quand d’autres gardent le bourg dévasté, dans une dépendance de la maison Dupic, qu’ils incendieront le lendemain.
Le lendemain également, le dimanche 11 juin, une section allemande reviendra à Oradour, procéder à l’élimination systématique des corps par le feu et la fosse commune. Seuls 52 corps pourront être identifiés.
192 hommes, 244 femmes et 207 enfants, 643 êtres humains, ont été tués ce jour-là.
Entre ceux qui ont pu s’échapper avant, les survivants du massacre, et les passagers du tramway, seule une quarantaine de personnes a pu échapper à l’enfer.
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Une heure d'émission pour comprendre et ne pas oublier
Pour évoquer ce drame, accomplir le devoir de mémoire et décrypter ces faits dramatiques, Agathe Hébras, petite fille du dernier survivant d’Oradour, Robert Hébras, disparu en 2023 et qui, durant de nombreuses années, a raconté son histoire.
Benoît Sadry, président de l’association des familles des victimes, nous livre le récit apocalyptique du massacre dans l’église. Son arrière-grand-mère y a perdu enfants et petits enfants.
Et puis pour comprendre la genèse de ce massacre, qui n’est en rien dû au hasard, l’historien Pascal Plas, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, vient contextualiser les faits et nous éclairer sur les agissements des SS de la Das Reich.
Récit historique : Jean-Martial Jonquard avec Le centre de la mémoire et le livre Oradour-sur-Glane, Regards et histoire, édité et venu par "les Enfants d'Oradour".