Oradour-sur-Glane : politique de mémoire et mémoire politique

Le 10 juin 2019 auront lieu les commémorations du 75e anniversaire du massacre d'Oradour-sur-Glane. Le village martyr a souvent reçu la visite de représentants de l'État. Le premier hommage officiel aux victimes remonte à mars 1945. 

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Le 10 juin. Cette date marque l'anniversaire du massacre d'Oraour-sur-Glane. Ce samedi de 1944, les nazis entre dans le village et tue 642 personnes, enfants, femmes et hommes. Chaque année, pour ne pas oublier, des commémorations sont organisées. Souvent, au fil de l'Histoire, de nombreux représentants de l'État ont participé à ces cérémonies. Tous les présidents de la République ne sont pourtant pas venus, pour diverses raisons.

Le premier à faire le déplacement aura été le Général de Gaulle. Le dernier en date, Emmanuel Macron. 
 

Les premiers pas

A peine un an après le massacre des 642 habitants d'Oradour-sur-Glane, le premier hommage officiel aux victimes a été rendu avec la visite du Général de Gaulle, en mars 1945. Cette visite, hautement symbolique, va marquer les esprits mais aussi toute l'histoire d'Oradour-sur-Glane. Ce jour-là, le Général de Gaulle prend la décision de conserver le village en l'état pour en faire un lieu de mémoire. 
 
La guerre n'est pas encore finie. Le lieu n'est pas anodin. En France, Oradour constitue le plus grand massacre d'une population civile. En voulant préserver Oradour, le Général de Gaulle n'a-t-il pas aussi voulu, conserver comme une preuve des exactions commises afin d'alimenter le procès de Nuremberg ? 


Quelques jours plus tard, à la date anniversaire du drame, ce fut au tour du ministre de l'Intérieur de  l'époque, Adrien Tixier, natif de Haute-Vienne, de se rendre sur place.
Le rituel des commémorations est fixé et n'évoluera pratiquement plus : procession silencieuse dans les rues du village, un arrêt à l'église où furent tués femmes et enfants, puis un hommage aux victimes. 

Le 12 juin 1947, c'est le président de la République Vincent Auriol qui posera symboliquement la pierre du "nouvel Oradour" à quelques pas des ruines. 
 
Car l'idée de la construction d'un nouveau village s'inscrit dans la continuité de la conservation du village détruit. Permettre aux ayant droits des victimes de se reloger et faire venir une nouvelle population dans la commune sont deux enjeux majeurs. L'État, d'un côté, verrouille un territoire pour en faire un monument historique et de l'autre, permet de reloger des gens. 

Cette pose de la 1re pierre a eu lieu dans une rue baptisée maintenant "Rue de la Renaissance". Cette reconstruction s'est achevée en 1953 par la nouvelle église, dernier bâtiment contruit. Au début, il y avait très peu d'habitants à Oradour mais la population s'est progressivement installée. A partir de 1953, il y a eu une volonté politique de faire revivre le bourg : en 1959, la construction de la salle des fêtes, la renaissance par la jeunesse et le sport avec la création d'un club de football. Au début des années 60, des gens sont venus de la Mayenne, de la Manche, des agriculteurs sont venus s'installer. Aujourd'hui, la commune d'Oradour-sur-Glane compte 2 500 habitants. 
 
 

Le trouble

Entre 1953, l'amnistie de 13 Alsaciens "magré-nous" ayant participé aux exactions et condamnés au procès de Bordeaux, jette le trouble parmi les habitants qui interdisent alors toute visite des représentants de l'Etat et érige leur propre martyrium au fond du cimetière communal, loin mémorial officiel.  

Deux lieux de recueillement

Dans les années 50, l'État érige en effet un mémorial, à l'entrée du cimetière d'Oradour, conçue comme une chapelle souterraine. Mais au lendemain de l'amnistie des "malgré-nous", l'association des familles des martyrs construisent un autre monument, le tombeau des martyrs, au fond du cimetière et les restes des victimes reposent au pied de cette "lanterne des morts". Le monument de l'État devient sans objet. 
 

Vers la réconciliation

En 1962, le Général de Gaulle revient sur site pour une "simple visite". Il est "accepté" en tant que chef de la France Libre, comme celui qui fut venu le premier à Oradour dès 1945, 

Ce n'est qu'en 1974, soit plus de 20 ans après le procès de Bordeaux, que le préfet de Haute-Vienne, Maurice Lambert, vient inaugurer la crypte du mémorial d'État. Progressivement, l'association des familles de martyrs se réappropriera cette crypte pour y déposer des objets personnels des victimes, retrouvés dans les décombres des maisons.

Il faudra attendre presque 10 ans de plus pour qu'un autre président se déplace : François Mitterrand, qui avait voté l'amnistie des Alsaciens et qui laissera une page blanche sur le livre d'or lors de sa venue en 1982.

 


En 1998, c'est Roland Ries, le maire de Strasbourg qui participe aux commémorations. Une visite qui aura le mérite de tenter de renouer le difficile dialogue entre Alsaciens et Limousins. 
 

En 1999, le centre la mémoire est inauguré par Jacques Chirac. Il y rencontrera Jean-Marcel Darthout. Le président de la République écoutera alors les terribles souvenirs de ce survivant du massacre. Il est alors accompagné de la ministre de la Culture du gouvernement Jospin, Catherine Trautmann, ancienne (et future) maire de Strasbourg. 
 


L'idée de mémoire et de transmission

Ce centre, inauguré par Jacques Chirac, est né d'une réflexion sur la mémoire qui risquait de disparaître. Avant,  seuls deux guides surveillait le site sans vraiment avoir de discours pédagogiques. Il s'agissait aussi d'inciter les visiteurs à se renseigner sur le dramedu 10 juin 1944 avant de visiter les ruines. Aujourd'hui, l'accès au village détruit reste libre, mais sur les 300 000 visiteurs annuels, environ la moitié passe par le centre de la mémoire. 
 


Tout un symbole

François Hollande viendra, lui, en 2013. A ses côtés, le président de la République Allemande, Joachim Gauck et Robert Hebras, survivant du massacre. La photo des trois hommes marquera les esprits.
 

 
Jean-Marcel Darthout, l'un des survivants, s'écriera "Enfin !" lorsque dans son discours François Hollande évoquera cette visite comme un "acte final" de la réconciliation. Ce ne fut pas facile pour les familles des victimes. Pas facile, mais nécessaire. "Un exemple pour les peuples du monde" conclut Philipe Lacroix, maire d'Oradour-sur-Glane. 
 

Le passeur

De tous les chefs d'État français depuis 1945, seuls trois n'ont jamais visité Oradour-sur-Glane. Georges Pompidou fut président de 1962 à 1968, c'est-à-dire en pleine contestation contre l'amnistie. Le mandat de Valéry Giscard d'Estaing n'était pas placé sous le signe du "mémoriel". La France n'a d'ailleurs plus commémoré le 8 mai 1945 entre 1975 et 1981. Cette décision de Valéry Giscard d'Estaing, motivée par son attachement à la construction européenne, a été mal comprise en France. Quant à Nicolas Sarkozy, son déplacement à Oradour aurait été annulé en raison d'un empêchement du chef de l'État. En 2008, il se rendra en revanche à Maillé en Indre-et-Loire, autre village où furent massacré 124 personnes par les soldats allemands. 

Emmanuel Macron a, lui, réalisé deux visites sur le site en 2017. L'une le 28 avril, en plein entre-deux tours de la présidentielle, puis en tant que chef de l'État le 10 juin. Il s'est affiché alors comme un passeur de l'Histoire pour les nouvelles générations. 

 




 
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