L'ancien procureur de Paris, figure marquante de la période des attentats qui avaient secoué la France en 2015, était à la faculté de droit de l'Université de Limoges pour une conférence sur le thème "Terrorisme et libertés".
Des mots même de Séverine Nadaud, doyenne de la faculté de droit de Limoges, il est rare de voir l'amphithéâtre Lombois aussi rempli. Difficile de trouver une place assise, certains étudiants et curieux doivent rester debout dans un coin de la grande salle. Et pour cause : ce n'est pas tous les jours qu'une telle personnalité du droit français vient donner cours à l'Université de Limoges.
Dans un silence absolu, et après les introductions d'usage, François Molins s'éclaircit la voix et se lance. "Ce que je vais vous dire, déclare-t-il d'un ton grave, est la traduction de mon vécu au travers des sept années extrêmement troublées que j’ai passé à la tête du parquet de Paris. Le retour des attentats en Europe qui ont connu une recrudescence depuis le début des années 2010, signent l’inscription de la société dans un état de menace permanent et durable. Dans ce contexte, nos démocraties doivent trouver un juste équilibre entre préserver les libertés fondamentales et combattre de façon efficace le terrorisme".
"Terrorisme et libertés"
Ce n'est pas la première fois que celui qu'on appelait jadis le "super-proc" rend visite aux Limougeauds à l'invitation de l'association "Les entretiens d'Aguesseau". "C’est la troisième fois que je reviens à Limoges et j’y reviens avec beaucoup de plaisir" confie-t-il.
Cette conférence est l'occasion pour lui de pousser à la réflexion les futurs magistrats, avocats et juristes qui l'écoutent. Il y exprime ses inquiétudes concernant les risques de détournement des lois anti-terroristes qui ont été créées après la terrible vague d'attentats qui a traumatisé la France dans les années 2010, ainsi que l'usage abusif du terme "terrorisme".
Devant un étudiant qui lui demande sa position vis-à-vis des luttes écologistes, François Molins affirme refuser le terme "écoterrorisme" utilisé notamment par le ministre Gérald Darmanin après Sainte-Soline.
"Il faut avoir une vigilance particulière sur ces choses-là, explique-t-il, et bien s’attacher à ce que l’anti-terrorisme combatte uniquement le terrorisme (dans sa définition juridique, NDLR). Je pense par exemple aux « périmètres de protection » qui avait été détournés de leur but il y a quelques mois par deux préfets pour empêcher des casserolades".
"Constitutionnaliser l'état d'urgence"
Malgré son départ à la retraite en juin 2023, François Molins ne semble pas avoir dit son dernier mot. Aujourd'hui beaucoup plus libre dans sa parole puisqu'il n'est plus magistrat, il n'hésite pas à se prévaloir de son expérience pour suggérer des garde-fous à l'utilisation de l'arsenal légal anti-terroriste.
"Au vu des changements de la Constitution en discussion en ce moment, propose-t-il, il serait intéressant de constitutionnaliser l’état d’urgence, en renforçant encore plus le contrôle du Parlement sur sa mise en œuvre et son déroulement".
À la sortie, les étudiants sont conquis. "C’est un honneur ! s’exclame Valentin, en troisième année de droit, il est une personne qui a eu un rôle très important dans un moment très compliqué pour la France. De notre point de vue d’étudiant en droit, il a une place… pas sacrée, mais presque".
Le "super proc", quant à lui, parle de "projets d'écriture sur son expérience" qui devraient se concrétiser dans les mois à venir. Mais pas un mot de plus, "ce n'est pas encore assez mûr". À 70 ans, l'ancien magistrat fera sa prochaine rentrée à Sciences Po Paris, où il enseignera un cours sur la lutte contre le terrorisme.