Mi-septembre, la commission européenne a appelé la France à rattraper son retard pour atteindre 42,5 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030. Sur le terrain, de plus en plus de projets éoliens rencontrent l'opposition de riverains. C'est le cas à Chéronnac en Haute-Vienne où le projet d'un parc éolien a du mal à passer.
Des banderoles jaunes, où on peut lire "Non aux éoliennes à Chéronnac" sont apparues depuis un an dans le paysage champêtre du petit village, non loin de Rochechouart, dans l'ouest de la Haute-Vienne.
En cause, un projet de parc éolien contesté par une association qui rassemble une soixantaine d’adhérents, quand le village compte 340 habitants.
200 mètres de haut, c’est presque une tour Montparnasse
"On a créé une maquette pour informer la population, la sensibiliser et qu’elle puisse avoir les moyens de voir l’impact que peuvent avoir des éoliennes de 200 mètres de haut. C’est presque une tour Montparnasse, sur le paysage", explique Thibaut de Saint Florent, président de l'association Défense de la vallée de la Tardoire.
Trois éoliennes sont prévues sur le site de Peyrassoulat, classée Zone naturelle d'intérêt écologique. Un non-sens pour l'association. "On est sur un site connu pour ses arbres plusieurs fois centenaires, sur un chemin de randonnée. On a mis en place des panneaux informatifs avec à disposition, à la fin, une boîte aux lettres avec des avis d’opposition. En un an, on a recueilli 700 avis d’opposition", détaille le président de Défense de la Vallée de la Tardoire.
Défendre l'environnement et s'opposer aux éoliennes, un paradoxe ?
Une association de défense de l’environnement qui s'oppose à un projet qui permettrait de produire de l'électricité décarbonée, n'est-ce pas contradictoire ?
Le principe d’une association de défense de l’environnement c’est justement de protéger le vivant, la nature. Quel est l’intérêt de détruire le vivant pour construire des usines industrielles ?
Thibaut de Saint FlorentPrésident de l'association Défense de la vallée de la Tardoire
"Il va y avoir la destruction d'espèces, de zones humides, ajoute-t-il. Cela va artificialiser les sols, fragiliser les écosystèmes. Ce n’est pas un projet écologique, c’est un désastre écologique."
Le projet éolien des "Moulins de l’eau plaidée", nom de ce projet, produirait l'équivalent de la consommation annuelle d'électricité de 5 000 foyers. Il a fait l'objet d'une délibération au conseil municipal, fin 2019, donnant le feu vert à des études et recherches d'emprises foncières.
La municipalité n’a pris des décisions que pour des études et d’éventuels installations sur les terrains. Dans le principe, je ne suis pas contre mais je ne suis pas pour tant que je n’ai pas ces informations scientifiques.
Raymond VouzelaudMaire (SE) de Chéronnac
Alors que le maire plaide pour une "écologie réaliste" et malgré la tenue de trois permanences publiques en 2021 et 2023, certains habitants, notamment du hameau de Bussac, ne décolèrent pas.
"On va être étouffé. Je peux regarder dans n’importe quel sens, il y aura une éolienne en face de moi, regrette Colette Deville, riveraine et membre de l'association Défense de la vallée de la Tardoire. Je ne serai plus à la campagne, je ne serai plus chez moi. Je suis contre et je me battrai jusqu’au bout parce que ce n’est pas normal qu’on fasse ça."
Le Parc naturel régional défavorable à ce projet
Des distances de retrait insuffisantes, pointées par ailleurs par le Parc naturel régional, qui a rendu un avis défavorable dans son dossier.
Pour des raisons qui sont à la fois des raisons d’impact sur la biodiversité vis-à-vis de certains mammifères, des mammifères nocturnes. Les chauves-souris sont très sensibles à ce type d’ouvrage.
Frédéric DupuyDirecteur-adjoint du PNR Périgord-Limousin
"On est sur un couloir de migration. Les oiseaux passent de jour comme de nuit. L’étude d’impact a montré des faiblesses quant à la préservation des zones humides. L’ensemble de ces éléments font que les élus ont voté à l’unanimité un avis défavorable", ajoute-t-il.
Le promoteur, la société APAL Mégawatt, dont le siège se trouve à Nancy, a été sollicité. Il a redirigé notre journaliste vers l'association représentative de la filière éolienne en France, pour évoquer les difficultés liées à l'acceptabilité des projets éoliens. "Pour nous, ce qui est important sur l’acceptabilité, c'est la commune. Aujourd’hui, un projet qui n’est pas soutenu par la commune n’est pas soutenu par la filière", assure Raphaël Briot, responsable de l'animation territoriale pour l'association France Renouvelables.
Cette opposition résiduelle à l’échelle d’un projet, une fois le projet construit et bien amené - la phase d’exploitation dure entre 20 et 25 ans - finalement ces personnes-là (les opposants ndlr), sans dire qu'elles deviennent convaincues, deviennent assez neutres par rapport au projet.
Raphaël BriotResponsable plaidoyer et territoires association France Renouvelables
Actuellement dans le département, huit projets sont en cours d'instruction. Il appartiendra à la préfecture d'ouvrir ou non à Chéronnac, une enquête publique.