Une 4ème année d'internat pour les futurs médecins généralistes : un début de solution pour les déserts médicaux en Limousin

Le gouvernement a décidé d'allonger les études des médecins généralistes d'un an. Lors d'une 4ème année d'internat, les étudiants seraient incités à aller en priorité dans les déserts médicaux. En Limousin, les réactions sont très contrastées.

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En janvier 2022, Emmanuel Macron avait participé à une table ronde sur les déserts médicaux à Bourganeuf (23). A l'issue de cette rencontre avec les professionnels de santé creusois, le président de la République avait conclu que la construction d'un projet de vie était nécessaire avec les jeunes médecins pour les inciter à s'installer à la campagne : il faut aller chercher les étudiants en médecine dès le début de leur internat, et leur proposer un parcours et un projet. Et si on leur propose dès le début, ils peuvent construire leur internat, venir faire un ou plusieurs semestres en zone rurale. Quand on est médecin, c’est sa vie entière que l’on va passer à cet endroit, c’est la vie de sa compagne ou de son compagnon, ça va être la vie de ses enfants."

Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a défendu l'idée de déployer une quatrième année d'internat pour les médecins généralistes "pour envoyer un renfort massif dans les déserts médicaux", sur la base du volontariat.

C'est ce que propose le gouvernement dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité Sociale. 

Ce lundi 26 septembre 2022, les réactions étaient très contrastées chez les étudiants en médecine que nous avons pu croiser devant la faculté de Limoges. Mohamed ne souhaite pas que les études soient prolongées :"on va envoyer les internes dans des déserts médicaux où ils seront livrés à eux-mêmes, puisqu'il y a peu de médecins dans ces endroits pour les encadrer. En plus, ils ne seront pas payés plus de 1500 ou 2000 euros".

Raphaël pense quand à lui que "ça permettrait peut-être aux jeunes médecins de découvrir la campagne puisqu'ils y seraient et se diraient : peut être que je vais faire ma vie là bas".

Mécontentement 

Mais l'idée suscite des protestations parmi les médecins et leurs syndicats, certains envisageant déjà de descendre dans la rue. 

Pour le docteur Jean-Christophe Nogrette, représentant de MG France en Haute-Vienne, l'idée d'une 4ème année d'internat pour les futurs généralistes est intéressante : "le métier de généraliste englobe de plus en plus de responsabilités. Une 4ème année professionnalisante permettait de mieux appréhender ce qu'on ne voit pas à la fac, comme l'environnement administratif et tout ce qui ne s'apprend que sur le terrain".

Cependant, il ajoute que ses collègues déjà débordés n'auront que peu de temps à consacrer aux internes pour superviser leur travail. MG France préconise que les généralistes soient secondés par des assistants médicaux et des infirmières de pratiques avancées. Une expérimentation est déjà en cours. 

Selon l'Assurance Maladie, l'embauche de 2000 assistants et infirmières permettrait aux actuels médecins d'accepter 500 000 nouveaux patients. Reste à savoir qui paierait ces nouveaux salariés et surtout ... S'ils accepteraient eux-mêmes d'aller vivre à la campagne.

Inciter ou obliger ?

Des dizaines de milliers de patients se retrouvent de fait sans médecin en Limousin. En Creuse, il manque par exemple des généralistes à Marsac, Fursac et Grandbourg. Pour Franck Chatignoux, maire du Grandbourg, "Ça ne fait jamais plaisir, mais quand le besoin est là et que la profession n'arrive pas à régler le problème, il faut que le législateur s'en mêle. Je pense qu'à un moment donné, il va falloir obliger les médecins à s'installer dans les zones blanches pendant au moins quelques années".

A la Souterraine (23), la maison médicale est paradoxalement devenue trop petite. On y trouve plusieurs généralistes et depuis peu, un cardiologue et un neurologue. Etienne Lejeune, maire de la ville, explique : "les médecins installés dans notre maison médicale travaillent depuis 10 ans à inciter leurs jeunes collègues à venir s'installer en Creuse. Ils ont fini par apprécier notre territoire. Mais Il est vrai que la proximité de l'autoroute et de la ligne Limoges-Paris nous aide beaucoup".

Problème profond

Ces derniers mois, le docteur Pierre Michel Perinaud passe une partie de son temps libre à chercher celui qui voudra bien reprendre son cabinet. Car en juillet 2023, il partira à la retraite.

Il travaille avec le docteur Estelle Langlois qui, pour des raisons personnelles, va quitter la région. Si bien que dans moins d'un an, des milliers de patients vont devoir trouver un nouveau médecin dans le quartier des Coutures à Limoges.

Les deux généralistes travaillent chacun 40 heures par semaine et se partagent les malades. Ils peuvent ainsi se concerter sur les cas problématiques, et surtout conserver une vie personnelle. 

Bien qu'ils exercent tout près du centre-ville de la préfecture de la Haute-Vienne, ils n'arrivent pas à trouver de successeurs dans un quartier classé comme prioritaire.

La médecine est un service public et pas simplement une activité lucrative libérale. Je ne serais pas hostile à ce que les étudiants aient quelques années à faire là où on estime qu'il y a un déficit"

Pierre-Michel Perinaud, médecin généraliste à Limoges

Le docteur Perinaud a participé à un forum où il n'a rencontré que peu d'étudiants à la faculté de médecine. Il a passé des petites annonces sur les réseaux sociaux et a même contacté l'ARS, sans aucun résultat : "les étudiants ont le nez dans le guidon jusqu'à la fin de leurs études. Leur formation n'est pas assez orientée vers la médecine générale. Ils n'en comprennent plus l'intérêt".

Ce lundi, l'un des jeunes croisés devant la faculté de médecine nous a affirmé : "quand on réussi notre concours, on veut aller dans une grande ville où il y a de la recherche. On veut quelque chose de prestigieux. Aller là où il n'y a pas grand-chose n'est pas très attrayant quand on veut devenir médecin".

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