Jean-Paul Denanot : "pourquoi j'ai voté pour la directive sur le secret des affaires"

La directive sur la protection du secret des affaires a été adoptée à une large majorité jeudi 14 avril, au Parlement Européen. Le député européen socialiste Jean-Paul Denanot nous explique pourquoi il a voté en faveur de cette directive controversée. 

Visant à lutter contre l’espionnage industriel, Réclamée par certaines multinationales et des PME, la directive sur le secret des affaires doit permettre aux entreprises d'obtenir réparation en justice en cas de vol ou d'utilisation abusive de leurs secrets commerciaux.

Le texte a fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines

Selon ses détracteurs ce texte permet aussi aux entreprises de pouvoir attaquer les journalistes et les lanceurs d’alerte qui révéleraient des informations que ces dernières auraient aimé garder secrètes.
Deux semaines après l’affaire des Panama Papers, et son lot de révélations mondiales sur les sociétés « offshore », beaucoup ont donc dénoncé une directive qui menace, selon eux, la liberté de l’information, droit garanti par la convention européenne des droits de l’homme.
Une pétition a été lancée par Elise Lucet et signée par de nombreux journalistes comme Edwy Plenel (Médiapart) Christophe Deloire (Reporter sans frontières) ou encore Patrick Cohen (France inter).
Nicole Ferroni, comédienne, humoriste, chroniqueuse sur France Inter, a elle-aussi présenté les dangers de cette directive dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux.


Sur les 652 eurodéputés présents jeudi 14 avril, 503 ont voté en faveur de la Directive sur le secret des affaires.
Parmi eux, Jean-Paul Denanot, ancien président de la région Limousin.
Il nous a livré son point de vue et les raisons de son vote :


Vous êtes l’un des 503 députés européens à avoir voté en faveur de la Directive sur le secret des affaires, pourquoi ?

"Parce que j’ai considéré, avec les 502 autres, que ce texte constituait une avancée considérable, sur la protection des entreprises et de leurs savoir-faire, notamment des PME tout en protégeant les journalistes. Dans le cas présent, il ne faut pas raisonner seulement à l’échelle de la France mais aussi en tenant compte de l’ensemble des Etats membre. Dans beaucoup de pays de l’Union, c’est un premier pas important en faveur de la liberté de la presse et de la protection des sources.  Pour mémoire, la directive ne concernait au départ ni les journalistes ni les lanceurs d’alerte. C’est l’action déterminante du groupe des socialistes et démocrates qui a permis de préciser ces éléments. Cependant, il est aujourd’hui nécessaire de compléter cette directive par un autre texte afin de protéger de façon très officielle et définitive les lanceurs d’alerte. Cette demande a été formellement exprimée par le groupe S&D à la Commission européenne." 


Cette directive pourrait-elle profiter aux entreprises Limousines ? Lesquelles ? Dans quelles mesures ?

"Cette directive qui devra être transposée dans le droit français peut effectivement protéger les savoir-faire limousins. Je pense aux secrets de production de la céramique. Je pense aussi à certaines entreprises de l’agro-alimentaire comme Madrange. L’espionnage industriel et commercial est une vraie réalité dans une économie globalisée. A l’époque où j’étais président de région, j’ai été alerté sur des tractations menées par des Américains pour des transactions de bovins aux Russes, une  piste de débouché que nous étions nous mêmes en train d’explorer. Dans ce contexte de guerre commerciale et d’espionnage industriel, l’intelligence économique consiste aussi à protéger ses marchés."


En plus de protéger le secret industriel, les journalistes et leurs sources pourraient être attaqués par les entreprises s’ils révèlent ce que ces mêmes entreprises veulent garder secret...

"La directive ne pourra jamais servir de base juridique pour attaquer des journalistes car la liberté des médias est affirmée comme un droit. Je vous renvoie au texte et à son article premier qui dispose que « la présente directive n’affecte pas l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la charte des droits fondamentaux de l’UE, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias."


N’est-ce pas une manière de dissuader les lanceurs d’alerte ? Eux, qui ont démontré l’importance de leur travail ces derniers jours, notamment grâce aux Panama Papers ?

"C’est vrai que cette directive tombe au mauvais moment. Pour autant fallait-il retarder son adoption comme demandé par les Verts ? Nous avons considéré, pour les raisons évoquées précédemment, qu’il ne fallait pas reculer. Il y a actuellement une inflation de rumeur et de fausses informations entretenues pour des raisons politiciennes. Beaucoup d’organisations représentant les journalistes saluent le résultat de notre travail, c’est un signal important."


Grâce à cette directive, des révélations compromettantes contre des entreprises, des groupes ou même des personnes pourraient-elles être balayées et les lanceurs d’alerte inquiétés sur le plan pénal ? 

"Encore une fois, la directive ne concerne pas à l’origine les journalistes et les lanceurs d’alerte. Sur ce plan, le texte sort renforcé du Parlement européen. Il permet de clarifier l’incertitude juridique actuelle et d’apporter des garanties aux salariés, aux journalistes et aux lanceurs d’alerte."


Cette directive, selon vous, ne serait-elle pas une entrave à la liberté de la presse ?

"Je ne le pense pas. Il semble d’ailleurs qu’actuellement un certain nombre d’affaires sortent qui tendraient à montrer un certain progrès en matière de transparence et de lutte contre la corruption. L’affaire HSBC, le scandale Luxleaks, celui des Panama Papers, les révélations d’Edward Snowden comme le travail d’élucidation massive du Consortium international de journalistes me semblent aller dans le bon sens même si - je ne suis pas naïf - la tâche reste immense."



 

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