La Rochelle : au théâtre "L'Horizon", Denis Lavant est Mister Tambourine Man

C'est avec le clown jongleur Nikolaus Holz que le comédien interprète ce spectacle qui mêle poésie et performances circassiennes. Une pièce qui trouve un écho particulier en ces temps de confinement.

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Dans ce bistrot de village abandonné, tout est de guinguois. Le piano vermoulu est aussi stable que désaccordé et les vieilles chaises autour des tables en formica n'inspirent qu'une confiance mesurée. C'est peut-être la soif qui a attiré là Mister Tambourine Man, mais avec son feutre très mou et son costume râpé, c'est, clame-t-il d'emblée, de "l'humain" qu'il est venu chercher. Malheureusement, la seule chose qui s'apparente de près ou de loin à cette requête est le serveur de l'estaminet, un "déséquilibriste" très peu loquace qui se méfie des gens qui font du bruit avec leur bouche.

"Ce qui est intéressant dans ce théâtre forain, c'est la prise à partie du public"

Denis Lavant, petit et aboyeur, et Nikolaus Holz, grand et timide, vont devoir s'apprivoiser pour maintenir, tant que faire se peut, ce monde en équilibre. Voilà pour le décor. A La Rochelle, les deux artistes ont peaufiné pendant dix jours le spectacle au théâtre "L'Horizon" de La Pallice. Une sortie de résidence était proposée aux professionnels du milieu culturel. 

Notre première rencontre de travail m’a plongé dans une grande perplexité. Le principal enjeu de ce spectacle, c’est de trouver la connexion entre deux langages et deux styles ; celui du clown, de l’acrobate, du jongleur, de l’équilibriste et le style du comédien, du rôle, du personnage et cela, sans nier aucune des deux parties. C’est passionnant. Il y a plusieurs colonnes vertébrales dans ce spectacle. Il y a effectivement le texte mais qu’on a sculpté, qu’on a essayé de tresser autour de tout le parcours de jonglage, d’équilibre et de musique pour pouvoir trouver sa raison au texte. C’est un plan séquence qui ne s’arrête jamais avec l’énergie burlesque qui est frénétique mais aussi avec des moments de suspens et d’immobilité, de lyrisme et de poésie. C’est étonnant pour les gens. Ce qui est intéressant dans ce théâtre forain, c’est la prise à partie du public. On les prend, on les manipule.

Denis Lavant, comédien

"L'objectif, c'était de mélanger des codes très différents"

Le texte, signé par le très prolixe Eugène Durif, est une lointaine inspiration du "joueur de flûte de Hamelin", le conte des frères Grimm. Dans cette légende allemande, on s'en souvient, le musicien débarassait un village des hordes de rats qui l'infestait mais, devant l'ingratitude de ses habitants, il revenait pour ensorceler et murer leurs enfants dans une grotte. Durif a imaginé qu'il n'y avait que deux rescapés de ce drame, un musicien aboyeur et un clown muet.

A partir de là, c'est Karelle Prugnaud, metteuse en scène et co-fondatrice de la compagnie "L'envers du décor", qui, en collaboration avec Nikolaus Holz, a orchestré cette improbable rencontre. "Il y en a un qui a tout oublié et l’autre qui ne fait que répéter ce traumatisme" explique-t-elle, "il y a un message universel. Ces deux personnages, qui sont au départ complètement opposés, vont finalement être interchangeables, l’un va devenir l’autre. On est rempli d’a priori sur « l’autre » et finalement l’ « autre », c’est parfois celui que l’on veut devenir". Alors forcément, cette communication impossible autour d'un comptoir à un moment où tous les bars sont fermés en France, ça remue aussi quelques sentiments profonds pour le spectateur, ce besoin d'"humain". 

L’objectif, c’était de mélanger des codes très différents : du clown, du grotesque, du burlesque, de l’absurde, des espaces très poétiques, des frontières qui frôlent la performance voire l’installation d’art contemporain et, en même temps, quelque chose de très forain avec la harangue au public, quelque chose du bonimenteur avant de parfois rejoindre le tragique et l’espace intime de l’acteur. Du coup, ce n’est pas évident et pour l’acteur, le théâtre et pour le spectateur de devoir freiner parfois les envolées clownesques pour revenir à un focus très intime de la parole.

Karelle Prugnaud, metteuse en scène

"Je ne suis pas acteur"

Sur scène, Nikolaus Holz, le serveur jongleur, écoute mais pas que. C'est avec toute son expérience des arts du cirque qu'il a inventé cet attirail de meubles et d'objets retors, cette ingénierie du ratage qui impose au comédien une chorégraphie faussement improvisée. Ce n'est pas du cirque, non. Ce n'est pas du théâtre non plus. "Mister Tambourine Man", c'est une fable humaniste qui peut tout aussi bien se raconter dans un théâtre intimiste, une grande scène nationale ou sur une place de village. "Comme il n’y a plus de bars d’ouverts, on va emmener le bar partout", rigole-t-il.

C’est facile d’être à côté d’un grand acteur parce qu’on pense qu’on ne peut rien rater mais, en même temps, il y a la panique de ne pas être au rendez-vous. Jusqu’à présent, je m’étais créé mon univers où je n’étais au service de personne. Mais là, je suis au service de Karelle et Denis, avec le bazar que j’ai apporté. Il y a, avec les clowns, une tradition de hiérarchie, le chef et les sous-chefs. Et là, j’ai le plaisir d’être sous-chef pour exister devant le public. Je ne suis pas acteur, je n’ai pas l’érudition de Denis, je n’ai rien à prouver mais j’ai la confiance et la certitude qu’il y aura un spectacle à la fin.

Nikolaus Holz, clown et collaborateur artistique du spectacle

Les premières séances de travail de la pièce s'étaient tenues en janvier dernier à Dôle, dans le Jura. Après La Rochelle, la compagnie a repris la route vers Boulazac, près de Perigueux, pour une nouvelle résidence de création. Dans le monde d'après, peut-être un jour, aurez-vous le plaisir de trinquer, en vrai, dans une salle de spectacle, avec Mister Tambourine Man.

 

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