Dans les Landes, le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a plusieurs fois condamné EDF pour "faute inexcusable" mais les "anciens d'Arjuzanx" avaient échoué à faire reconnaître le préjudice d'anxiété. Un arrêt de la Cour de cassation pourrait leur permettre d'y prétendre.
Dés 2015, ils avaient obtenu gain en cause : 95 salariés de la centrale d'Arjuzanx dans les Landes avaient réussi à faire condamner EDF pour "préjudice d'anxiété". Mais trois ans plus tard, en 2018, la cour d'appel de Pau revenait sur la décision du conseil des Prud'hommes de Mont-de-Marsan. A l'époque, EDF ne figurait pas sur la fameuse liste des entreprises ouvrant droit à la "préretraite amiante" : à savoir les travailleurs de la transformation de l'amiante ou de la construction et de la réparation navale.Nouveau rebondissement hier, vendredi 5 avril, la Cour de cassation a ouvert la voie à l'indemnisation du préjudice d'anxiété pour tous les travailleurs exposés à l'amiante, sous certaines conditions. Un arrêt salué par les anciens d'Arjuzanx, dont Jean-Claude Dumartin,
ex contre-maitre centrale Arjuzanx de 1959 à 1991.
Francis Mesplède, lui a été salarié à la centrale d'Arjuzanx de 1969 à 1987 :Nous avons tous été exposés à l'amiante. Faire des différences entre salariés nous semblait être une anomalie. Tous les anciens d'Arjuzanx se sentaient concernés et mis de côté.
Pendant des années, dix, quinze, vingt ans, vous avez travaillé avec de nombreux collègues qui, du jour au lendemain, d'une semaine à l'autre tombent malades voire décèdent. Comment voulez-vous aujourd'hui ignorer que cette situation vous perturbe.
Leur combat dure depuis près de 25 ans.
23 anciens agents de la centrale thermique avaient porté plainte devant le TASS, le tribunal des affaires de sécurité sociale. EDF avait alors été condamné pour "faute inexcusable" de l'employeur. Une première. Le TASS avait estimé que l'entreprise ne pouvait ignorer la dangerosité de l'amiante mais n'avait pas pris les mesures d'information et de protection nécessaires.
Nous avions suivi le procés à l'époque :De la construction en 1958 de la centrale à Morcenx jusqu'à sa démolition en 1992, un peu plus de 1300 salariés ont été exposés à l'amiante, dont les poussières encombrent les voies respiratoires et provoquent des cancers, des asbestoses ou les plaques pleurales, selon l'INSERM. La fibre naturelle, a été officiellement considérée comme nocive à partir de 1945 et définitivement interdite depuis 1997.
Revoyez notre reportage tourné le 27 mars 1987 au moment de la décision d'arrêter la centrale thermique d'Arjuzanx
Or, à Morcenx, l'amiante était présente dans la centrale et dans la mine à ciel ouvert de lignine, utilisée comme combustible. 1000 tonnes de cette fibre dangereuse ont été retrouvées lors du démantèlement en 92.
EDF sera condamnée à de très nombreuses reprises pour faute inexcusable par la suite. 127 victimes ont été reconnues dont 40 sont décédées.
Depuis hier, vendredi, l'arrêt de la cour de cassation relance le combat des anciens d'Arjuzanx. Sur les 95 déboutés par la cour d'appel de Pau en 2018, 88 seraient prêts à se pourvoir en cassation pour faire reconnaitre leur "préjudice d'anxiété", qui depuis en 2010, permet l'indemnisation de personnes qui ne sont pas malades, mais qui s'inquiètent de pouvoir le devenir à tout moment.