Installé dans les Landes depuis la fin de la guerre d’Algérie, le centre d’essais de missiles de la DGA (Direction Générale de l’Armement) souffle ses 60 bougies.
“On visait à faire des tirs de missiles sur des milliers de kilomètres, l’Atlantique s’offrait à nous, et les industriels qui développaient ces missiles se trouvaient déjà en région bordelaise.” Résumé par l’ingénieure générale de l’armement et directrice du site Corinne Lopez, l’emplacement du centre d’essais de missiles est tout sauf un hasard.
Suite aux accords d’Evian entérinant le retrait de l’armée française d’Algérie en 1962, l’Etat cherche un nouvel emplacement pour tester ses missiles dans un but de dissuasion nucléaire au coeur de la guerre froide. Rapidement, c’est sur cette zone de 15 000 hectares entre Biscarrosse et Mimizan, peu peuplée à l’époque, que l’armée jette son dévolu malgré l’opposition d’une partie de la population. “Il y avait des inquiétudes en termes de sécurité, mais aussi en termes de développement économique puisque le territoire était en train de se développer sur le plan touristique, rappelle Corinne Lopez. Il y a eu beaucoup d’échanges avec les administrations locales et les habitants pour faire admettre cette création.”
Un site unique en France
Aujourd’hui, il est un élément essentiel de la force de dissuasion française. En dehors des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, seuls deux autres sites, à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) et sur l’île du Levant (Var), réalisent ce genre d’opérations. Dans les Landes, au moins un missile est tiré chaque semaine, principalement sur des cibles mouvantes conçues pour représenter des menaces spécifiques. “Notre cible actuelle de gamme BQM est capable de voler jusqu’à Mach 0,93 et faire des manœuvres jusqu’à 7G représentatives d’un avion de chasse, explique l’un des personnels du centre. Dans une certaine configuration, on peut aussi la faire représenter un missile anti-navire, en volant à 5 mètres au-dessus de l’eau pour simuler une attaque sur une frégate de la Marine Nationale. C’est notre savoir-faire.”
Une fois lancés, les missiles, capables de s’auto-détruire mais aussi d’être neutralisés depuis le sol, sont suivis en temps réel grâce à des dizaines de postes d’observation optiques et de radars installés sur la dune. “Ce sont des radars de trajectographie, qui nous permettent pendant l’essai de faire un suivi très précis des objets en vol, détaille Patrick, chef du département radar / GPS. Cela peut être des avions, des bombes, des missiles.” Une opération permise par l’analyse préalable de la zone de tir grâce à d’autres radars, similaires à ceux que l’on retrouve dans les ports et aéroports, pour détecter et prévenir les éventuels bateaux ou aéronefs présents.
C’est le seul endroit d’où l’on va tirer un missile stratégique pour réaliser une réelle démonstration de force qui va servir le discours politique.
Eric, directeur technique et chef des essais du centre de la DGA de Biscarrosse
Surtout, la particularité du site landais réside dans la dissuasion nucléaire. Depuis 2010, le centre de la DGA teste le missile balistique M51, capable de transporter 10 ogives à plus de 6 000 kilomètres. “C’est le seul endroit d’où l’on va tirer un missile stratégique pour réaliser une réelle démonstration de force qui va servir le discours politique, affirme Eric, directeur technique et chef des essais du centre de la DGA de Biscarrosse. C’est une démonstration technologique. Si on n’avait pas envie de nous croire, ici on montre que cela marche.”
À l’heure de la montée des tensions avec la Russie, la dissuasion est plus que jamais d'actualité. De quoi renforcer un peu plus l’importance stratégique du centre DGA d’essais de missiles de Biscarrosse, soixante ans après sa création.