Après une instruction de plus de deux ans, se tient enfin le procès de Patrick Vilhem, maire de Pouillon devant le Tribunal judiciaire de Dax. Face à lui, cinq des neuf victimes se sont portées parties civiles, et sont soutenues par une centaine de personnes.
La tête haute, sa femme à son bras, Patrick Vilhem arrive au palais de Justice de Dax ce jeudi 7 novembre. Il est accompagné de son fils et de quelques soutiens. Sont déjà présentes les cinq des huit victimes révélées par l'enquête.
La tension est palpable dans la salle d'audience, à l'image de celle qui règne dans la commune depuis qu'a éclaté cette affaire. Deux camps se font face.
Une salle d'audience coupée en deux
Mais ce 7 novembre, le maire, décrit par l'avocat des parties civiles comme "tout-puissant", l'est beaucoup moins. Malgré ses quelques soutiens, il est aujourd'hui isolé sur le banc des accusés. Il doit faire face à un vrai groupe composé d'agents municipaux et d'administrés de Pouillon, venus accompagner les parties civiles.
"Je suis complètement atterré"
Entendu à la barre dans matinée, le fils de Patrick Vilhem, Steve Vilhem, pédopsychiatre, dit tomber des nues quant aux accusations portées contre son père. "Je suis complètement atterré par les faits qui lui sont reprochés", s'étonne-t-il.
Mon père est quelqu'un de généreux. À chaque fois que je suis allé le voir à la mairie, il avait des rapports très cordiaux avec les employés.
Steve VilhemFils de Patrick Vilhem
Cinq témoins se succèdent ainsi pour défendre l'édile. Ils sont agriculteurs, adjoints à la mairie ou consultants et n'ont pas à lui reprocher son attitude.
"J'ai commis une erreur"
Tout démarre le 14 septembre 2021, à la suite d'une plainte pour agression sexuelle, déposée par une administrée qui recherche un local commercial. Le maire, la rencontre a trois reprises pour des rendez-vous professionnels. Le 10 septembre, elle raconte qu'il lui aurait mis les mains sur les fesses après avoir l'avoir embrassée sur la bouche. Cette première victime, citée dans l'enquête n'est pas présente à l'audience.
Ce sont donc les autres victimes de harcèlement sexuel et moral qui sont entendues à la barre. Cinq femmes qui se sont constituées partie civile. La présidente du tribunal cite en tout neuf victimes et dix-sept mises en examen à l'encontre de Patrick Vilhem.
Lors de son passage à la barre, l'accusé revient sur les gestes qu'il a eus à l'encontre de la première victime. "J'ai commis une erreur" dit-il.
Je regrette infiniment ce qui s'est passé, pour ma femme et pour cette femme.
Patrick VilhemAccusé
Mais très vite après ses aveux sous forme de remords, le maire scandalise une partie de l'assemblée quand il commente le fait que sa première victime ait été violée dans le passé. " Mais je pense que cette dame devrait avoir un suivi psychologique" dit-il, tempérant ainsi ses excuses publiques.
Un showman
Décrit par les experts comme ayant une personnalité histrionique, cherchant continuellement à être au centre de l'attention, Patrick Vilhem, s'emporte lors de son examen de personnalité. "Je ne suis absolument pas sexiste, je suis émotif, un peu soupe au lait", s'agace-t-il.
Tandis que les faits qui composent le dossier sont narrés par la Présidente, dont des remarques graveleuses quotidiennes, qu'il avait reconnues en partie lors des auditions, il ne peut s'empêcher de lever les bras, de s'agiter, de se défendre et de couper la magistrate.
Il insiste pour dire qu'il pense n'avoir rien fait de mal, avoir pensé "flirter" avec la première victime et avoir simplement commis "une bêtise", et s'être "pris un râteau", et surtout "faire partie d'une [autre] génération" .
Une bêtise qui lui fait encourir sept ans de prison, lui répond la présidente, sept années pour une agression sexuelle dont elle rappelle la définition : "embrasser une femme par surprise sans son consentement, c'est une agression sexuelle" explique-t-elle. Avant de compléter qu'en tant que maire, la sanction initiale pour agression sexuelle est majorée, car il est considéré comme personne ayant autorité. L'avocat du prévenu, maitre Jean Gonthier commente : "sept ans pour un baiser volé tout de même".
"Cette affaire est tellement grave, tellement lourde"
Parmi les soutiens aux victimes, Geneviève Couraud, présidente d’honneur de l'association des élues contre les violences faites aux femmes créée en 2003, apprécie les évènements dont elle a été alertée et qu'elle estime comme étant majeurs.
"Cette affaire est tellement grave, tellement lourde, dit-elle, elle a tellement touché en nombre de femmes, et aussi en violences exercées, que nous ne pouvions pas y rester indifférentes". Avant de préciser que celle-ci "en rejoint beaucoup d’autres sur le territoire national, malheureusement."
Dans un communiqué de presse, l'association dénonce : "l'affaire de Pouillon est un mille-feuille de situations toxiques, dues aux dérives de l'exercice du pouvoir du maire. Toutes sont inacceptables au regard de la loi, des droits humains, des droits des femmes, du respect des salariées et du Code du travail, de l'honnêteté, de la conduite des affaires publiques". Elle pointe également du doigt l'inaction des autorités qu'elle s'apprête à alerter par le biais de cette lettre ouverte :
Comment est-il possible que cette situation ait perduré aussi longtemps, au vu et au su de tout le monde, et jusqu'aux représentantes de l'État et aux ministres, et ce, malgré les nombreuses alertes ?
Communiqué de presse de l'ECVFECVF- Elu.es contre les violences faites aux femmes
Patrick Vilhem encourt sept ans de prison, 75 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité.