"Un climat de terreur global et quotidien" : proposition de gang bang et mains baladeuses, un maire des Landes devant la justice

Jugé pour harcèlement et agression sexuelle, le procès de Patrick Vilhem, maire de Pouillon dans les Landes se tient le 7 novembre devant le Tribunal de Dax. Une étape décisive pour cette commune de 5 700 habitants qui se déchire depuis plus de trois ans autour de ce conflit.

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Cela fait plus de trois ans que cette affaire hante les rues de Pouillon et surtout les couloirs de la mairie. Patrick Vilhem, le maire de la commune landaise de 5 700 habitants, est mis en cause pour des faits d'agression sexuelle et de harcèlement, notamment sur ses agents municipaux. Il conserve son poste pour autant. 

"Climat de terreur"

 Les faits instruits s'étendent d'octobre 2015 à octobre 2021. Tout commence par le dépôt de plainte d'une administrée pour des faits d'agression sexuelle datant de septembre 2021. Alors qu'elle est venue pour un rendez-vous en mairie, "le maire la coince derrière la machine à café", raconte Frédéric Lonné, avocat de cinq parties civiles qui évoque un "climat de terreur global et quotidien". 

Cette plainte donne lieu à une enquête de l'environnement de l'accusé, qui va finir de soulever la poussière sous le tapis de la mairie.  "Et là, surprise, tout cet environnement se lâche", poursuit  Maître Lonné. Les agents municipaux qui se tenaient jusqu'à présent dans une réserve liée à leurs fonctions et confrontés à la difficulté de parler de faits de harcèlement, narrent aux enquêteurs des sévices quotidiens.

Mains baladeuses et proposition de "gang bang" 

Au printemps dernier, avant que ne soit signifié le renvoi du procès au 7 novembre, la juge a eu l'occasion de lire quelques comportements délictueux consignés dans la procédure, telles que les mains baladeuses du maire se posant sur "les seins et les fesses" d'une victime et beaucoup de propos à connotations sexuelles, dont une proposition de "gang bang". 

Maître Lonné évoque quant à lui "des invitations à se retrouver au casino de Salies-de-Bearn", ou encore le fait qu'il "impose de faire la bise". Parmi ses clientes, l'une est appelée "ma cochonnette", une autre "mon petit bonbon rose". 
"Pour lui, c'est du Audiard, c'est bien mal connaître Audiard" reprend l'avocat qui insiste sur le fait que l'édile se défende en évoquant un paternalisme maladroit et grivois sans conséquence. 

Mais cette enquête portant essentiellement sur du harcèlement sexuel soulève également un climat délétère bien plus général au sein de la mairie.

 

"Une chape de plomb posée par une forme de terreur"

L'avocat des parties civiles évoque "une chape de plomb posée par une forme de terreur". C'est ce climat qui a amené les victimes à ne s'exprimer qu'à partir de septembre 2021, tandis que selon Me Lonné, "ça aurait pu remonter à depuis qu'il est en poste".  Par ailleurs,16 victimes ont clairement été identifiées lors de l'enquête préliminaire et conduisant aux chefs d'accusation de Patrick Vilhem. Pour autant,  cependant, seuls neufs d'entre elles se sont constituées parties civiles, et il ne pourrait y en avoir que cinq sur le banc des parties civiles ce 7 novembre. "Ils ne veulent pas faire partie des gens qui se plaignent" estime l'avocat. 

On a affaire à des gens terrorisés.

Frédéric Lanné

Avocat de la partie civile

Parmi celles qui n'ont pas souhaité aller plus loin, une adjointe, qui avait néanmoins témoigné auprès des enquêteurs en indiquant que Patrick Vilhem est "intelligent, mais quelque peu misogyne". Elle avait par ailleurs insisté sur le fait qu'il fasse régulièrement des réflexions sur sa poitrine généreuse, bien qu’elle lui ait demandé d'arrêter. 

Au paroxysme de cette affaire, une agente, figurant parmi les cinq victimes défendues par Maitre Lonné, a été révoquée il y a 15 jours, lors du dernier Conseil Municipal, après avoir demandé sa mutation. Cette révocation fait suite à une procédure disciplinaire entamée peu de temps après sa demande, "un harcèlement supplémentaire" pour son conseil, qui parle même de "règlement de compte".

La dénonciation collective de l'hiver 2022

Selon maître Frédéric Lonné, les enquêteurs se sont concentrés sur des faits de harcèlement sexuel. Pour autant, entre autres "abus d'autorité", il souligne de propos dégradants, humiliants, "qui concernent tous les agents" .

 En décembre 2022, la quasi-totalité des agents municipaux de la commune décide de mener une fronde contre ce qu'ils considèrent comme un comportement de harcèlement quotidien. Ils rédigent ainsi une lettre ouverte alertant sur leur "épuisement professionnel avec des risques importants de burn out, voir de suicide", et dénoncent "l'autoritarisme" du maire. Sur les 48  employés,  41 la signent avant d'invoquer leur droit de retrait et de ne revenir travailler qu'un mois après.  

Cette action collective d'un mois, au nom du droit de retrait, a toujours été considérée comme une grève par la mairie et de fait cette période n'a pas été rémunérée. C'est pourquoi les salariés ont intenté des procédures devant le Tribunal Administratif afin de faire valoir cette mise en danger qui conduit au droit de retrait. 

Deux camps à Pouillon : "c'est un tout petit microcosme"

Cette action coup de poing des agents municipaux et le fait qu'ils n'assurent pas leur tâche, dont la garderie et la cantine municipale, a sensibilisé de nombreux administrés. C'est comme cela que s'est montée l'Association de soutien aux agents pouillonnais, dont l'action se poursuit sur les réseaux sociaux. 

Régis Rameaux, président du groupe de soutien, a monté ce comité en tant que représentant des parents d'élèves. "Je ne trouve pas normal qu'on ne continue pas à soutenir les agents" insiste-t-il. "C'est très politisé Pouillon, les élus se sont protégés", constate-t-il avec amertume, avant de tout de même observer que "cinq d'entre eux ont démissionné". Insuffisant néanmoins pour former un nouveau conseil et inverser la vapeur. 

Il décrit, encore à l'heure actuelle, une ambiance de ville du Far West dans les rues de Pouillon, le côté glamour de Hollywood en moins. Les deux camps campent sur leur position. "On sent qu'il y a des personnes qui confondent tout, raconte-t-il, c'est un tout petit microcosme".  

On entend dire quel faux cul, il m'a dit bonjour. Ce sont aussi des amitiés d'enfance détruites.

Régis Rameaux,

Président de l'Association de soutien aux agents pouillonnais

Un climat d'autant plus délétère, que le maire, placé sous contrôle judiciaire, n'a plus le droit d'exercer ses fonctions en mairie, mais continue à travailler depuis la salle des mariages, qui est attenante à la mairie." Sa voiture, il la gare sur le même parking que sur celui des personnes qu'il est amené à ne pas croiser, constate Maitre Frédéric Lonné,  c'est jouer avec le feu et la pression". 

La question du procès : l'inéligibilité

Patrick Vilhem, placé sous contrôle judiciaire, encourt jusqu'à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité.

Cette dernière est la grande inconnue du procès pour l'avocat des parties civiles.  "À supposer qu'il soit condamné et que de l'inéligibilité soit prononcée", poursuit l'avocat, la question est de savoir si elle est exécutoire d'office. Car il précise, "s'il y a un appel sans exécution provisoire, le maire va revenir dans les murs".

Je redoute que le cirque sur Pouillon ne dure un peu plus longtemps.

Me Frédéric Lonné

Avocat des parties civiles

Pour Régis Rameaux et le comité de soutien, qui sera présent toute la journée de l'audience auprès des victimes, "ça fera déjà du bien aux victimes" qui selon lui se sentent coupables "d'avoir parlé et d'avoir vu des gens parler." C'est aussi, pour lui, un premier pas dans la reconnaissance judiciaire du harcèlement, qui pourrait aider tous les agents devant le Tribunal Administratif.

Avant de conclure : "c'est un long travail. C'est une goutte, mais c'est ce qui leur permettra peut-être de lever la tête et de se promener à Pouillon."

Contacté, Patrick Vilhem, Maire de Pouillon, ne souhaite pas s'exprimer, "comme il ne l'a pas souhaité pendant trois ans", avant que la justice ne fasse son travail. 

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