Ce jeudi 9 janvier, journée de grève nationale, une dizaine d'avocats du barreau d'Agen sont venus donner leur sang. Une façon symbolique de représenter la menace d'une réforme qui va les "saigner". Depuis lundi, ils sont en grève pour faire entendre leur voix.
"On nous saigne, alors autant que ça serve à quelque chose !" déclare ironiquement Laurent Bruneau, avocat à Agen et membre du syndicat des Avocats de France. Avec une dizaine d'autres collègues, il a poussé la porte du Stadium pour venir donner son sang.Tous en tenue d'avocats, ils vont passer un par un sur les lits provisoires mis à disposition des donneurs, serrer la petite boule rouge dans leur main et remplir des poches de sang. Une action originale et symbolique, alors que les avocats du barreau d'Agen ont entamé une grève continue depuis lundi.
Du simple au double
Les grévistes redoutent leur intégration au régime général des retraites prévue par la réforme proposée par le gouvernement d'Emmanuel Macron (voir encadré), comme l'explique Laurent Bruneau :D'autant que les effets de cette hémorragie pourraient se répercuter sur les justiciables : cette hausse des cotisations pourrait décourager les avocats de les défendre au titre de l'aide juridictionnelle.Avec cette intégration, nos cotisations retraite vont doubler : de 14 à 28% ! Alors qu'un tiers des avocats ne gagnent même pas le SMIC...
Mission d'intérêt public
Pour rappel, cette aide est une indemnité fixe versée par l'État pour que les justiciables puissent être défendus. Mais celle-ci ne prend pas en compte la difficulté du cas ou les heures passées par l'avocat à travailler sur le dossier. Et si ses cotisations augmentent, celui-ci pourrait se tourner vers des clients qui n'ont pas besoin de cette aide. Une idée impensable pour Sarah Vasseur, avocate depuis trois ans :C'est notre mission, d'aider les gens. On ne le fait pas en fonction des richesses de nos clients. Mais parfois, l'aide juridictionnelle ne couvre même pas 50% des frais engagés...
"SAV de la justice"
Pour elle, à cause de ces cotisations, il sera plus difficile de s'associer ou de s'installer en cabinet individuel. Elle a donc décidé de venir donner son sang, malgré l'appréhension : "C'est la deuxième fois que je viens donner. La première fois, j'avais fait un malaise et n'avais plus osé recommencer. Mais là c'est tellement important..."
Sarah Vasseur est d'ailleurs une habituée des actions coup de poing des avocats d'Agen : en 2018, elle avait participé au tournage d'un "SAV de la justice" pour dénoncer avec humour la réforme de la garde des Sceaux Nicole Belloubet :
Et la jeune femme ne nous cache pas qu'une prochaine vidéo parodique verra le jour très prochainement, et prendra pour cible... la réforme des retraites. Quant aux avocats d'Agen, ils se réuniront vendredi 11 janvier pour voter la poursuite ou non de la grève.
De la caisse de retraite des avocats au régime général
La caisse de retraite des avocats est un régime autonome mis en place à la fin de la Seconde guerre mondiale et qui fonctionne comme le régime général. Les avocats doivent cotiser 43 ans, ce qui place l'âge moyen de départ à la retraite à 67 ans.Cette caisse est équilibrée, c'est à dire qu'elle ne coûte rien au contribuable. Mieux : elle verse chaque année des millions au régime général et est pérenne. Avec la réforme des retraites, les avocats rejoindront donc le régime général, en voyant leurs cotisations doubler.