Alors qu'elle pensait profiter de sa retraite, Colette Caron, ancienne restauratrice en Lot-et-Garonne, a du reprendre les chemins des fourneaux. Elle avait pourtant vendu son affaire en juillet 2023, mais le repreneur a mis la clef sous la porte et cessé de la rembourser.
Ce dimanche 14 avril, Colette Caron déambule entre les tables de son restaurant. "Je t'ai laissé cette petite table, si jamais si tu as quelque chose à poser", lance-t-elle à sa serveuse, qui s'affaire à installer les couverts. L'heure du service approche, et le restaurant La Table d'Antan, à 15 minutes d'Agen, affiche complet. Colette a même dû refuser des clients. "Il vaut mieux faire plutôt bien, que beaucoup", justifie-t-elle avant de jeter un dernier coup d'œil aux préparatifs.
Une retraite de courte durée
Ces gestes, la restauratrice les connait par cœur : elle les a effectués pendant vingt-deux ans, ici même à Bon-Encontre. En juillet 2023, elle pense pourtant avoir définitivement tourné la page, quand elle vend son affaire. Colette Caron a largement dépassé l'âge de la retraite, et le repreneur est un chef renommé. Les deux parties s'entendent sur un prêt vendeur de 140 000 euros, Colette espère alors profiter d'un repos amplement mérité.
Le répit ne sera que de courte durée. Quelques mois plus tard, le nouveau propriétaire met la clé sous la porte et cesse de rembourser le crédit. "Je n'aurais jamais pensé une seule seconde que ça pouvait finir comme ça, reconnaît la dynamique septuagénaire. Il arrive parfois que certains veulent acheter des restaurants, et qu'ils ne se rendent pas compte de ce que ça représente. Mais là, j'avais affaire à un professionnel qui avait plein de projets !".
Lourdement endettée, elle n'a plus le choix. Sa fille, lance une cagnotte pour l'aider à remettre les lieux en état. La jeune retraitée reprend alors le bail et le chemin du travail, avec un objectif : remettre l'affaire à flots avant d'espérer la revendre.
"Il savait qu'il pouvait demander de l'aide"
Ce retour derrière les fourneaux ne faisait pas partie de ses plans. La restauratrice, qui propose des menus élaborés à partir de produits du terroir pour des prix allant de 17 à 35 euros, tenait à vendre son affaire. "J'aurais pu juste un jour fermer les volets et partir. Mais ça aurait été un véritable crève-cœur." La désillusion est d'autant plus amère, que Colette Caron assure s'être montrée toujours disponible auprès du repreneur, auquel elle rendait régulièrement visite. "On a travaillé tout le moins de juin en binôme. Il savait que j'habite à 800 mètres, qu'il pouvait demander de l'aide".
Je trouve que c'est un manque d'humilité. Demander de l'aide, ce n'est pas faire preuve de faiblesse !
Colette CaronRestauratrice à Bon-Encontre (47)
Le soutien des clients
Ce dimanche 14 avril marque le jour de la réouverture du restaurant. Un événement stressant pour la restauratrice, qui tient à se montrer à la hauteur de sa réputation. Même si les différents messages de soutien reçus via les réseaux sociaux sont plutôt de nature à la rassurer. "On propose une cuisine traditionnelle, avec les produits du terroir. Dans le secteur, on n'en a pas, et les clients sont demandeurs, ils étaient assez impatients", sourit-elle.
Tout en échangeant, la cheffe s'empare d'un foie gras et d'un long couteau. Les gestes sont précis, ceux d'une habituée. En dépit du contexte, Colette le reconnaît, elle aime toujours autant son métier. Sa marque de fabrique est résumée en quelques mots : "le client, il attend d'être bien accueilli, d'avoir des produits locaux, de saison et frais"
Ça fait cinquante ans que je fais ça, je ne sais pas faire autre chose.
Colette CaronRestauratrice à Bon-Encontre (47)
Côté clients justement, le verdict ne se fait pas attendre : la satisfaction est là. "On tenait à être là aujourd'hui. Elle a un contact exceptionnel et sa cuisine est très très bonne", salue une habituée. "On a choisi ce lieu pour fêter un anniversaire. Nous tous Bon-Encontrais, suivons l'histoire depuis le début et nous avions à cœur de l'aider et de faire venir du monde", avance un autre client.
Du baume au cœur pour la restauratrice, qui s'est déjà préparée à travailler au moins tout l'été, à raison de 70 heures par semaine. "J'ai toujours de la colère. Mais je me dis que la clientèle va revenir, et que je vais retrouver un repreneur sérieux", espère-t-elle.