Ce dimanche, l’église de Gontaud-de-Nogaret dans le Lot-et-Garonne organisait une messe en la mémoire des agriculteurs qui se sont suicidés. Pour leurs proches, la situation n’a que trop duré.
Le son des cloches est venu briser le silence qui s’est installé ce dimanche 22 octobre à Gontaud-de-Nogaret, en Lot-et-Garonne. Ce dimanche matin, la messe rend hommage aux agriculteurs qui ont mis fin à leur jour.
"J'ai vu mon frère, les pompiers et les ambulances"
Dans la foule, les proches sont présents. Michel Bouchet vient honorer le souvenir de son frère. Ce dernier s’est suicidé en 2008. “Je ne me rappelle que trop bien. Je ramenais ma mère chez mon frère. Quand je suis arrivé, le voisin m’a dit qu’il y avait un problème et j’ai vu mon frère, les pompiers et les ambulances”, se souvient le vieil homme.
Son frère a mis fin à ses jours en raison de difficultés financières. Mais dans le monde de l’agriculture, il est parfois difficile de poser des mots sur ces souffrances. “Je ne sais pas exactement pourquoi il s’est suicidé”, regrette Michel Bouchet.
On ne parlait pas des difficultés financières, on ne parle pas de ces choses-là.
Michel Bouchet, frère d'agriculteurFrance 3 Aquitaine
Comme lui, même des années plus tard, les proches sont encore choqués. “On ne s’y attend pas. On ne voit pas les personnes dépérir et soudain, on est face à des morts violentes, par arme à feu ou pendaison”, confie Pascal Beteille, agriculteur à Gontaud-de-Nogaret qui a, lui aussi, perdu un membre de sa famille.
Pour rompre le silence, la MSA, la sécurité sociale des agriculteurs, a mis en place un numéro d’écoute, Agri’écoute, qui tente d’accompagner les agriculteurs avant qu’ils ne commettent un acte irréparable. “Ce n’est malheureusement pas suffisant parce que les agriculteurs, quand ça ne va pas, ils s’isolent. C'est difficile de parler de ces choses-là”, reconnaît Pascal Beteille.
Difficultés financières
L’argent tabou, c’est en effet la première cause de suicide dans le monde agricole. En France, un agriculteur se donnerait la mort chaque jour. Un chiffre qui a tendance à baisser depuis quelques années, mais qui est "encore trop” gros. “Julien Denormandie s’est également bien penché sur le problème, comme Olivier Damaisin, député du Lot-et-Garonne. Mais aujourd’hui, ce sont les réglementations qu’il faut changer”, martèle Patrick Maurin, engagé dans le combat depuis 15 ans.
Les disparités des normes européennes ne sont pas les seules en ligne de mire. La concurrence, souvent en défaveur des agriculteurs français, limitent aussi leurs ventes. “Il faudrait que l’Europe s’entende pour que toutes les productions soient vendues au même prix sur son territoire”, explique Patrick Maurin.
“Vivre de leur métier et non des aides”, c’est aussi ce que demande Michel Bouchet. Pour perpétuer la mémoire de son frère, le vieil homme a allumé une bougie. Une vingtaine brillent désormais dans l’église de Gontaud-de-Nogaret.