Un homme de 90 ans est décédé samedi soir à Pujols en Lot-et-Garonne après avoir fait un malaise respiratoire. Son fils avait appelé le Samu qui devait envoyer des secours. Deux heures plus tard, le nonagénaire ne respirait plus et les pompiers n'étaient pas arrivés. Ils n'avaient pas été prévenus.
Je ne dis pas qu'on aurait pu le sauver, l'issue aurait peut-être été la même mais je ne veux plus qu'un tel dysfonctionnement puisse arriver
Paul, 47 ans, est accablé de chagrin comme l'ont relaté lundi nos confrères du Petit Bleu d'Agen. Il y a trois jours, il a perdu son père alors que rien n'aurait pu lui laisser penser qu'il était en fin de vie.
"Mon père vit chez moi depuis le décès de ma mère en 2017. Samedi soir, je suis rentré du travail vers 20h15, il avait mangé, il était dans sa chambre assis sur son lit. On a parlé tiercé, il avait joué et gagné. Tout allait bien".
Paul rejoint alors ses trois fils et sa femme pour dîner puis retourne voir son père comme il le fait régulièrement pour vérifier que tout va bien. "Je me suis aperçu qu'il avait une gêne respiratoire, il m'a dit "j'ai un peu la tête qui tourne", il avait comme des glaires, il avait du mal à respirer".
Le quadragénaire décide alors d'appeler le 15. Le médecin régulateur du Samu demande quels médicaments il prend d'habitude et conseille d'administrer deux cachets de son traitement.
Puis "il m'a dit "je vous envoie les secours". "Je lui ai demandé quels secours il envoyait, si c'étaient des ambulanciers, il m'a répondu "les pompiers. Restez à côté de lui, ils arrivent" affirme Paul.
Les secours ne sont jamais arrivés
"Je suis resté près de lui, lui ai donné les médicaments et de l'eau car il avait soif, mais il y avait toujours cette gêne" poursuit Paul. Au bout d'une heure, l'état de santé de son père se dégrade, il est pris de vomissements, a de plus en plus de mal à respirer. "Sa langue partait sur le côté, il avait la bouche ouverte, du liquide coulait et, à un moment, il ne respirait plus".
"J'ai essayé de le réanimer puis mon épouse m'a dit "il est parti". La porte de la chambre était ouverte, mon fils de 5 ans a tout vu, il a été très choqué, les deux grands aussi, j'étais complètement déboussolé".
Il est environ 22 heures, le couple décide de contacter les infirmières qui suivent l'aïeul de 90 ans.
"Elles sont venues, elles ont constaté le décès et ont demandé où étaient les secours. Je ne savais pas. L'une d'entre elle a appelé le médecin régulateur, il lui a dit qu'il était désolé, qu'il avait oublié de lancer l'alerte. Il n'avait pas appelé les pompiers".
"J'ai mis un peu de temps à réagir et j'ai rappelé le 15. Le médecin m'a dit "j'ai pas de mots Monsieur, je suis désolé"".
Plainte pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger
"Il avait certes 90 ans mais c'est une vie qui part. Il avait quelques pathologies comme la plupart des personnes de son âge mais il était en pleine forme. Je veux comprendre comment une telle erreur a pu être faite".
Paul est allé déposer une plainte lundi au commissariat de Villeneuve-sur-Lot contre le médecin régulateur et doit rencontrer l'avocate qui l'accompagnera dans cette épreuve, Me Rigal, ce jeudi.
Suite à la plainte, le parquet d'Agen a ordonné qu'une autopsie soit réalisée afin de déterminer les causes exactes du décès. Les investigations devraient également permettre d'écouter les appels reçus samedi soir par le Samu, les conversations étant enregistrées.
"Tous les éléments seront transmis aux enquêteurs" assure Didier Lafage, le directeur de l'hôpital d'Agen auquel le Samu est rattaché. Au sein du service, une enquête interne est en cours, indique t-il.
"Le praticien qui a fait la régulation a voulu déclencher l'intervention d'un véhicule de secours, il était persuadé l'avoir fait, mais ce n'était pas le cas".
Les pompiers n'ont donc pas été appelés ce soir là pour intervenir à Pujols. "On est en train de refaire la chronologie des évènements pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer. On veut aussi revoir les procédures, voir à l'avenir quels dispositifs complémentaires nous devrons mettre en place pour éviter qu'un événement aussi dramatique puisse se reproduire".
"Tout ce qui peut favoriser la compréhension des choses est souhaitable pour tout le monde" affirme Didier Lafage. Ses services ont contacté la famille du défunt. "Nous sommes à leur disposition pour les recevoir s'ils le souhaitent".
"C'est difficile pour moi vous savez" nous avoue Paul, la gorge nouée. "Je veux que l'erreur soit reconnue, je me pose beaucoup de questions sur le fonctionnement du Samu. Je ne pense pas qu'on soit en sécurité. Certes, l'erreur est humaine, mais c'est un professionnel, il ne doit pas oublier de déclencher les secours".
Les funérailles, qui devaient être organisées ce mercredi, sont repoussées à une date ultérieure. Il va falloir attendre la fin de l'autopsie. "Je voulais un enterrement digne, là on va le charcuter, c'est encore une épreuve. Mais j'ai confiance en la justice".
Voir le reportage réalisé auprès de la famille :