"Qu'est-ce qu'on veut faire de nos vieux ?" Les aides à domicile menacées par le projet de loi de finance

La ponction dans les dotations des collectivités territoriales, prévue dans la loi de finances 2025, continue d’inquiéter. En première ligne pour accompagner les aînés, les aides à domicile craignent une baisse de leur salaire et de leur activité.

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Il y a 15 ans, la vie de Marie Bet et de son frère bascule. Leur maman est victime d’un AVC, elle ne peut plus vivre seule. “Au départ, je n’avais plus de vie entre mon travail et les heures à la maison. J’avais baissé les bras, puis il y a eu ces aides qui font un travail extraordinaire”, raconte Marie.

Des restrictions envisagées

Chaque jour, des aides se relaient au domicile de la vieille dame, pour les soins, les repas ou encore la toilette. Catherine Gilardin côtoie cette Agenaise depuis quinze ans. Quatre jours par semaine, elle s’occupe de sa toilette et des repas. “Avant, on jouait aux cartes et aux chevaux”, glisse-t-elle en passant un gant humide sur l'octogénaire.

Catherine Gilardin a choisi ce métier il y a 23 ans, “parce que j’aime m’occuper des personnes âgées ou handicapées”. Pourtant, elle reconnaît que les freins sont nombreux. "Si on baisse encore les salaires, c'est vrai que ça va être encore plus tendu", indique l'aide à domicile.

On est arrivés au bout des solutions. Il faut qu’il y ait une prise de conscience générale au niveau national.

Pierre Boudé,

Directeur de l'Assad à Agen

Désormais, une nouvelle inquiétude trotte dans la tête de cette aide à domicile : la réduction des dotations, prévue dans le projet loi de financement de 2025, actuellement étudié par l’Assemblée nationale.

Parmi les collectivités visées par ces ponctions, les conseils départementaux qui financent à hauteur de 60 % ces services d’aide à domicile, envisagent déjà des restrictions. “Toutes les structures sont déjà en grande difficulté. Ce qui est annoncé aura forcément un grand impact sur le secteur social”, envisage Pierre Boudé, directeur de l’Assad à Agen.

26 euros de l'heure

Si le conseil départemental du Lot-et-Garonne regrette le choix du gouvernement, il refuse cependant de compenser le manque à venir. “Le tarif est répercuté sur l’usager. Le but n’est pas d’assommer les usagers”, indique-t-il dans un communiqué.

En Lot-et-Garonne, le département octroie 23,50 euros par heure aux entreprises d’aides à domicile, auxquels s’ajoute une aide de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.  “Dans d’autres départements, c’est 32 euros. Le nécessaire pour payer décemment nos salariés tout en respectant les lois qui encadrent notre travail, et attirer de nouvelles personnes”, ajoute Pierre Boudé.

Qu'est-ce qu’on veut faire de nos vieux à domicile ? 

Pierre Boudé,

Directeur de l'Assad d'Agen

Dans les structures, l’inquiétude concerne aussi la réduction des exonérations des charges sur les petits salaires, également évoqué dans le projet de loi de finance. “Nous avons énormément de salaires juste au-dessus du SMIC, avec du temps partiel. Si l’exonération est réduite, ça va engendrer encore plus de problèmes financiers”, regrette le directeur de la structure d’aide à domicile.

Licenciements ou augmentations

Sans ces ressources, la structure ose désormais prononcer cette phrase qu’ils redoutaient : “on va être obligé de licencier de salariés”. “Automatiquement, cela engendrera des baisses des interventions auprès des personnes dépendantes, donc service moins bien rendu. ”, confie Pierre Boudé.

En bout de chaine, Catherine Gilardin promet de lutter pour ne pas “que ça se répercute sur la qualité de la prise en charge”. “Ce serait un peu de la maltraitance si on devait faire ce qu’on fait aujourd’hui en un quart d’heure, voire une demi-heure”, s’inquiète l’aide à domicile.

Qu'est-ce qu'on va faire de nos vieux ? Le système social en France est en danger.

Pierre Boudé,

Directeur de l'Assad

Un dilemme inextricable pour les sociétés qui emploient ces aides à domicile : d’un côté, la baisse des financements menacent l’emploi, de l’autre, l’augmentation de la part des malades pourrait créer une forme de ségrégation. “Il va y avoir ceux qui ont de l’argent qui pourront continuer à avoir des aides à domicile et les autres, avec des petites retraites qui ne pourront pas”, assure Pierre Boudé.

Face à cette situation, les structures réitèrent leur demande, formulée depuis des années. “Il faut mettre en place une loi grand âge, en projet depuis plusieurs gouvernements, avec un financement national de nos structures et non plus local”, rappelle le directeur de la structure.

En Lot-et-Garonne, la ponction prévue est estimée à 16 millions d’euros. Ce montant représente 10 h d’aide à domicile chaque mois, pour tous les bénéficiaires du département.

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