"Jérôme Cahuzac ne représente aucun danger pour la société" a plaidé son avocat Jean Veil, et "il n'est pas un homme d'argent sinon il aurait continué à planter des cheveux" a ajouté son second conseil Me Michel à l'issue de deux semaines de procès devant le tribunal correctionnel de Paris.
Le parquet a requis mercredi une lourde peine à l'encontre de l'ancien ministre du budget pour ses comptes cachés et ses sociétés offshore : 3 ans de prison ferme et cinq ans d'inégibilité.
La responsable du parquet national financier a parlé d'une "vie familiale enracinée dans la fraude" en parlant des époux Cahuzac tous deux poursuivis pour fraude fiscale et blanchiment et d'un "homme qui a trahi tous ses serments".
Contre la dermatologue Patricia Cahuzac, Eliane Houlette a requis deux ans de prison. Du sursis et des amendes ont été demandés pour le banquier suisse François Reyl et l'intermédiaire Philippe Houman, accusés d'avoir "organisé l'opacité" des avoirs.
Une fortune évaluée à 3,5 millions
Ce procès a mis à nu les secrets bancaires d'un couple dans la tourmente, "conscient de l'illégalité" de leurs pratiques, pour mieux dissimuler les avoirs quand le député est promis à un avenir politique plus élevé.
Ils ont reconnu une fraude "familiale", une plongée dans l'opacité offshore comme une fuite en avant, mais nié avoir construit "un système organisé".
Les chiffres donnent le vertige. Un patrimoine global dissimulé estimé à 3,5 millions d'euros.
L'argent s'est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte suisse de Jérôme Cahuzac, transféré en 2009 de la banque Reyl vers la Julius Baer de Singapour, à hauteur de 2,7 millions d'euros sur le compte de l'île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240 000 euros de chèques versés sur les comptes de la mère de l'ex-chirurgien.
"Aujourd'hui, plus que jamais, je suis consciente des fautes que j'ai commises" a dit Patricia Cahuzac,
bien droite dans sa jupe noire-chemisier blanc, dans ses derniers mots au tribunal.
Son avocat a décrit une femme blessée qui a basculé dans la fraude "au fil de l'eau", glissant dans une "spirale" infernale.
Quand elle "franchit la porte des magistrats instructeurs le 3 décembre 2013 et fait des révélations, c'est aussi sa chute qu'elle programme".
"Rien à ajouter" pour Jérôme Cahuzac
Il a toutefois assumé une "une faute impardonnable" à plusieurs reprises.
Dans leurs plaidoiries, ses avocats ont défendu la ligne de défense fixée au premier jour : le premier compte ouvert à l'Union des banques suisses en 1992 était destiné à financer le courant politique de feu Michel Michel Rocard.
Cette
"hypothèse du trésor" des Rocardiens explique la faute originelle.
Une folie qui "fait sauter un verrou" et autorisera toutes les autres transgressions. Sans revenir
sur chaque détail des chemins tortueux de l'argent, ils se sont attachés à dresser le portrait d'un homme qui a cherché à "sauver sa vie" et à "protéger" ceux qui lui avaient fait confiance : les électeurs, sa famille politique, le président.
Son avocat et ami Jean-Alain Michel a parlé de "l'autre Jérôme Cahuzac", le médecin brillant qui "a corédigé la loi Evin et peut-être sauvé des milliers de vies", le député qui "a travaillé comme un forcené", le camarade ne laissant jamais tomber un ami.
Un homme qui "travaille pour le bien commun", qui est "tellement complaisant avec les labos, ironise-t-il, qu'il retrouvera un jour sur son paillasson du sang contaminé".
"Jérôme Cahuzac n'est pas un homme d'argent, si cela avait été le cas, il aurait continué à planter des cheveux", a insisté Me Michel.
Rien n'effacera ses fautes, jusqu'à l'utilisation "minable" des comptes de sa mère, mais, plaident ses avocats, quel sens aurait la prison pour cet homme, qui "ne représente aucun danger pour la société", et qui a déjà payé?
"La juste peine, c'est celle qui sanctionne un homme pour ce qu'il a fait, qui n'accable pas plus que nécessaire un homme cassé...", a conclu Me Michel."C'est un banni, un exilé de force", a dit Jean Veil, assurant n'avoir "aucune envie que (ses) impôts servent à entretenir Jérôme Cahuzac".
Son client pleure quand il raconte qu'en Corse, où vit désormais le plus souvent l'ancien ministre, un ami a fait savoir qu'on cherchait un médecin dans un cabinet de campagne sur le point de fermer.