Le Conseil d'État a pour la première fois condamné l'État à indemniser un fils de harki pour l'accueil "indigne" réservé aux supplétifs de l'armée française en Algérie à leur arrivée dans l'Hexagone. Il avait vécu plusieurs années dans le camp de Bias, en Lot-et-Garonne.
Né au camp Joffre, situé à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) le requérant, fils de harki, avait été transféré en 1964 au camp de Bias (Lot-et-Garonne), "le pire de France, quasiment un camp d'enfermement", selon Mme Besnaci-Lancou, historienne et cofondatrice de l'association "Harkis et droits de l'homme". Il y avait vécu jusqu'en 1975.
Ce mercredi 3 octobre, la plus haute juridiction administrative, le Conseil d'Etat, a donc condamné l'État à payer au requérant 15.000 euros "en réparation des préjudices matériels et moraux" qu'il y a subis. C'est beaucoup moins que le million d'euros réclamé en première instance devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui l'avait débouté en 2014.
"Des conditions de vie indignes"
"La responsabilité pour faute de l'État doit être engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à l'intéressé" dans les camps dits "de transit et de reclassement" où les harkis sont arrivés dans les années 60 et 70, a indiqué le Conseil d'État.
Dans ces camps, les conditions d'accueil et de vie ont entraîné chez le plaignant "des séquelles qui ont exigé un accompagnement médico-psycho-social" et "ont aussi fait obstacle à son apprentissage du français", précise le Conseil d'État.
Première condamnation pour l'Etat
C'est la première fois que le Conseil d'État, saisi d'une demande de réparation liée aux camps de harkis, reconnaît l'État responsable et le condamne à verser une indemnisation.
"Cela ouvre une brèche, et ceux qui ont été enfermés dans ce genre de camps vont maintenant profiter de cette brèche. Les autres harkis, s'ils veulent obtenir des réparations matérielles, vont y aller", réagit Fatima Besnaci-Lancou.
60 000 harkis arrivés en France après la guerre d'Algérie
Sur les quelque 150.000 Algériens recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie (1954-1962), environ 60.000 sont parvenus à partir pour la métropole avec les "pieds-noirs".
Mais leur accueil s'est fait dans des conditions précaires (camps, hameaux de forestage et cités urbaines), sans réelles perspectives d'intégration pour eux-mêmes ou pour leurs enfants.
Les autres ont été livrés à leur sort en Algérie où le nouveau régime les considérait comme des traîtres.