Marmande : "Les Gilets jaunes ont permis une prise de conscience sur laquelle personne ne peut revenir"

Il y a un an, les Gilets jaunes de Marmande, dans le Lot-et-Garonne, occupaient pour la première fois les ronds-points. Cinquante-deux rassemblements plus tard, en dépit des divisions,  les plus déterminés continuent d’arborer le jaune fluo, sur les épaules ou dans le cœur.

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Le 17 novembre 2018, ils montaient sur le rond-point "du Campanile", pour exprimer leur mécontentement envers la politique d’Emmanuel Macron. Un an plus tard, André, Harlock Captain ou encore Bernard et Christelle continuent, chaque samedi, de revêtir leur gilet jaune, symbole d’une colère qui a rythmé, chaque samedi, le quotidien des Français.

"À l’époque, on croulait sous les dons des gens, qui passaient près du rond-point. Toutes les voitures avaient un gilet jaune sur leur pare-brise", se souvient André. Petites lunettes rondes et gilet orange customisé sur les épaules, cet ancien syndicaliste à Brest est désormais retraité dans le Lot-et-Garonne.
 

Rencontrés sur les ronds-points 


Au départ, ils étaient près de 500 sur les ronds-points de Marmande et Samazan. C’est d’ailleurs sur ces routes que se sont rencontrés beaucoup de Gilets jaunes du département, venus de tous horizons. En ligne de mire, le gouvernement et la Ve république, qu’ils considèrent désuète.

Les syndicats n’ont rien obtenu en trente ans. Les Gilets jaunes, c’est ce ras-le-bol face à une politique qui ne nous prend pas en compte.
Harlock Captain, Gilet jaune marmandais.


Qui ? Les retraités, conducteurs de poids lourds, familles d’accueil, chômeurs, travailleurs de nuit. Ils se sont relayés, dès les premiers rayons du soleil à tard dans la nuit, faisant émerger une mobilisation nouvelle, apolitique.
 
 

Démocratie horizontale


Une initiative citoyenne qui repose sur les fondements de la démocratie.  "Dans les Gilets jaunes, il n’y a pas de chef. C’est à l’initiative de chacun. On a une démocratie horizontale", résume André.

À Marmande comme ailleurs, les Gilets jaunes s’organisent via leurs groupes Facebook, sur lequel ils se transmettent les lieux de mobilisations, les participants, le type de manifestation. Pourtant, cette démocratie horizontale a des limites, qui ont coûté au mouvement.

Créant de vraies communautés, les Gilets jaunes racontent leur quotidien, ou ici, leurs exploits, sur les réseaux sociaux. 
"Au bout d’un moment, les leaders ont commencé à fatiguer. Le problème, c’est que tous n’étaient pas capables de prendre des initiatives. Et finalement, à mesure que les leaders se mettaient en retrait, les mobilisations se faisaient moins nombreuses", regrette Bernard, salarié chez Lisi Aerospace. Avec ses 1 000 salariés, le site est l'un des gros employeurs du département, classé parmi les plus pauvres de France.

Aux divisions internes s'ajoute un désamour des Français, lié notamment aux violences qui émaillent les manifestations dans plusieurs grandes villes de France. À Marmande, aucun débordement n'a été signalé. Pourtant, quand en décembre, Emmanuel Macron s'exprime sur le sujet, lors d'une allocution télévisée, les Gilets jaunes encaissent leur premier coup dur.

Dès le lendemain, les gilets avaient quasiment disparu des tableaux de bord. 
Harlock Captain, ancien conducteur de poids lourds.

À Agen aussi, les Gilets jaunes font le bilan d'une année de mobilisation.
 

 

"J’ai été gazé. J’ai craché du sang pendant plusieurs jours"


Avec son blouson de cuir orné de pin’s anarchistes, ce Gilet jaune de la première heure continue, chaque samedi, de retourner sur les ronds-points, convaincu que le mouvement n’est pas encore mort. Désormais, ils ne sont plus qu’une vingtaine à se mobiliser chaque week-end.
 


Avec des amendes pouvant s’élever jusqu’à 150€, la répression des forces de l’ordre a fini par avoir raison du mouvement. Interpellations, garde-à-vue et blessures… Beaucoup de Gilets jaunes, par peur de la violence lors de ces manifestations ont rangé leur gilet au placard.

Nous n’avons pas gagné grand-chose de ces mobilisations, excepté des blessés.
Harlock Captain

"Lors d’une manifestation au printemps à Toulouse, j’ai été gazé. J’ai craché du sang pendant plusieurs jours, et aujourd’hui, j’ai une insuffisance respiratoire", raconte Harlock Captain.
  

Prise de conscience


Christelle, comme certains autres Gilets jaunes marmandais, s'investit auprès de familles de réfugiés. Une situation qui a fait d’elle une sensibilisatrice à la problématique des migrants.

"J’ai entendu, certains samedis, des propos racistes ou xénophobes, souvent liés à la méconnaissance du problème. Alors de mon côté, j’ai décidé de parler des familles que je rencontrais, pour leur montrer une autre facette de l’immigration."

Si elle reconnaît qu'il n'est pas toujours facile de devoir parfois mettre "de côté ses positions", elle se félicite d'avoir réussi à échanger et, elle l'espère, "favoriser une prise de conscience sur la réalité des migrants".
 

Convergence des luttes


Sur les ronds-points, si les opinions divergent, un point rassemble les Gilets jaunes : "le système actuel ne peut plus durer." Le prix du carburant a été le détonateur de cette mobilisation nationale. Mais depuis, les revendications du mouvement se sont depuis multipliées. Aujourd’hui, trois axes se démarquent des revendications : le retour du "consommer local", l’enjeu climatique et le RIC (référendum d’initiative citoyenne).

Le référendum d'initiative citoyenne expliqué ci-dessous. 
 
 

Les Gilets jaunes ont permis une prise de conscience sur laquelle personne ne peut revenir.
Bernard, gilet jaune marmandais.


Loin d’enterrer le mouvement, les Gilets jaunes attendent, outre le 17 novembre pour marquer l’anniversaire de la mobilisation, la manifestation du 5 décembre, qui devrait faire converger les mouvements.

"Nous devons être nombreux pour réveiller ceux que l’on appelle les "endormis". Le mouvement des Gilets jaunes a cette vocation de rassembler toutes les professions et les revendications", poursuit le quadragénaire.
 

Agir positivement


Tandis que les Gilets jaunes se font moins nombreux sur les ronds-points, Marco, François, Nicolas, Patricia, Lisa, Martine, Laurent et Fabrice ont choisi d'ôter le leur pour monter le Collectif citoyen du pays marmandais. L’objectif : "puisque les politiques n’agissent pas pour nous, nous devons nous prendre en main, et faire des initiatives citoyennes."

De ce collectif est né un local, en octobre 2019, situé à La Gravette, à Marmande, "un lieu de vie", pour ces bénévoles qui le gèrent les mardis, mercredis, jeudis et samedis.

"Nous proposons de l’alimentation à bas prix, issue de producteurs marmandais, pour permettre à chacun de pouvoir bien manger. Mais ne sommes pas une épicerie solidaire. Nous voulons que cet espace soit un endroit de partage."

Pour ce faire, le collectif a prévu des lotos, spectacles humoristiques, vide-greniers et espace pour enfants, avec toujours l’idée de faire revivre leur quartier. Avec une quarantaine de clients par jours, d’autres projets sont à l’étude comme le lancement d’une monnaie locale et la promotion du RIC, un système qui régit l’intégralité de l’association.
 


Depuis un an, la mobilisation a muté, pour entrer dans certaines sphères politiques ou citoyennes. Et si certains, par crainte des violences ont rangé leur gilet, Marco l’assure "nous avons tous le cœur jaune."

 
Alexandre Freschi, député du Lot-et-Garonne : "nous n'avions pas perçu l'intensité de cette colère"
Les gilets jaunes de Marmande ont été placés sous le feu des projecteurs après que la journaliste Florence Aubenas a passé plusieurs jours en leur compagnie sur les ronds-points et a retranscrit leur colère dans un article publié dans le Monde.

Motards en colère
Une colère contre la coût de la vie dont Alexandre Freschi le député (LREM) de Marmande, assure avoir ressenti les prémices dès le mois de janvier 2018, même s'il reconnaît "ne pas avoir perçu son intensité".

"Je me souviens d'un assemblement pour les  vœux avec les autres députés LREM du Lot-et-Garonne.  On a assisté à une manifestation des motards en colère et contre la limitation à 80 km/h. On avait relayé ces revendications", se souvient-t-il, déplorant ne pas avoir été entendu.


Alexandre Freschi avait par ailleurs rencontré des Gilets jaunes, dès le début du mouvement, lors d'un échange animé, fin novembre 2018. 
"Il fallait être là pour entendre cette colère. C'était violent mais c'était aussi légitime. Même si le moment était difficile à vivre, c'était bien plus dur pour ceux qui me faisaient face. Leur quotidien était bien plus difficile que le mien".


"J'ai relancé plusieurs semaines, en vain"
A l'époque, le député proposé alors de mettre en place des groupes de travail, afin d'élaborer des solutions aux problèmes soulevés. Pour autant cette initiative n'a pas porté ses fruits. "J'ai construit un calendrier, avec des rencontres, j'ai relancé pendant plusieurs semaines, mais en vain, assure l'élu.
J'ai donné mon numéro de tel à une quarantaine de personnes, deux sont venues me voir à la permanence"
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