Paroles de médecins généralistes : « Au front sans arme » pour affronter la crise sanitaire du coronavirus

Moins exposée médiatiquement que le personnel hospitalier, la médecine de ville n’en reste pas moins la dernière digue, essentielle, avant l’hospitalisation. Surexposés, mal-protégés, peu ou pas dépistés, les généralistes jonglent entre patients coronavirus et consultations classiques.
 

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Ils constituent la ligne de front face au virus. Les médecins généralistes traiteront 80% des patients malades du COVID 19.
Pour l’heure, pourtant, ils manquent de tout : blouses, charlottes, thermomètres. Et bientôt, peut-être, certains médicaments.

Les masques, eux, arrivent enfin après trois semaines d’attente, mais au compte-gouttes. Dix-huit par semaine et par praticien : six FFP2 et douze masques chirurgicaux seulement, quand il en faudrait trois par jour. 

Alors, les médecins se débrouillent. Le Dr Patrick Durrieu, installé à Casteljaloux dans le Lot-et-Garonne, reçoit ses patients avec des masques périmés distribués à l’époque de la grippe H1N1.
Une pénurie inacceptable pour l’Ordre des médecins, représentant les 230 praticiens Lot-et-Garonnais.
  

La colère des médecins face à "l'impréparation"

Les professionnels sont furieux.

Nous sommes de la chair à canon. Il paraît que nous sommes en guerre, mais nous sommes envoyés au front sans arme. C’est invraisemblable.
Docteur Michel DURENQUE, président du Conseil de l’ordre des médecins 47


Visé : le ministère de la santé, soupçonné d’impréparation.

Rien n'a été prévu. Ils nous ont menti pendant des semaines en disant que les masques arriveraient mais il n’y a rien. Le manque d’organisation est total.
Dr Michel DURENQUE
 


Car le virus, lui, est bien là.
Dans son cabinet, le Dr Patrick Durrieu a déjà diagnostiqué 70 cas de patients malades du COVID 19. Beaucoup de cas d’importation : des familles entières venues de Paris avec le virus ou encore des cas isolés testés positifs dans la capitale. Comme ces étudiants revenus contaminer leur famille.

Les cas de figures sont multiples : transporteurs venus d’Italie, citadins de retour dans leur maison secondaire ou salariés contaminés lors de réunions professionnelles. Des patients âgés de 50 à 60 ans pour la plupart, mais le docteur a aussi diagnostiqué des enfants de 10 ans à peine.
La moitié de ses patients est aujourd’hui heureusement guérie. Mais certains ont eu très peur, comme cette malade mise sous oxygène à son domicile.

Au moins deux cas dans les EHPAD


Le virus a aussi fait son entrée dans les EHPAD. Pas encore de cluster selon Joris Jonon, le directeur départemental de l’Agence régionale de santé (ARS), qui promet des chiffres détaillés ce mercredi.
Mais selon nos informations, déjà deux EHPAD de l’agglomération agenaise seraient touchés avec un cas de COVID-19 avéré dans chaque établissement.
 

Alors que le ministre de la Santé Olivier Véran promet un dépistage massif dans les EHPAD, les tests se feraient encore trop rares dans le département.

Pour permettre de dépister les patients suspects, des antennes ont été ouvertes à Marmande, Villeneuve-sur-Lot et Agen, mais là encore, la pénurie guette.

Quand on ne manque pas de réactif, ce sont les écouvillons qui sont en pénurie. Il n’y aura jamais assez de tests pour tout le monde. Avec les seuls tests disponibles, on n’arrive à peine à tester les professionnels de santé. Et pourtant, il est primordial de les sortir du circuit afin qu’ils ne soient plus en contact avec les patients. 
Dr Michel DURENQUE


A ce jour, selon l’Ordre des médecins du département, quatre professionnels de santé ont déjà été diagnostiqués COVID avec une symptomatologie importante. Plusieurs autres sont suspects.
Les praticiens attendent désormais beaucoup des tests sérologiques qui permettront d’évaluer le pourcentage de patients déjà infectés, parfois sans s’en rendre compte. Mais pour l’heure, comme partout ailleurs en France, aucun laboratoire du Lot-et-Garonne n’en dispose.

En attendant, dans les cabinets des généralistes, c’est le vague à l’âme, avec, pour les praticiens, le sentiment de se trouver démunis face à un virus imprévisible.

On a l’impression de jouer à l’apprenti sorcier, sans recommandation officielle ni information. C’est très inconfortable.
Dr Michel DURENQUE

Une situation explosive selon les médecins

Alors, les médecins s’organisent pour tenter de contenir la vague qui s’annonce. Arrivera-t-elle dans 5 ou 15 jours ? Personne ne semble pouvoir le prévoir.

Depuis la première semaine de confinement, les médecins ont dû annuler leurs rendez-vous, réorganiser leurs cabinets pour mettre en place des plages horaires dédiées aux patients COVID 19.
Grâce à la mobilisation des professionnels de santé, le 15 a pu être renforcé. Des interventions chirurgicales ont pu être reportées. Le nombre de lits a été augmenté, notamment par une collaboration entre les établissement publics et privés… Mais presque trop tôt.
Loin de la saturation des régions Ile-de-France et Grand Est, le Lot-et-Garonne compte pour l’heure 109 cas de COVID. Parmi eux, trois décès sont à déplorer. 31 patients demeurent hospitalisés dont sept en réanimation. A l’heure actuelle, 17 lits de réanimation sont encore disponibles.

Restent des salles d’attentes vides chez les généralistes. Inquiétant, selon eux.

Ça va exploser. Les patients atteints de maladies chroniques (cancers, diabète, hypertension…) n’appellent plus. Les pompiers eux aussi reçoivent moins d’appels mais quand ils arrivent, les cas sont beaucoup plus graves que d’habitude.
Dr Patrick Durrieu


À terme, l’ordre des médecins redoute un effet boomerang pour les malades chroniques et les autres, qui ont choisi l’automédication. Déjà, des signaux laissent craindre le pire.
Au 15, on note un retard des soins hors COVID : des infections urinaires, des problèmes gynécologiques, des bronchites qui ont traîné.

On m’a rapporté le cas d’un patient qui s’est retrouvé en insuffisance cardiaque.
Dr Michel Durenque 


Entre inquiétude et anticipation, les médecins généralistes attendent de pied ferme la vague à venir. Nul ne sait pour l’heure quelle sera la hauteur de la déferlante. 
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