Moustiques : "Il faudrait une armée pour avoir une quelconque efficacité", regrettent les équipes sur le terrain

Il y en a assez. Depuis plusieurs semaines, le retour des moustiques exaspère de nombreux Aquitains. Face au manque de solutions, cette situation infernale pourrait bien devenir le quotidien des néo-aquitains. La saison a commencé un peu plus tôt et risque de durer.

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Plus de repas dans le jardin ou sur la terrasse sans piqûre. Sur le bassin d’Arcachon, à Bordeaux, dans les Landes ou dans les Pyrénées-Atlantiques, les plaintes se multiplient contre l’invasion de moustiques, particulièrement virulents cette année.

"Le sud de la Nouvelle-Aquitaine est plus anciennement et donc plus grandement touché par les moustiques tigres. Les départements de la Haute-Vienne et de la Creuse sont les deux départements pas encore colonisés", détaille Cécile Billaud, chargée de mission à l’ARS de la protection de la santé des populations vis-à-vis des milieux extérieurs. 


Cocktail parfait pour proliférer

Chaque année, de mai à septembre, les moustiques font leur grand retour, avec un pic, en août. Mais cette année, la saison a commencé un peu plus tôt et risque de durer. "On implore souvent le ciel, parce que ce sont les épisodes orageux qui provoquent les éclosions et les nouvelles nidifications. En ce moment, c’est la double peine, parce qu’on a déjà les moustiques tigres et les moustiques classiques sont arrivés plus tôt à cause du temps", regrette Christophe Courtin, chargé d’étude et de coordination au Centre de démoustication de Bordeaux Métropole.

Au-delà des températures douces de cet hiver, les intempéries, notamment en début de moi de mai, ont favorisé les zones d’eau stagnantes, nécessaires à la reproduction des moustiques. "On a eu des pluies centennales les 10 et 11 mai, combinées à une grosse marée donc tous les gîtes ont été remis en eau. À cela, s’ajoutent les températures estivales qui ont raccourci leur cycle et donc provoqué leur arrivée plus tôt que d’habitude", explique Thomas Valente de Pinho, technicien expert moustique au Siba (Syndicat intercommunal du Bassin d'Arcachon), à Arcachon.


De nombreuses zones de marais, comme dans l’estuaire de la Gironde ou de plans d’eau sont donc devenus de véritables viviers à moustiques. Et si les nuisibles se reproduisent dans les zones marécageuses, ils peuvent voler dans un rayon de 20 km. Aucune chance donc, d’y échapper. 

 

Peu de solutions

Depuis de nombreuses années, la situation était suivie par l’EID ( Entente interdépartementale de démoustication, un établissement public chargé de la lutte contre les moustiques ) et coordonnée par les départements. 

Mais en janvier 2020, l’EID a été dissoute et la compétence a été déléguée aux intercommunalités. Elles sont en charge de répandre des biocides, qui ne détruisent que les larves de moustiques. 

"C'est une bactérie que la larve de moustique va ingérer, et qui va la tuer. Quand le moustique devient adulte, il faut de l’insecticide pour le tuer, et nous n'avons pas les autorisations" résume Thomas Valente de Pinho. 

Les traitements se font à pied, ou en quad équipés de lances : difficile donc de couvrir toutes les zones où les moustiques pullulent. "N’importe qui, qui se balade sur le terrain peut s’apercevoir que les fossés sont encore gorgés en eau. Il faudrait une armée aujourd'hui pour être capable d'assumer et d’avoir une quelconque efficacité", regrette Yohan Icher, directeur du service hygiène du Siba.

Autre limite, leurs zones d'intervention, principalement sur le domaine publiques, sauf demande spécifique des particuliers. Les services des intercommunalités n'ont en effet plus les autorisations pour pénétrer dans les zones privées. "Ce sont parfois des terrains abandonnés, où les moustiques pullulent. C'est notre première limite. A cela, il faut ajouter toutes les zones inaccessibles comme les marais ou les sous-bois", argumente Christophe Courtin, chargé de mission à Bordeaux Métropole.

En parallèle, certaines mairies ont décidé de prendre la situation en main. La ville de Bègles, par exemple, près de Bordeaux, a installé des nichoirs à oiseaux et à chauve-souris, véritables prédateurs des moustiques. 

À Bordeaux, Virginie de Kerhor a lancé une pétition sur le site change.org pour alerter la mairie de Bordeaux sur la situation de la ville. "Les moustiques pullulent à Bordeaux et font de la vie des Bordelais un enfer. Le moustique est un vecteur de maladies graves ! Notre ville construite sur des marécages est un terrain idéal pour leur prolifération. Monsieur le Maire, engagez-vous à éradiquer ce problème", peut-on lire en description.

Consciente du problème, dès le déconfinement, Bordeaux Métropole a dépêché leurs 11 agents sur le terrain pour tenter de résoudre la situation. "On agit sur quatre axes : l’analyse du territoire pour identifier les zones de chaque commune, les réponses aux particuliers, la pédagogie et la sensibilisation et enfin les interventions chez les privés sur demande et sur le domaine public", énumère Christophe Courtin.

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Moustiques des villes, moustiques des champs

Très présent en zone rurale, le moustique "classique" préfère les plans d’eau naturels pour se reproduire et évoluer. En ville, le moustique tigre est plus présent que son alter ego local. "Le moustique tigre est un moustique urbain. On le retrouve majoritairement dans les grandes villes d’Aquitaine, où il peut se nourrir et se reproduire dans un rayon de 250 m", explique Cécile Billaud.

Vecteur de maladies telles que la dengue ou le chikungunya, les moustiques tigres sont suivis de près par l’Agence Régionale de Santé de Nouvelle-Aquitaine, pour éviter une épidémie. "Nous avons installé des pièges pondoirs partout dans la région pour évaluer les populations. Si un foyer se déclare à côté d’une personne malade, qui est d’ailleurs elle aussi surveillée par nos services, nous mettons en place une démoustication", explique Cécile Billaud.

Cette démoustication est, cette fois-ci, à base de pesticides. "Ce sont des produits très toxiques. Certains demandent à ce qu’ils soient aussi utilisés pour les moustiques classiques, mais cela demanderait des opérations tous les trois jours qui provoqueraient de graves dangers pour l’homme et pour l’environnement", assume la chargée de mission à l’ARS.

 

Veille citoyenne, le nerf de la guerre

Moustique commun ou moustique tigre, le combat est le même : la veille citoyenne est primordiale. Même si la majorité des départements de Nouvelle-Aquitaine est déjà colonisée, la vigilance de chacun pourrait permettre de ralentir la prolifération. 

"Les bons gestes ne vont pas éradiquer les moustiques, mais grandement ralentir leur prolifération et donc limiter la gêne. En région Paca, tout un quartier s’est prêté au jeu, et les résultats étaient vraiment concluants", assure Cécile Billaud.

Ces gestes : mettre du sable dans les coupelles des fleurs, nettoyer régulièrement les gouttières, mettre des tissus ou une moustiquaire sur les récupérateurs d’eau, qui constituent près de 50 % des gîtes larvaires. "Il faut limiter au maximum les possibilités pour les moustiques de pondre leurs œufs, il faut donc éliminer toutes les petites surfaces d’eau stagnante, résume Cécile Billaud. La situation évolue d’année en année, il va falloir qu’on apprenne à vivre avec les moustiques."

 


Et quand on sait qu’un moustique tigre peut se reproduire dans un dé à coudre d’eau, et que les terres sont gorgées d'eau, la bataille risque de durer, encore de nombreuses années.

 

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