Le saintais François Marry a pris ses aises pour plus d'un mois au Confort Moderne. Au programme, répétitions avec son groupe The Atlas Mountains mais aussi, comme à son habitude, quelques heures consacrées à la peinture. Son nouvel album est prévu pour février 2021.
"Coucou, comment vas-tu ?" Si ce n'était le titre et le refrain du dernier single en date de François & the Atlas mountains, c'est effectivement la question qu'on voulait poser à François Marry. Depuis tout ce temps... On l'avait quitté, si nos souvenirs sont bons, dans une chapelle à Saintes. Il mettait alors en musique les Fleurs du Mal de Baudelaire, en solo ou presque. On se rappelait également d'un concert flamboyant à La Cigale à Paris et d'autres furtives rencontres du côté de La Rochelle. Il y a bien longtemps. Lui et sa troupe anglo-saintongeaise n'avaient pas encore rejoint The Kills, Arctic Monkeys et Franz Ferdinand sur le prestigieux label Domino Records. Et puis, plus rien ou presque depuis deux ans.
"La brume bleue du ciel athénien"
Le 19 octobre dernier, il était réapparu sur sa page Facebook dans un énigmatique et très bref message où, entouré de tout aussi énigmatiques visages clownesques fardés de blanc, il s'excusait : "désolé, j'ai pas été trop présent sur les réseaux, j'étais avec mes amis". Trois semaines plus tard, nouvel indice avec deux photos pas moins étranges, apparemment "dans la brume bleue du ciel athénien". Sur un toit, il prend la pose d'un jedi avec une antenne télé comme sabre laser et, plus tard, il est accompagné d'un accolyte aux cheveux longs présenté comme un producteur "de Finlande". Et puis, enfin, ce clip, "Coucou". Notre dandy pop se réveille sur des rochers en bord de mer, l'air hagard, avec sa tête de Robinson mal rasé. Dans une lande désertique et océanique, il est rejoint par ses "amis". Leurs blancs visages sont auréolés d'une colerette de marguerite comme des teletubbies retraités échappés d'un Ehpad. "Coucou, coucou, coucou, comment vas-tu ?", chantent-ils en choeur.Une douce balade sous un grand ciel bleu
Il lui sied bien ce dernier clip à François ; une douce balade sous un grand ciel bleu, paisible et en même temps emprunt de tristesse. Une histoire somme toute banale d'une séparation amoureuse. Comme toujours, on retrouve ce subtil mélange d'une musique presque joyeuse, en tout cas sereine et ces mots simples mais qui laissent deviner des tombereaux d'amertume. Tout cela demande pourtant quelques précisons et c'est donc au Confort Moderne que l'on retrouve, en pleine répétition, François & The Atlas Mountains. Il ne devait y séjourner qu'une semaine en solo. Mais ça, c'était avant le deuxième confinement. Finalement, les équipes du lieu lui ont proposé de poser ses bagages pour plus d'un mois. Il en a profité pour jouer avec ses potes saintais de Lysistrata, mais aussi de s'initier au cyanotype, un procédé photographique monochrome négatif ancien, par le biais duquel on obtient un tirage photographique bleu de Prusse.Un album remède à la morosité ambiante
Car voilà, "Banane Bleue", c'est le titre de ce nouvel album enregistré fin 2019. Un nouvel opus produit par le talentueux Jaakko Eino Kalevi, le Finlandais chevelu sur le toit d'Athènes. Un mélange donc de bleu à l'âme mais aussi de ciel bleu azur, une bouffée d'air estival qui se révèle être un fort efficace remède à la morosité ambiante. François Marry ne le cache pas ; il ne le vit "pas trop mal" ce fichu confinement. "J'ai beaucoup de peine pour le milieu hospitalier et les soignants qui prennent ça de plein fouet. Je me sens concerné par l'urgence de leur travail", explique-t-il, "mais moi, d'un point de vue personnel, mon plaisir de vivre, il vient de la création. Dans certains aspects, c'est même plutôt propice à la créativité. C'est agréable de travailler dans un temps étiré".Pas de concerts, pas de voyages ; c'est donc avec sa guitare, ses bidouilles électroniques, ses magnétos à cassette vintage des années 90 mais aussi dans l'atelier de la Fanzinothèque que le saintais s'évade vers d'autres horizons. Les privilégiés auront donc droit peut-être à des sérigraphies à tirage limité ou des cyanotypes à encadrer quand "Banane Bleue" se trouvera en vente libre. "Tout ça, c'est pour accompagner la sortie, une exploration de l'album sous un autre axe. Le fait d'avoir le temps, ça permet de sortir des formats systématiques qu'on a quand on sort un disque". Oui, le temps est un luxe auquel cet artiste multiforme n'est pas prêt de renoncer. C'est l'essence même de son travail depuis quinze ans, ce petit pas de côté qui n'empêche pas de parler de choses sérieuses mais qui ramène la musique à sa fonction première ; adoucir les moeurs, comme on dit.C'est un album qui a été fait à Berlin, Athènes et Paris, après de multiples voyages. C'est un album chargé de toutes ses senteurs européennes et orientales. C'est un morceau qui est plein de contemplation mais aussi de dynamique de villes. Ça relate une sorte d'errance européenne. C'est aérien, éthéré, rempli d'épures.
C'est dans le monde d'après donc que François Marry nous donne rendez-vous. En espérant qu'il soit aussi appaisant que cette "Banane Bleue". En attendant, il nous fait patienter avec son aimable "Coucou, comment vas-tu ?". Bien apparemment.La musique, c'est une fenêtre ouverte, vers des ailleurs plus lumineux, plus sereins, plus indescriptibles. On vit dans une période lourde parce qu'on l'afflige de beaucoup de sens, on essaye de la comprendre, donc il y a beaucoup de paroles et de débats en cours. C'est nécessaire. Mais c'est bien de pouvoir s'en dégager de temps en temps.
François Bombard et Thomas Chapuzot sont passés faire "coucou" à François Marry :