Alors que l'obligation vaccinale pour les soignants entre en vigueur ce 15 septembre, des syndicats en Poitou-Charentes alertent sur le désarroi de certains salariés, prêts à aller jusqu'à la suspension de leur contrat. Ils dénoncent des conditions de travail de plus en plus difficiles.
Dominique* est secrétaire médicale au CHU de Poitiers depuis 15 ans. Mais dès ce mercredi, elle pourrait ne plus pouvoir se rendre à l'hôpital pour travailler. Depuis l'annonce de l'obligation vaccinale, elle a reçu des relances de son employeur et un avertissement valable à partir du 15 septembre lui signifiant qu'elle ne serait plus en mesure d'exercer sa profession. Cette assistante médicale se dit désormais prête à jeter l'éponge. Cette quadragénaire affirme avoir mûrement réfléchi.
Si je suis prête à aller au bout, c'est à cause des conditions de travail à l'hôpital qui empirent chaque année.
"C'est d'abord une démarche personnelle", explique-t-elle. "Et, si je suis prête à aller au bout, jusqu'à la suspension de contrat, c'est aussi dû aux conditions de travail à l'hôpital qui empirent chaque année et qui n'ont fait qu'accélérer le processus. J'aurais été épanouie dans mon travail, je n'aurais sans doute pas pris cette décision."
"On pouvait faire autrement"
Ce témoignage n'est pas unique au sein des hôpitaux de Poitou-Charentes. Si le témoignage de Dominique est rare - peu de soigants acceptent d'apparaître dans les médias -, les syndicats se font l'écho d'un certain désarroi du personnel.
À force de s'en prendre plein la gueule tout le temps, certains depuis plus de 20 ans, le personnel arrive à prendre cette décision.
Au centre hospitalier de La Rochelle, mardi, Christophe Geffré, délégué syndical Sud santé sort d'une rencontre avec une salariée. "Je viens de voir une infirmière qui va aller au bout parce qu'elle n'en peut plus", témoigne-t-il. "Elle va quitter son travail car elle ne souhaite pas être vaccinée. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que cette résistance ne concerne pas que le vaccin", avertit le représentant syndical. Il estime que la réticence au vaccin n'est pas le fruit du hasard. "C'est à force de s'en prendre plein la gueule tout le temps, et, certains depuis plus de 20 ans, que le personnel arrive à prendre cette décision", assure-t-il.
"J'ai des collègues aides-soignants qui vont changer de métier. Il y en a trois qui sont venus nous voir hier. Eux aussi vont aller au bout parce que ça suffit. Le problème n'est pas de savoir s'ils ont raison ou pas, le problème c'est que ça va priver l'hôpital de gens alors que l'on n'est déjà pas assez nombreux, on pouvait faire autrement", s'insurge Christophe Geffré.
L'obligation vaccinale accentue le malaise à l'hôpital
À Poitiers, la CGT du CHU a reçu des confidences très similaires de la part du personnel.
"Des salariés ont déjà quitté l'hôpital pendant la pandémie en raison des conditions de travail. Certains ont mis leur vie en danger. Il y a toujours des départs : un collègue du bloc nous a fait savoir qu'il quittait l'hôpital parce que l'obligation vaccinale faisait déborder le vase", assure Catherine Giraud, secrétaire à la communication de la CGT.
On estime qu'il pourrait y avoir une centaine ou plusieurs centaines de personnes qui, dès mercredi, vont recevoir une lettre les mettant en demeure et qui sont menacés d'une suspension du contrat de travail.
Ce mardi, les directions des hôpitaux de Poitou-Charentes n'avaient pas encore de bilan sur le nombre de salariés ne justifiant pas de parcours vaccinal, mais les réprésentants du personnel estiment que la suspension de certains agents pourrait intensifier le malaise au sein de l'hôpital.
"On aurait 400 salariés toutes catégories confondues qui n'auraient pas présenter leur parcours vaccinal complet à la direction", note Catherine Giraud à Poitiers. "On estime qu'il pourrait y avoir une centaine ou plusieurs centaines de personnes qui, dès demain, vont recevoir une lettre les mettant en demeure et qui sont ménacés d'une suspension du contrat de travail".
Virer des gens parce qu'ils ne sont pas vaccinés, ça fait partie du problème, pas de la solution.
"Comme l'hôpital fonctionne comme une industrie de production, la solution qui est sussurée par le gouvernement, c'est de ralentir les programmations d'opération. Cela permettra de dire que c'est à cause des salariés non vaccinés que les patients ne peuvent pas se faire opérer" analyse Christophe Geffré. "On ne connaît pas encore les chiffres mais s'il y a 5% de non vaccinés parmi le personnel de l'hôpital de La Rochelle, cela représente 230 personnes. Nous ne sommes déjà pas assez nombreux. Lorsque l'on nous a communiqué les derniers chiffres la semaine dernière, il y avait plus de 13% du personnel non vacciné à l'hôpital. C'est l'offre de soins au public qui sera impactée et ça, ce n'est pas la faute des salariés. Virer des gens parce qu'ils ne sont pas vaccinés, ça fait partie du problème, pas de la solution", martèle-t-il.
La CGT s'interroge sur la réticence de certains soignants et sur le manque d'accompagnement. Pour le syndicat, "il aurait fallu que la médecine du travail soit plus présente".
"Sous cet écran de fumée, il y a une réalité, l'hôpital public est en grande souffrance. Et, depuis le début de l'épidémie, les difficultés ne cessent de croître et nos collègues partent. Certains soignants sont (ainsi) prêts à changer de profession s'il le faut", renchérit Catherine Giraud.
Selon les données sur la vaccination et l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé communiquées le 13 septembre par l'Agence Régionale de Santé (ARS), 95% des professionnels de santé libéraux ont reçu une première dose de vaccin en Nouvelle-Aquitaine.
Le centre hospitalier de La Rochelle a annoncé ce mardi aux syndicats que 315 salariés n'avaient pas fait de retour concernant l'obligation vaccinale.
*Le prénom a été modifié pour respecter la volonté d'anonymat du témoignage.