Le verdict est tombé à la mi-journée : Nicolas Bonnemaison a été acquitté de l'ensemble des faits par la Cour d'assises de Pau sous un tonnerre d'applaudissements. France 3 Aquitaine a consacré une page spéciale à cette affaire dans son 19/20. Vous pouvez la revoir.
Voyez la page spéciale consacrée à l'acquittement de Nicolas Bonnemaison dans le 19/20 en Aquitaine
avec le reportage de Sabrina Corriéri et Christian Etchégaray, et les interventions en direct de Sabrina Corrieri (Journaliste France 3), Maitre Dupin ( avocat de Nicolas Bonnemaison), et Laurence Tramois-Gaillard (médecin condamnée à un an de prison avec sursis en 2007 pour un cas d'euthanasie à Saint Astier en Dordogne), et Stéphane Le Foll (porte-parole du gouvernement) :
L'urgentiste Nicolas Bonnemaison, poursuivi pour avoir abrégé la vie de sept malades âgés en toute fin de vie, a été acquitté mercredi par la Cour d'assises à l'issue d'un procès poignant, qui pourrait à terme encourager une modification de la loi, afin de mieux accompagner la fin de vie.
"Vous êtes acquittés de la totalité des faits", a déclaré le président de la Cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau à l'issue d'un peu moins de quatre heures de délibération des jurés, provoquant un sourire du médecin, main dans la main avec son avocat Benoit Ducos-Ader, et un tonnerre d'applaudissements dans la salle.
L'ancien urgentiste à l'hôpital de Bayonne, âgé de 53 ans, était jugé pour sept "empoisonnements" de malades âgés en 2010 et 2011, auxquels il avait administré des médicaments ayant accéléré leur mort, hors de tout protocole. Il risquait la réclusion criminelle à perpétuité, mais déjà, mardi, l'accusation n'avait requis que cinq ans de prison avec sursis, reconnaissant que le médecin n'était "pas un assassin".
Les jurés ont estimé que le Dr Bonnemaison avait agi dans son unité dans un "contexte bien spécifique" de patients âgés, incurables dont les traitements avaient été arrêtés, et que même s'il n'a informé ni soignants ni familles à chaque fois, "il n'est pas démontré qu'en procédant à ces injections, il avait l'intention de donner la mort aux patients, au sens de l'article 221-5 du Code pénal".
-"Intention homicide pas établie"-
La lecture du verdict a déclenché une explosion d'applaudissements, vite arrêtés par le président. L'épouse d'une victime a "pleuré de joie", de son propre aveu. Seules deux familles s'étaient portées civiles, pour "comprendre", et sans demander d'indemnisation. Les avocats de l'urgentiste ont salué une "décision énorme" qui pourrait obliger les politiques à "aller plus vite" pour adapter la loi sur la fin de vie.La défense avait demandé aux jurés "du courage et de l'audace", pour que comme jadis avant la légalisation de l'IVG avec les acquittements d'avorteuses, les "faiseuses d'anges", "la justice montre le chemin à la loi". Les avocats ont aussi noté le "téléscopage judiciaire exceptionnel" avec les décisions rendues mardi concernant Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif depuis six ans, au maintien en vie en balance entre Conseil d'Etat, qui souhaite l'arrêt du traitement et la Cour européenne des droits de l'Homme, qui veut encore étudier davantage son cas.
Ces décisions interviennent aussi après l'annonce, le 21 juin, de la mission confiée par le gouvernement aux députés UMP Jean Leonetti et PS Alain Claeys, chargés de proposer des aménagements avant fin 2014 à la loi Leonetti sur la fin de vie, un engagement de François Hollande lorsqu'il était candidat à la présidentielle.
-"Médecin jusqu'au bout du bout"-
S'adressant une dernière fois à la Cour mercredi matin, le Dr Bonnemaison avait assuré, s'agissant d'actes qu'il a pleinement assumés afin d'abréger des souffrances, qu'il avait "agi en médecin (...) jusqu'au bout du bout", assurant que la pensée de ses patients décédés le hantait "le jour, la nuit"."Personne n'avait envie de voir le Dr Bonnemaison en prison" avait aussi assuré mercredi Jean Leonetti, député UMP à l'origine de la loi sur la fin de vie, et venu témoigner au procès, soulevant pourtant une réserve qui résonne encore après le verdict.
"Posons-nous la question: est-ce que l'on va donner le droit à des médecins de donner la mort à des malades qui ne l'ont pas demandée, sans en débattre avec qui que ce soit ?" avait-il ajouté.
Nicolas Bonnemaison a quitté le Palais de justice de Pau sans un mot.
L'avocat général a dix jours pour faire appel de cette décision.
Le délibéré de la Cour d'assise
"Nicolas Bonnemaison a agit dans un contexte bien spécifique de l'UHCD de l'hôpital de Bayonne où il avait en charge sept patients en fin de vie, très âgés pour la plupart, atteints d'affections graves et reconnues comme incurables pour lesquelles les traitements avaient été arrêtés préalablement et conformément à la loi. Estimant de bonne foi que ses patients souffraient physiquement et psychiquement, il a procédé à l'injection, dans cinq cas, d'Hypnovel. En recherchant une sédation des patients sans qu'il soit établi par les débats que ces sédations avaient pour but le décès ( …. ), s'il apparaît que Nicolas Bonnemaison a procédé lui même à ces injections qu'il n'en a pas informé l'équipe soignante, qu'il n'a pas renseigné le dossier médical des patients et qu'il n'en a pas informé les familles à chaque fois. Pour autant, il n'est pas démontré qu'en procédant à ces injections, qu'il avait l'intention de donner la mort aux patients. Concernant l'utilisation du Norcuron ( … ), la Cour a constaté que son utilisation, bien que non recommandée en phase de sédation terminale, était néanmoins controversée. En tout état de cause, la Cour et le jury ont relevé là-aussi que l'intention homicide du praticien n'était pas établie."