Ismaël Patu-Huukena, un Polynésien de 41 ans, a rêvé de rejoindre les Iles Marquises, sa terre natale en pirogue à voile. Il est parti, accompagné d'un ami surfeur, dimanche soir de Bayonne.... Un projet fou pour celui qui admet ne pas connaître la mer...
Ismaël Patu-Huukena, est un Polynésien de 41 ans. Il affirmait il y a quelques jours : "Le département sécurité des Affaires maritimes m'a donné le feu vert. Je pars d'une minute à l'autre, en fonction de la météo".
L'homme au sourire tranquille a un physique de rugbyman de deuxième ligne, vêtu d'une tunique aux couleurs polynésiennes.
Ils sont partis vers 17h30 dimanche en empruntant le canal de l'Adour. "Je suis calme, zen, notre première étape sera Madère", a indiqué par téléphone l'aventurier (à une correspondante de l'AFP) après avoir prié et invoqué les dieux pour qu'ils l'accompagnent.
Un trajet difficile
Ancien agent de sécurité, Ismaël admet ne pas connaître la mer, mais "personne ne la connaît", on peut "juste la subir"...Entre Bayonne et les Iles Marquises 22.700 kms de mer les attendent. Ils prévoient de les conquérir en qutre mois en longeant l'Espagne, le Portugal, puis de l'autre côté de l'Atlantique la Guadeloupe, le Venezuela, la Colombie, le Panama, et rejoignant le Pacifique l'archipel des Galapagos (Equateur) puis 25 longues journées pour atteindre les Marquises...
Ismaël embarque avec Olivier Guigue, 25 ans, cuisinier et surfeur qui parle peu et se dit "attiré par sa culture". Ce dernier explique qu'ils s'aideront simplement d'un GPS, d'un compas et d'une boussole, en regardant les étoiles, pour traverser les océans sans se perdre.
Et ils ne donneront des nouvelles à leurs amis que lors des escales. "S'il doit lui arriver quelque chose, j'espère que cela sera à proximité des côtes espagnoles et portugaises, car une fois éloigné des côtes, j'ai peur pour eux", dit l'un de leurs parrains, l'entrepreneur Jean-Louis Brettes, gérant de la société de composites Polycontact, manifestement angoissé.
Rejoindre la terre des ancêtres
Après 18 ans loin de chez lui, Ismaël lui est déterminé : "Je rentre en pirogue comme mes ancêtres, je veux montrer à ma famille que je n'ai pas oublié nos traditions", dit l'homme à la longue tresse noire striée de quelques cheveux blancs. Visage et corps tatoués, il porte un lourd collier formé "d'os de colonnes vertébrales d'êtres humains", de dents de sanglier et de perles noires et assure que le dieu marquisien Tiki accroché au bout du collier, le protège. "Je porte un message de paix à travers les océans", déclare-t-il.Une coque décorée d'une baleine
L'embarcation qui a prit la mer dimanche se nomme Te-Hono (La paix en polynésien). Longue de 12,5 m et armée d'un mât de 10 m, la pirogue Te-Hono dispose d'une coque décorée d'une baleine à laquelle sont fixés deux flotteurs. L'un d'entre eux est immergé et transporte les vivres, l'essence et tous les matériaux à protéger.A l'intérieur, une cabine rudimentaire de 4 mètres de long contient trois couchages, une cuisine et la croix de Jésus-Christ, bien en évidence.
Aidé par une dizaines d'entrepreneurs
Le Polynésien a travaillé pendant presque un an et demi pour construire Te-Hono avec le soutien financier d'une dizaine d'entrepreneurs. Pierre Lavielle, gérant de la société Ulma, fabrique d'échafaudages, a prêté unde ses hangars pour la construction. "Il a bouclé son budget avec des bouts de ficelle (...), des personnes isolées lui ont donné des pièces, il avait également mis une tirelire à l'attention des badauds", témoigne-t-il.
"Cette coque de noix sur l'Atlantique, c'est un drôle de challenge", déclare pour sa part Pierre Darrigues, directeur d'une entreprise de chaudronnerie.
Tous se disent inquiets sauf peut-être Maximilien Berque, navigateur landais qui, entre autres voyages, a traversé l'Atlantique avec son frère jumeau à bord d'une pirogue à balancier, en 2003. "Quand on part du Golfe de Gascogne comme il va le faire, on a le vent dans le nez (...) c'est très difficile", explique-t-il. "Mais c'est fabuleux qu'un mec entreprenne ce challenge, il croit à la magie des dieux. Heureusement que ces gens-là
existent. Il y a des illuminés qui vont très loin"...