C'est le plus long, mais aussi le plus populaire des chemins de randonnées. Le GR10 qui serpente de la Méditerranée à l'Atlantique séduit par la beauté de ses paysages mais aussi par son patrimoine, qui se dévoile au détour des villages. D'Itxassou à Hendaye, nous en avons découvert une partie, au cœur des Pyrénées.
Vu du ciel, c'est un fil de roche blanche qui se détache de la verdure luxuriante des Pyrénées. Long de 900 kilomètres, ce chemin relie pourtant la Méditerranée à l'océan Atlantique. Entre mer et montagne, il attire chaque année des milliers de marcheurs. "C'est quand même le temps idéal pour marcher", lance Jean Granet, président du club de randonnée "Zangoak Arin".
"On perd nos repères"
Lui, pourrait presque dessiner chaque caillou de tête. À la tête d'un club de randonnée basé à Sare, Jean Granet et son groupe viennent régulièrement arpenter ce tronçon, entre Itxassou et Sare. "Même si c'est le même endroit, selon les saisons, c'est plus le même paysage. Il y a les couleurs d'automne, la verdure du printemps, un petit peu de neige en hiver", énumère le président du club de randonnée.
J'aime ce chemin parce qu'on passe de la France à l'Espagne sans problème. On est plus dans tel ou tel pays, on est au Pays basque.
Jean GranetPrésident du club de randonnée Zangoak Arin
Ce jour-là, c'est la brume qui s'est invitée entre les montagnes. Comme dans un cocon, les marcheurs apparaissent un à un. "C'est intéressant. On découvre les choses différemment, on perd nos repères et on s'en trouve d'autres", augmente Jean Granet.
Un chemin aussi inoubliable qu'éprouvant pour ceux qui l'arpentent. Au cœur des montagnes pyrénéennes, marcher devient un sport, un effort maîtrisé à chaque instant. "Il faut du bon matériel et bien le connaître", rappelle Stéphane Pitous, accompagner de montagne.
S'il connaît ce chemin par cœur, il en décèle aussi les difficultés et les dangers. "Il faut avoir une bonne condition physique parce que le dénivelé est important. Même si la distance est courte, la portion est conséquente", prévient l'accompagnateur. Un effort qui se savoure pourtant toujours par ceux qui l'ont accompli. "Même dans la difficulté, le plaisir peut être là, et j'espère que c'est le cas de tous les gens qui marchent ici", promet Stéphane Pitous.
La cloche la plus sculptée de France
En descendant vers la vallée, c'est un des plus beaux villages qui s'offre aux marcheurs, comme une récompense, après leurs efforts : Sare. Des trésors, ce village en compte des centaines, autant que les façades et les petites ruelles qui le compose. Mais le plus précieux d'entre eux se trouve à des dizaines de mètres de hauteur.
Perchée dans le clocher de l'église, une cloche, la plus sculptée de France, résonne quotidiennement. "Le 16 septembre 2003, cette tour a brûlé et l'ancienne cloche a commencé à fondre et s'effondrer. Quand j'ai vu arriver la nouvelle, je l'ai trouvée fabuleuse. C'est mon histoire", raconte Thérèse Guijarro, devenu gardien du dôme de métal.
Tout ce que j'ai entendu petite, la mythologie d'ici, je les retrouve dans cette cloche.
Thérèse Guijarro,Gardienne de la cloche de Sare
L'enfant du pays en connaît les moindres recoins "Il y a le ciel, la terre, l'eau et le feu avec le soleil", liste Thérèse Guijarro.
À flanc de falaise
Sur ce GR10, l'Histoire se raconte à chaque étape. Pour reposer les jambes devenues trop lourdes par les kilomètres, le petit train de La Rhune observe et soulage depuis un siècle les marcheurs. Sur les parois abruptes de la montagne, il est aujourd'hui conduit par Philippe Chauvet.
Derrière son poste de commande, le chef de train redevient, chaque jour, un enfant. "Je suis fils de cheminot, conducteur de tramway pendant treize ans, j'ai toujours aimé les rails. Là, je suis arrivé à une consécration", sourit Philippe Chauvet.
C'est quelque chose d'unique en France. Et quel bureau magnifique.
Philippe ChauvetChef du train de Laruns
Sa joie communicatrice se diffuse à chaque trajet aux touristes et marcheurs, qui ne tarissent pas d'éloges sur le panorama qui s'offre à eux. Parmi eux, Jean-Michel, béret sur la tête, a le regard malicieux. Au travers des bois, il préserve un autre secret.
1,47m au garrot
Perdu au milieu de nulle part, Jean-Michel descend du train, qui s'est arrêté à une gare presque imaginaire. Quelques pas de plus sont encore nécessaires pour découvrir son secret. Le grand-père lance quelques cris, qui résonnent. Et le spectacle commence. Des dizaines de pottoks semblent apparaître derrière les arbres. Ces petits chevaux, emblématiques du pays basque, Jean-Michel leur a consacré cinquante-cinq ans de vie. "Il vit à l'état libre au minimum neuf mois par an, mais certain toute l'année", explique le passionné de ces petits chevaux d'1,47 m.
Usé par les sentiers du pays basque, Jean-Michel envisage de passer les rênes, à une nouvelle génération. Si la décision est prise, elle continue de noyer les yeux de Jean-Michel. "C'est un jeune qui va prendre la relève. Il faut savoir dire stop à un moment, mais ça fait mal. Il faut se mettre dans la tête qu'on ne sera pas toujours là", reconnaît celui qui cherche aujourd'hui à transmettre ce patrimoine vivant.
À des centaines de kilomètres, l'océan semble avoir effacé le GR10. Sur le sable d'Hendaye, les marcheurs profitent souvent d'un rayon de soleil ou d'un bain frais pour délasser des muscles endoloris par les heures de marche. L'ultime récompense, après des centaines de kilomètres parcourus.