Ce vendredi 8 novembre, 24 personnes comparaissaient au tribunal judiciaire de Bayonne dans une procédure de "plaider coupable". Faux permis, points rajoutés : ils ont tous reconnu avoir bénéficié des largesses d’un employé de la préfecture.
Ils sont vingt-quatre. Des rugbymen ou basketteurs de haut-niveau, des chefs d’entreprises, tous étaient convoqués ce vendredi 8 novembre au tribunal judiciaire de Bayonne dans le cadre d’une affaire de corruption qui remonte à 2019.
Trente prévenus
À l'époque, Philippe A. est fonctionnaire à la sous-préfecture de Bayonne. Durant plusieurs années, il a délivré des faux permis, rajouté des points ou imprimé de nouveaux documents contre des diners, des places de matchs ou de spectacles, ou de l'argent. Cinq ans ont été nécessaires pour faire la lumière sur cette affaire tentaculaire. Au total, 47 cas de fraude et autant de bénéficiaires ont été mis au jour depuis 2015. Parmi ces derniers figurent d'anciens rugbymen, des joueurs de pelote basque, des hauts gradés de la police ou des chefs d'entreprise.
Trente personne ont, au final, été mises en examen. Parmi elles, vingt-quatre ont reconnu les faits et leur culpabilité. Ils ont donc été convoqués, ce vendredi 8 novembre à une audience dite “plaider coupable” ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Si l’audience ne visait donc pas, aujourd'hui, à vérifier la culpabilité déjà établie des personnes, elle devait évaluer les peines de chacun. Les coupables ont écopé de 2 000 euros à 4 000 euros d’amendes, “selon leur situation”. “C’est la montagne qui accouche d’une souris, lâche Me Philippe Gensse. Au départ, c’était un dossier énorme avec les enjeux tout aussi énorme et les esprits se sont échauffés.”
Un ancien agent des renseignements a également reçu une amende de 3.000 euros pour des attributions de catégorie de permis indue durant quatre ans.
On n'est pas en présence de brigands.
Me Philippe GensseAvocat d'un des coupables
“Ce sont des amendes tout à fait proportionnées ou on retrouve la réalité des faits reprochés à chacun. J'ai envie de penser que c’est ce qu’ils ont économisé en passant par ces méthodes”, indique de son côté Me Jon Bertizberea, avocat de cinq personnes.
Anciens joueurs et chefs d'entreprises
Parmi les prévenus se trouvait un automobiliste qui avait perdu des points. Un ami lui avait parlé d’une connaissance à la préfecture et lui avait “arrangé le coup”. “Des semaines après, il a vu que ses points étaient revenus alors qu’il n’avait rien demandé. Son tort a tété derrière de ne rien dire”, reconnait l’avocat. Un autre, qui après avoir perdu son permis, tout en habitant à la campagne, a “saisi l’opportunité”. Un troisième, a usé des services du fonctionnaire pour ne pas se rendre à un stage de récupération de points, tout en s’assurant que ce dernier était validé.
Des ex-joueurs de l'Aviron Bayonnais ou du Biarritz Olympique comme Jean Monribot et David Roumieu, étaient également convoqués, respectivement pour avoir obtenu des points indus et un permis de conduire. Peyo Muscarditz, ancien du club bayonnais aujourd'hui joueur du SU Agen avait, lui, offert des places de matches de rugby pour récupérer son permis plus vite à l'issue d'une suspension, tandis que l'ancien basketteur international français Freddy Hufnagel avait bénéficié d'ajout de points indus entre 2015 et 2020.
"Tourner la page"
À la sortie de l’audience, les avocats ne cachent pas leur satisfaction. “Ce sont des gens qui n’ont pas de casier judiciaire, ont des situations d’insertion dans la vie qui montre que ces faits sont un accident de parcours”, avance Me Philippe Gensse, qui indique que son client souhaite désormais “tourner la page” et demande ainsi que cette condamnation ne soit pas intégrée à son casier judiciaire.
Parmi les coupables, c'est aussi un soulagement. “Mon client est mis en cause depuis 2019. Il n’a plus de permis depuis ce moment-là, ce qui est donc très compliqué pour travailler”, rappelle Me Nouhou Diallo. Il va enfin pouvoir repasser son permis, légalement cette fois.”
Les six autres personnes, dont Philippe A. seront, elles, jugés au tribunal correctionnel, le 10 décembre prochain. Lee fonctionnaire est lui poursuivi pour corruption passive. Les cinq autres personnes, dont un ancien policier ou encore un élu biarrot sont mis en cause pour corruption active. Tous deux contestent fermement les faits.