À Hendaye, dans le Pays basque, le collège Saint-Vincent a installé des toilettes sèches ainsi que des urinoirs masculins et féminins, reliés à une grande cuve. Derrière les économies d'eau et d'argent, l'objectif est aussi de récupérer ces matières organiques pour les transformer en engrais agricole au profit des acteurs locaux.
Pour cet établissement scolaire, c'est la "révolution du pipi utile". Au collège privé Saint-Vincent, situé à Hendaye dans le Pays basque, les anciennes toilettes défraîchies ont laissé place, depuis quelques mois, à des toilettes sèches. Si certains établissements scolaires ont auparavant déjà passé ce cap, l'établissement peut se targuer d'être allé encore plus loin : l'urine des élèves est récupérée et transformée en engrais agricole.
"Nous devions changer de toilettes, précise Philippe Bancon, le directeur de l'établissement comptant près de 400 élèves. Alors, nous avons simplement regardé ce que d'autres écoles ont fait en la matière et nous avons fait naturellement ces choix écologiques." En plus de réaliser des économies d'eau, estimées aujourd'hui entre 350 et 500 mètres cubes par an, l'établissement donne une seconde vie à l'urine de ses élèves grâce à des installations techniques.
"En plus des toilettes sèches, les urinoirs masculins et féminins disposent d'une membrane qui permet de laisser couler l'urine sans faire remonter les odeurs, explique le directeur de l'établissement. L'urine est ensuite stockée dans une grande cuve située dans l'arrière-cour du collège. Quand celle-ci est remplie, un camion vient la récupérer, poursuit Philippe Bancon. L'urine est ensuite laissée au repos afin qu'elle s'hygiénise et devienne du lisain, le fertilisant recherché."
Vu l'urgence écologique, on questionne l'ensemble de nos pratiques.
Philippe BanconDirecteur de l'établissement privé Saint-Vincent à Hendaye
Une fois le lisain constitué, les matières vont être utilisées en tant qu'engrais agricole par les communes d'Hendaye et de Biriatou, mais aussi par le lycée agricole Saint-Christophe de Saint-Pée-sur-Nivelle et les agriculteurs bio locaux. Une volonté naturelle pour l'établissement scolaire : "nous sommes déjà dans un grand projet écologique, précise Philippe Bancon. Par exemple, nous compostons l’ensemble de nos biodéchets et nous travaillons également sur la mobilité."
Action isolée ou phénomène ?
Si le collège Saint-Vincent se félicite pour ses nouvelles acquisitions, les chercheurs spécialisés remarquent toutefois un certain goût naissant des collectivités pour ces actions. "C'est une pratique vernaculaire qui revient au goût du jour, assure Florent Brun, doctorant au sein du programme de recherches Ocapi à l'école nationale des Ponts et chaussées. Depuis moins de dix ans, on remarque une dynamique croissante autour de ces nutriments et matières organiques." Notamment sur les territoires de Bordeaux, Lyon et Paris, note l'expert.
Les matières fécales humaines sont moins travaillées, mais pas oubliées.
Philippe BrunDoctorant, spécialiste de l'urine humaine stockée en agriculture
Si l'intérêt autour de ces matières organiques est croissant, c'est qu'elles permettent de mettre à profit des atomes habituellement non utilisés ou recyclés. "Quand nous consommons des fruits et des légumes, ou bien de la viande, notre système digestif ne va pas retenir l'azote, le phosphore et le potassium qui sont pourtant très riches et intéressants, explique le chercheur. Ces atomes se rendent dans nos urines."
L'importance du traitement
Toutefois, puisque "nos excreta sont à l'image de nos modes de vie", tout n'est pas bon à prendre. "Il faut les traiter pour les hygiéniser et enlever les produits pathogènes afin qu'ils ne se retrouvent pas dans les sols agricoles", précise Philippe Brun. Des produits comme le sel de table ou le café ne seraient pas bons pour la terre, tout comme les produits de soins corporels qui sont parfois observés dans les excreta. "Et comme le tri sélectif, plus on collecte ces matières à la source, plus il est facile de les traiter."
À la mairie d'Hendaye, cette initiative est perçue d'un bon œil. "C'est un projet vertueux. La ville est entièrement satisfaite, félicite Ganix Grabières, adjoint au développement durable. Utiliser ces matières organiques pour faire de l'engrais agricole était encore quelque chose de naturel dans les fermes, il y a moins de deux siècles, précise l'élu. Avant de conclure : On l'a oublié. Peut-être que l'on vit dans une société encore trop hygiéniste."