Sous-préfecture de Bayonne : "s'il n’y avait pas eu de corrupteurs, il n’y aurait pas eu un fonctionnaire corrompu"

Le fonctionnaire mis en cause dans l'affaire des permis de conduire corrompus a demandé ce matin sa remise en liberté ce matin.  Lors de l'audience publique  on a appris que 47 personnes étaient potentiellement mêlées à cette affaire de corruption. L'avocat du fonctionnaire monte au créneau.

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L'affaire a éclaté en octobre 2019, lorsque la préfecture s'est intéressée au cas d'un automobiliste ayant récupéré son permis de manière suspecte. 

Aujourd'hui l'affaire prend une toute autre envergure puisqu'on apprenait ce matin lors de l'audience que 47 personnes auraient bénéficié des faveurs d'un fonctionnaire de la sous-préfecture de Bayonne, notamment des personnalités. Internationaux de rugby, chefs d'entreprise, représentant de l'institution judiciaire et policière. 

La cour d'appel de Pau se prononcera jeudi sur la remise en liberté du fonctionnaire mis en examen et incarcéré à la maison d'arrêt de Bayonne depuis le 24 janvier. L'une de nos équipes a pu rencontrer son avocat, maître Emmanuel Zapirain. Entretien.


« Il a toujours pensé que rendre service dans ces conditions n’était rien »

Mon client  a été l’otage de cette reconnaissance qu’il croyait avoir de la part de personnes qu’il adulait ou pour les quelles il avait une énorme considération. Soit parce qu’elles étaient d’actuels ou d’anciens joueurs de rugby, soit parce que c’était d'anciens internationaux, soit parce qu’elles représentaient quelque part une institution judiciaire quand il s’agit de personnes qui font partie de la police, de la gendarmerie ou de la direction territoriale. 

Effectivement cette considération l’a submergé et il a toujours pensé que rendre service dans ces conditions n’était rien.
Aujourd’hui il a une vision tout à fait différente des choses parce qu’il se rend très bien compte qu’il a trahi un petit peu, et même beaucoup, son statut de fonctionnaire. Et que bien évidemment tous ces dérapages, toutes ces fautes qu’il a commises au nom du service rendu, il n’aurait jamais dû les accepter.

Mais il ne l’a pas fait pour de l’argent. Il n’a jamais été remercié qu’après, parce qu’on lui offrait un ballon de rugby, parce qu’on lui offrait un maillot, on lui offrait une bouteille ou deux de champagne, parce qu’on l’invitait à un repas.

Il n’a jamais sollicité quelques récompenses que ce soit pour les services qu’il rendait, à ma connaissance en tous cas.




Voir le reportage de France 3 Euskal Herri

 

« Le premier qui a bénéficié de ce service a révélé la bonne affaire à quelqu’un d’autre et ainsi de suite »

Le mécanisme de corruption massive  dont a fait état l’avocat général devant la chambre de l’instruction, moi je n’appelle pas ça un système. Nous avions quelqu’un qui a un jour rendu service. Alors je sais pas pourquoi il a rendu ce service, ni qui lui a enseigné comment rendre ce type de service, je pense au rajout de points, au traficotage de ce qui était les permis de conduire des uns ou des autres.


Mais ce qui est certain, c’est que le premier qui a bénéficié de ce service a révélé la bonne affaire à quelqu’un d’autre et ainsi de suite. Et on s’est retrouvé avec des corrupteurs en masse. Et ce qui est le plus consternant de ce dossier, c’est que la plupart de ces corrupteurs avaient les moyens financiers de se payer un stage, de se payer des amendes, de repasser un permis de conduire.

 

Et aucun ne s’est posé la question de savoir ce que pouvait devenir ce fonctionnaire et de se rendre compte qu’il pouvait un jour ou l’autre mettre fin à sa carrière dans la fonction publique.


Notables, entrepreneurs, joueurs de rugby

Je ne fais que reprendre ce qui a été révélé par le ministère public dans le Sud Ouest du 31 janvier. Effectivement il y a des notables, il y a des entrepreneurs. L’avocat général a nommément désigné l’un d’entre eux.

Et je dois dire (…) qu’il y a des personnes qui sont très malines et qui ont profité de l’aubaine pour vendre à des gens qu’ils connaissaient des indulgences, si on appeler ce des indulgences, que mon client pouvait leur avoir pour rien du tout.

Je pense à un entrepreneur à qui on a demandé de payer 4000 euros pour recouvrer son permis de conduire alors que le mien n’a jamais vu la couleur de cet argent, ne l’avait jamais demandé, et n’avait jamais entendu monnayer ces services.


« Est-ce qu’au sein de la sous-préfecture de Bayonne il y a d’autres personnes avant lui qui ont su utiliser ce système ? »

C’est un garçon… c’est curieux de le dire comme cela... mais c’est un honnête homme.  Un honnête homme parce qu’il n’a jamais eu l’impression d’agit à mal, d’enfreindre véritablement la loi. Pour lui c’était rendre service. Se pose d’ailleurs la question de savoir qui lui a indiqué comment manœuvrer ?

Comment faire ? Est-ce qu’il a découvert tout seul ? Ou est-ce qu’au sein de la sous-préfecture de Bayonne il y a d’autres personnes avant lui qui ont su utiliser ce système pour favoriser des proches, des amis ou je ne sais qui d’autre ? Je suis étonné moi que ce garçon ait pu, tout seul, mettre le doigt et se laisser happer complètement dans cet engrenage.

Je me souviens qu’il y a eu de mémoire un précédent dossier de trafic de cartes grises qui émanait aussi si je me souviens bien et si je ne me trompe pas de la sous-préfecture.

C’et « l’ensemble des corrupteurs qui devraient être mis en examen »

Jeudi la chambre de l’instruction donnera sa vérité concernant la demande de remise en liberté. Elle nous dira si vraiment mon client mérite d’être maintenu en détention alors que à mon sens ce sont plutôt l’ensemble des corrupteurs qui devraient être mis en examen parce que ce sont eux qui sont allés solliciter mon client, même si le mien n’aurait jamais dû accepter et faire droit à ces sollicitations.


Mais on est quand même dans un système où les uns les autres se sont donné le nom de mon client pour aller chercher des avantages. Et c’est, mon client, la seule personne dans ce dossier qui est en train de véritablement payer de sa liberté ces exactions.


Il en est certes l’auteur mais s’il n’y avait pas eu de corrupteur, il n’y aurait pas eu un fonctionnaire corrompu. Le Juge d’instruction a été saisi depuis le 24 janvier. Au moins une autre personne a été mise en examen, il s’agit d’un élu local. Je ne sais pas s’il y en aura d’autres. Très curieusement les corrupteurs passent à travers les goutes.

 
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